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Lexique autobiographique : Autoportrait narratif

Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !

La Pépinière vous propose un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !

Aujourd’hui, place à un « lexique autobiographique » : Jade Perez vous propose de plonger dans son univers, au fil des mots qui, selon elle, la définissent le mieux…

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Autoportrait narratif

Amour : Il est resté un temps, ensuite il est parti, puis il est revenu. Il fait des allers-retours sans qu’on sache pourquoi, c’est lui qui décide. Des fois, il s’est trompé de chemin, et du coup, il a dû faire demi-tour, à de nombreuses reprises. Une fois, il a voulu rester longtemps à un endroit précis mais c’était difficile, alors, il a essayé de s’en aller, sans succès, alors, il s’est accroché. Plus tard, il a décidé de n’apparaître qu’un instant afin d’être vite oublié. Parfois, il est très énervé et sa colère marque les esprits, contrairement à d’autres fois durant lesquelles il a préféré garder le silence. Il est toujours là, même s’il essaie de se faire tout petit. Il n’arrive pas toujours à s’exprimer mais il fait de son mieux. Ça lui arrive d’être dépassé par certaines situations et il ne se rend plus compte de ce qu’il dit. Mais avec le temps, il mûrit.

Étreintes : Je suis allée la chercher à la gare, un samedi matin du mois de novembre. On s’est baladées toute la journée, on a fait les magasins, on s’est assises à la terrasse d’un café et on a profité l’une de l’autre, car pour une fois on avait du temps, contrairement à d’habitude, où on se voyait que durant de courts instants. On s’est raconté beaucoup de choses, des nouveautés, des blagues, on a rigolé et on s’est de nouveau habituées à se voir. Elle avait changé, elle était lumineuse et rigolait beaucoup. Vivre séparées rendait les retrouvailles d’autant plus passionnantes et on attendait les prochains rendez-vous avec impatience. Malheureusement, le temps nous a rapidement rattrapé. On a admiré le coucher de soleil en sirotant notre dernière boisson. Ensuite, je l’ai raccompagnée à la gare et elle est montée dans le train.

Féminité : Elle aime bien s’habiller au rayon homme. Elle y préfère les couleurs, les tailles et les coupes. Elle trouve qu’il y a plus de choix, plus de matières qu’elle aime et personne ne se doute de rien.

Mer : Je suis partie deux fois une journée dans le sud de la France, et j’attends avec impatience une prochaine opportunité pour pouvoir y retourner. Je n’y étais encore jamais allée avant cette année. J’ai pris l’avion les deux fois, et quand bien même c’est un trajet très court, ça n’en reste pas moins dépaysant. Le matin, je me suis baladée au bord de la mer, je l’ai admirée pendant de longues minutes, j’ai pris plusieurs photos, mais malheureusement, je ne me suis pas baignée, peut-être la prochaine fois. Le midi, j’ai mangé des pâtes ou du poisson, face à la mer sur une terrasse au soleil. Ensuite, j’ai lu un peu, je me suis lancée dans la découverte de nouveaux endroits et de nouvelles plages. Quand est venu le soir, j’ai pris le train en direction de l’aéroport et je suis rentrée un peu avant minuit. Tout ça en secret.

Romans : Il y a ceux qu’on conseille, d’autres qu’on nous force à lire, certains qui apparaissent par hasard dans notre bibliothèque et encore d’autres qu’on a de la peine à trouver, même si on cherche bien. On découvre de nouvelles histoires, des personnages fabuleux, des lieux intrigants, des couleurs vives, des odeurs inconnues, des atmosphères paisibles, des sentiments forts, des anecdotes drôles, des paysages merveilleux… C’est normal d’oublier beaucoup de détails – du coup, on relit. Ou alors, on déteste ce qu’on lit, on le crie haut et fort et on ne retouche plus jamais au livre.

Soleil : Elle est assise dans une voiture depuis trente minutes, à la place du passager. La voiture parcourt de longues routes sinueuses, à travers la campagne. Les vitres des fenêtres sont baissées. Elle est calme et profite des rayons de soleil et de l’air frais qui envahissent peu à peu l’intérieur de la voiture. Il commence à faire chaud. Ses longs cheveux blonds s’emmêlent à cause du vent. Elle sourit et chantonne en même temps que la musique. Parfois, elle rigole, et plus tard, elle s’endort presque. Après quelques minutes, elle se demande quand on aura atteint la destination, même si elle ne la connaît pas. Il y a tellement de lumière qu’elle en est presque aveuglée, alors elle sort ses lunettes de soleil. Elle est heureuse.

Travail : J’étais totalement découragée et je pensais que je n’allais jamais y arriver. L’objectif me semblait totalement hors de portée. Mais à force de travail et de volonté, on y parvient toujours. C’est ce que je me suis répété et c’est ainsi que j’ai réussi.

Vitesse : Ça va beaucoup trop vite. Tellement vite qu’on en perd le contrôle. Une voiture en percute une autre, un avion se crashe, un train déraille et ton voisin fait un arrêt cardiaque. Après, plus rien. Il a de la chance ou alors il n’en a pas. On ne peut rien faire pour retourner en arrière, on doit se débrouiller pour continuer car notre vie, elle, poursuit son cours. S’il avait été autre part à ce moment-là, ou bien s’il avait fait plus attention… On ne saura jamais ce qui aurait pu se passer à la place de ce drame.

Jade Perez

Ce texte est tiré de la volée 2019-2020, animée par Éléonore Devevey.

 Retrouvez tous les textes issus de cet atelier ICI.

 Photo : ©michasager

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