Les réverbères : arts vivants

Action & Raison : les inséparables

La raison et l’éthique semblent être à l’origine même de nos (bonnes) actions … vraiment ? Un débat mordant présenté dans le cadre de l’Épisode_2 : L’Homme rationnel vs Akrasia du Cogitoscope, Espace discursif de philosophie pratique en 4 épisodes du 9 au 12 janvier au Théâtre du Grütli.

Le premier jeûne de l’année viendra-t-il délester la pensée des souvenirs houleux des fêtes …? Au Grütli, on nous sert, en tout cas, un tout autre programme : de la philosophie sur un plateau. Le temps de quelques jours, Vincent Coppey et Jean-Louis Johannides rendent la tour d’ivoire de notre conscience, du terreau d’origine de nos pensées et de nos actions accessible à tous, pour ce deuxième épisode du Cogitoscope. Un bref détour par le grec ancien nous rappelle que skopéô signifie « observer », car il s’agit ici d’inspecter la pensée sous tous ses angles, même les plus obtus. Placée sous le microscope, je nomme Akrasia ou l’action irrationnelle faisant irruption dans la chaine normalement rationnelle des actions d’un sujet.

La discussion philosophique prend la forme d’une mise en pratique de concepts peu ou prou familiers, comme le syllogisme de Lewis Carroll ou les vertus d’Aristote (que vous découvrirez sur place !), à l’aide d’indications claires : p. 11 ou 7 d’un carnet de bord à disposition de chaque spectateur  pour cette troublante traversée. Il reste néanmoins le décor pour donner l’impression d’être au théâtre et pas seulement dans un espace de réflexion aux contours vagues, avec comme cible les concepts clés des différents mouvements philosophiques. Une tour montée avec quelques planches, comme si un séisme les avait arrachées d’une construction plus solide, siège au cœur de la scène et illustre peut-être l’assomption de la pensée qui s’opérera au cours de la pièce. A moins qu’il ne s’agisse d’un appel à une vision d’ensemble, à une prise de distance avec le vécu ? La question restera ouverte, tant la pièce dégage la voie à diverses réflexions sans jamais vraiment les préciser.

Les deux comédiens digressent, passent d’une problématique à l’autre tout en agençant ou en éprouvant l’espace qui les entoure : Renforcer la tour, la gravir ou en descendre, boire son thé ou danser de façon frénétique. Il est difficile de les suivre tant leurs actions diffèrent les unes des autres en suivant des détours rocambolesques à l’écart de tout fil conducteur. On aimerait qu’ils s’arrêtent parfois, comme sur une île paradisiaque, qu’ils donnent plus de corps à leurs propos et nous délivrent enfin un cocktail sucré de réponses : A quoi bon catégoriser le monde ou comment expliquer notre volonté d’effectuer de bonnes actions ?

Bien sûr, la réponse n’est sans doute pas l’issue souhaitée par ces deux taurillons tourmentés qui tancent en creux notre désir de trancher, toujours, partout. Ils invitent plutôt le public à se laisser prendre dans leurs rets, guidés, toujours, par l’Akrasia. Une pièce à décanter avec ou sans Kant.

Laure-Elie Hoegen

Infos pratiques :

Le Cogitoscope, Espace discursif de philosophie pratique en 4 épisodes Épisode_2 : L’Homme rationnel vs Akrasia, du 9 au 12 janvierpuis Épisode_3: Dire des conneries du 20 au 23 mars.

Espace scénographique: Peter Stoffel

Avec Vincent Coppey & Jean-Louis Johannides

Photos : © Dorothée Thébert Filliger

Laure-Elie Hoegen

Nourrir l’imaginaire comme s’il était toujours avide de détours, de retournements, de connaissances. Voici ce qui nourrit Laure-Elie parallèlement à son parcours partagé entre germanistique, dramaturgie et pédagogie. Vite, croisons-nous et causons!

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