Les réverbères : arts vivants

La vie plate de Serge

Serge n’aspire pas à la grandeur des spectacles. Il défend plutôt une poésie du quotidien tissée de brefs shows que ses amis transforment en habile sujet de conversation. C’était L’effet de Serge, de Philippe Quesne, du 21 au 23 septembre au Théâtre Saint-Gervais. 

Vendredi soir. Le Théâtre Saint-Gervais fait peau neuve. La nouvelle directrice Sandrine Kuster succède à Philippe Macasdar et confie aux becs à miels venus profiter du chaleureux apéro d’ouverture à la Réplique, qu’elle souhaite une saison forte de coproductions, avec comme axes de travail l’idée d’en faire moins pour assurer la qualité des spectacles et aussi de fournir aux artistes de meilleures conditions de travail. Dans cette ambiance de renouveau et de changements, la pièce de Quesne détonne.

Il est difficile de ne pas juger Serge. Tout autant étudiant désorienté qu’adulte immature, Serge somnole et boulotte chaque soir devant ses émissions préférées ; en quête d’originalité peut-être, il mange sur une table de ping-pong et n’accrédite d’aucune manière la présence de meubles pour étouffer le silence. Bien plus, il s’accommode de son quotidien à l’air morose et lancinant.

Est-il dépressif ou juste de nature calme ? Il apprécie en tout cas la valeur des rituels et propose à son entourage, tous les dimanches soirs, sur une scène improvisée (son salon-salle à manger), de ludiques compositions, un mix de musique et d’effets spéciaux. S’ensuivent alors de courtes discussions durant lesquelles ses ami(e)s se voient obligés – c’est une hypothèse – de louer le spectacle, la qualité et l’aspect extraordinaire des trouvailles de Serge.

Mais Serge ne se prend pas au sérieux et s’il jette de la poudre aux yeux, il n’oublie pas de préciser à son public que sa pièce n’est qu’une longue transition entre deux autres pièces et qu’elle vient donner vie au décor inchangé. Serge produit des effets, comme signes d’un théâtre réduit à sa dimension la plus simple. Philippe Quesne, scénographe et metteur en scène pour sa pièce, parle d’ « understatement » (litote) et défend le caractère éphémère et simple de l’œuvre d’art.

L’effet sur le public peut se résumer en deux temps : Serge nous adresse d’abord un clin d’œil et nous donne à penser. La complexité des emplois du temps et la surcharge du temps libre paraissent tout à coup superflues lorsque l’on voit qu’un rien peut plaire et dessiner un sourire sur nos joues tendues. Toutefois, les mini-spectacles de Serge à cheval entre théâtre d’expérimentation d’une contemporanéité indubitable et pratique-amateur perdent de leur attrait faute d’un enchaînement des jours d’un dimanche à l’autre, lent et sans relief. Une pièce étouffante et poétique à la fois… La nouvelle saison démarre d’un bon pas !

Laure-Elie Hoegen

Infos pratiques :

L’effet de Serge, de Philippe Quesne, du 21 au 23 septembre au Théâtre Saint-Gervais.

Conception, mise en scène et Scénographie : Philippe Quesne

Avec Gaëtan Vourc’h, Isabelle Angotti, Cyril Gomez-Mathieu

Figurants : Rosangela Gramoni, Anna Lemonaki, Vanessa Manarin, Aurélien Patouillard et Mirko Verdesca

Photos : © Martin Argyroglo (article), Pierre Grosbois (banner)

Laure-Elie Hoegen

Nourrir l’imaginaire comme s’il était toujours avide de détours, de retournements, de connaissances. Voici ce qui nourrit Laure-Elie parallèlement à son parcours partagé entre germanistique, dramaturgie et pédagogie. Vite, croisons-nous et causons!

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