Les réverbères : arts vivants

Archéologie du souvenir

Le temps court, et l’on se demande comment l’amadouer pour qu’il n’emporte avec lui nos histoires, victoires ou forfaits. Xavier Bobés rend hommage aux tribulations d’une vie espagnole, puisqu’il y a tant de Choses que l’on oublie facilement. Du 5 au 20 octobre au Théâtre des Marionnettes de Genève.

 Tiroirs et autres boîtes de notre mémoire

Quelle forme prend le temps si l’on écarte la dimension esthétique et pour beaucoup angoissante d’un pli sur le visage ? Est-ce un trait de couleur de plus sur un mur à la peinture rafraichie ? Une nouvelle collection de magazines coincée entre deux rayons de l’étagère ? L’impatience de retrouvailles futures ? Xavier Bobés rend compte d’une mémoire d’un autre temps, celui de 1942 en Espagne, lorsque les nationalismes font trembler l’Europe. Il donne le blanc-seing à ses visiteurs qui se demanderont à juste titre ce qu’ils font, eux-mêmes, du temps et des souvenirs. Puis, ils le suivront là où il dévoilera son temps à lui. L’histoire du temps, bientôt illustrée par ses mains fortes de grâce et de mystère, commence par l’ouverture d’une boîte.

Objet neutre ou tiroir à trouvailles, la boîte s’ouvre sous nos yeux et regorge de photos, précieux trucs et bidules – aboutissements en tout genre de gentilles manies à tout vouloir garder. Xavier Bobés dévide ainsi le fil d’une histoire personnelle inscrite dans le grand cadre de l’Histoire. Tout s’éparpille sur la table ronde comme si quelqu’un avait décidé d’ouvrir, en catimini, l’une des salles sombres de notre mémoire afin de regarder ce qu’il s’y trouve, sans trop déranger.

Les privilégiés

La construction des mémoires est personnelle et, en ce sens, peu encline à l’analyse noire sur fond blanc : c’est une construction subtile, avec ses dégradés, ses préférences. Et c’est ainsi que le spectacle est conçu : dans un espace intimiste et réservé à un petit nombre (5 !), faisant écho au cercle restreint des proches, à ceux à qui l’on souhaite se confier et raconter. Ici, l’on se confiera en silence, par des simples gestes et éveils de sensations tandis que les objets défilent devant nos yeux. En cela, le spectateur quitte la salle honoré. Honoré d’avoir été accepté dans ce jardin secret et d’être un passeur de souvenirs, de ces choses dont on s’est rappelé ensemble, et que l’on n’oubliera pas. Un mélange d’être et d’avoir qui nous aidera à constituer, de façon équilibrée, nos mémoires respectives.

Laure-Elie Hoegen

Infos pratiques :

Choses que l’on oublie facilement de Xavier Bobés du 5 au 20 octobre au Théâtre des Marionnettes de Genève

Compagnie Playground (ES)

https://www.marionnettes.ch/spectacle/228/choses-que-lon-oublie-facilement

Avec : Xavier Bobés

Photos : © Magda Timoner / Xavier Bobés

Laure-Elie Hoegen

Nourrir l’imaginaire comme s’il était toujours avide de détours, de retournements, de connaissances. Voici ce qui nourrit Laure-Elie parallèlement à son parcours partagé entre germanistique, dramaturgie et pédagogie. Vite, croisons-nous et causons!

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