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Encres alliées : une création à plusieurs mains (épisode 3)

Encres alliées, c’est un projet de création pluridisciplinaire. Neuf volets, neufs univers, entre textes, musiques, illustrations et lecture. À découvrir régulièrement sur Youtube, où que vous soyez.

En cette période d’incertitude sanitaire, la création n’a pas dit son dernier mot. Paul Castellano, étudiant à l’Institut littéraire suisse de Bienne, a réuni des auteur.e.s, des illustrateur.trice.s, des musicien.ne.s et des lecteur.trice.s. Son projet ? Créer ensemble, en mêlant texte, musique, lecture et dessin. Les Encres alliées vous proposent ainsi de découvrir, au fil des semaines, neuf univers différents.

Le troisième épisode s’intitule « Ils ne doutent jamais »… et a un ton satirique ! Il rassemble Robin Hurlimann (texte), Raphaël Archinard (lecture et musique), ainsi que Lauriane Rozmuski, alias Chooroz (illustration). Comment ces artistes ont-ils créé ensemble ?

La Pépinière : Bonjour à tous les trois ! Commençons par parler du texte. Robin Hurlimann, « Ils ne doutent jamais » oscille entre conte et satire… en quoi ?

Robin Hurlimann : Bonjour. Mon texte est en effet une sorte de conte. Il parle d’une troupe de chevaliers mégalomanes, choisis par leur seigneur pour éliminer une créature monstrueuse. Mais la seule créature monstrueuse étant leur orgueil, ils finissent par s’entretuer les uns après les autres. Mon projet était d’écrire une histoire de chevaliers sur un ton satirique, de critiquer l’idéal chevaleresque que j’affectionnais dans mon enfance. Le côté humoristique que j’ai voulu donner à mon texte vient avant tout du décalage entre la présentation, très élogieuse, que fait le narrateur de ces « preux » chevaliers et les actions / paroles de ces derniers. C’est de cette idée qu’est né mon texte. Ensuite, il me fallait juste une excuse : la quête de la bête, pour conduire ces héros au massacre… et démontrer que leur manque de lucidité était le fruit de leur arrogance.

La Pépinière : La lecture et la musique forment une grande part du projet… et c’est Raphaël Archinard qui s’en est occupé ! Un mot sur ces pans particuliers de la création ?

Raphaël Archinard : À la découverte du texte de Robin, j’étais déjà emballé. Une histoire de chevaliers comme celle-ci faisait vibrer en moi des passions oubliées de gosse qui joue dans les ruines du château d’Oppède… Le récit se place à un endroit délicieux où le sacré est délivré de sa pesanteur et devient risible, sans pour autant oublier les codes de la chanson de geste. J’ai naturellement pensé aux films des Monty Python, à ceux d’Alain Chabat et à l’humour débile des Robin des Bois ; la forme de récit audio m’a aussi mis sur la piste de François Perusse et du Donjon de Naheulbeuk – et toutes ces inspirations réunies, mélangées et digérées, m’ont permis d’imaginer ma lecture et de la construire comme par évidence. La superposition des voix m’a donné du fil à retordre et les différents aspects techniques que m’imposait mon idée m’ont découragé plus d’une fois, mais Paul Castellano a su me pousser à continuer.

J’avais tout bonnement oublié qu’il m’avait proposé de mettre en musique ma lecture. Je me trouvais avec un objet bien dense et compact entre les mains, rien qu’avec les voix enregistrées, mais j’ai voulu y ajouter un peu d’ambiance musicale. J’avais tout juste la place d’y mettre une longue note tirée qui ajoutait un aspect un peu dramatique et qui, par sa répétition, appuyait peut-être le rendu comique de ma lecture. J’ai eu la joie de découvrir l’illustration une fois l’objet fini, comme une belle cerise sur le drôle de millefeuille que j’avais servi… !

La Pépinière : Et au niveau des illustrations ? Comment parvenir à illustrer un texte qui tient du conte satirique ?

Lauriane Rozmuski : Je réalise généralement mes dessins sur ordinateur, avec le programme Clip Studio, que j’ai donc utilisé pour cette illustration aussi. Quand j’ai reçu la lecture, j’ai d’abord voulu me concentrer sur le côté mystérieux de l’arrivée des chevaliers dans cette étrange forêt… Mais, après plusieurs essais, je n’étais pas satisfaite de l’idée. J’ai alors décidé de représenter ces chevaliers se massacrant tour à tour, avec une touche d’ironie représentée par le loup moqueur. Dans mon illustration, j’ai essayé de donner une idée de mouvement, d’un chevalier à l’autre (je commence actuellement des études en animation, alors le fait d’insérer un mouvement séquencé me plaisait bien). Le dessin final est plus sombre que ce que je fais d’habitude, mais je suis très contente d’avoir eu l’occasion de tenter quelque chose de différent, tout en ayant la « contrainte » de rester dans le thème de la lecture.

La Pépinière : Merci à vous pour ces réponses ! Et bon vent au projet Encres alliées !

Propos recueillis par Magali Bossi

Photo : ©Lauriane Rozmuski

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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