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Encres alliées : une création à plusieurs mains (épisode 7)

Encres alliées, c’est un projet de création pluridisciplinaire. Neuf volets, neufs univers, entre textes, musiques, illustrations et lecture. À découvrir régulièrement sur Youtube, où que vous soyez.

En cette période d’incertitude sanitaire, la création n’a pas dit son dernier mot. Paul Castellano, étudiant à l’Institut littéraire suisse de Bienne, a réuni des auteur.e.s, des illustrateur.trice.s, des musicien.ne.s et des lecteur.trice.s. Son projet ? Créer ensemble, en mêlant texte, musique, lecture et dessin. Les Encres alliées vous proposent ainsi de découvrir, au fil des semaines, neuf univers différents.

Le septième épisode a pour titre « Dresser des listes ». Il réunit Giulietta Mottini (texte), Louison Alix et Adrien Zumthor (lecture), Paul Castellano alias Lupa (musique) et Mathilde Berner (illustration). Comment ces artistes ont-ils créé ensemble ?

 La Pépinière : Bonjour à tous les cinq ! Commençons par le texte écrit par Giulietta. Il est très rythmé et se répète, de la même façon qu’on dresse des listes. Pourquoi une telle thématique ?

Giulietta Mottini : J’adore lister. De façon presque compulsive. Il n’y a pas une journée qui passe sans que je ne dresse la liste des choses à faire, des courses au supermarché, de mes rêves ou des livres à lire un jour. Dresser des listes pour explorer le quotidien et la liste comme forme littéraire. S’est ouvert un champ d’expérimentation sur la liste en soi et la langue qu’elle entraîne, des jeux avec les mots, leurs sens et leurs sonorités.

La Pépinière : Ce texte est porté par deux voix, celles de Louison et Adrien, comme dans l’épisode 4. Cette fois-ci, vos deux voix sont totalement distinctes, arrivant l’une après l’autre. Comment ce découpage vous est-il venu ?

Louison Alix : Comme pour l’épisode 4, je me suis posé plusieurs questions. Les questions simples mais essentielles que je me pose en premier sont souvent : qui parle ? Un personnage, une idée, l’auteur lui-même, etc ? Y a-t-il un rythme imposé, une manière d’écrire qui dirige le souffle de la voix, comme chez Proust par exemple ? Y a-t-il plusieurs passages dans ce texte ? Autrement dit, plusieurs morceaux qui demanderaient différentes énergies ? Et ensuite, qu’est-ce que l’auteur cherche à dire avec ça, puis, qu’est-ce que moi j’ajouterais en le disant ?

Adrien Zumthor : De nouveau, on a eu l’envie de travailler à deux. On a essayé plusieurs options, par exemple l’un après l’autre de dire un élément de la liste, mais cela dénaturait la liste. On s’est demandé si on la lisait dans un seul souffle, mais en essayant, on a vu que ça ne fonctionnait pas, que la liste était quand même réfléchie, ce n’était pas juste une liste de courses. On peut voir des éléments de suite de pensée, qui apportent des précisions entre eux. On l’a enregistré les deux, en se disant que cela accentuerait l’idée de liste et que cela permettrait à Paul de faire le montage comme il l’entend, avec des coupes ou non. Cette partie-là ne nous regardait presque plus, j’ai envie de dire.

La Pépinière : Dans cette lecture, la musique est plus électro, moins « douce » aussi que dans les autres, avec un rythme très marqué. Pourquoi ce choix ?

Paul Castellano, alias Lupa : Le thème de la liste et les répétitions du texte m’ont tout de suite évoqué cette esthétique très électro. C’est peut-être aussi dû à l’usage de l’infinitif qui renforçait l’aspect très impératif du texte. J’ai posé une basse très mouvante, un kick sur tous les temps, une snare un temps sur deux, et j’avais une base rythmique qui tapait fort et qui marchait bien avec la lecture de Louison et Adrien (j’ai rajouté un peu de delay sur leur voix). J’ai ensuite créé quelques transitions pour amener du mouvement dans le beat, rajouté des sons plus aigus, des hi-hat et des percussions.

La Pépinière : Quant à l’illustration, on y voit une table de banquet, avec un parchemin presque sans fin dessus. À l’arrière-plan, d’autres tables similaires, comme une mise en abyme, accentuant l’idée de répétition de ces listes. Comment cette construction a-t-elle été réfléchie ?

Mathilde Berner : Je me présente, Mathilde, 26 ans, architecte dans un petit bureau lausannois. Quand Giulietta m’a proposé d’illustrer sa nouvelle, nous étions au milieu du confinement, j’étais à ce moment-là à la recherche d’un travail et disposais donc de pas mal de temps devant moi. Le confinement, l’ennui, l’étrangeté de la période m’ont amenée à me replonger dans le dessin, dans l’illustration. Je n’ai jamais été très pro dans le domaine, peut-être par manque de patience ou de temps. Mais l’idée de me plonger dans ce petit projet m’a tout de suite emballée.

Et voilà que je recevais son texte, Dresser des listes. Le travail me parle directement. Une sorte de tourbillon de mots, une répétition continue, une mise en abyme. Je suis directement frappée par la musique déjà mise en place. Je vois des textures je vois des formes. Je commence à faire des recherches de références, des images, des films toute sorte de chose. Je récolte tous les ingrédients qui me feront créer ma composition picturale.

Deux éléments sont fondamentaux pour moi : le travail du mot dresser et cet effet de répétition qui finit par nous donner le tournis. Et voilà, la création commence et je me plonge dans une mise en scène assez théâtrale mais en même temps vide de personnages d’une table dressée d’une liste où la mise en abyme permet l’infini.

La Pépinière : Merci à vous pour ces réponses ! Et bon vent au projet Encres alliées !

Propos recueillis par Fabien Imhof

Photo : ©Mathilde Berner

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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