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Mondes Imaginaires : Physique atypique (1)

L’association Mondes Imaginaires, fondée en 2019, regroupe trois anciennes étudiantes en Lettres qui, au terme de leurs études, sont arrivées à une constatation : bien souvent (trop souvent), les littératures de l’imaginaire sont décriées et dévalorisées. Pourtant, l’histoire se construit sur un imaginaire, une conscience collective, et une transmission des mythes dits fondateurs. 

Mondes Imaginaires proposent donc des ateliers participatifs et créatifs aux enfants comme aux adultes, afin que les univers fictifs viennent nourrir le quotidien. User du pas de côté qu’offrent des moments de créativité permet d’enrichir la réflexion à travers des points de vue différents et des concepts innovants. Tous les mois, Mondes Imaginaires proposent un atelier d’écriture créative sur un thème différent. Ensemble, nous explorons diverses facettes de l’écriture et de l’imaginaire. Le but est avant tout d’oser écrire, dans un climat de bienveillance, tout en acquérant de la confiance en soi. Chaque thématique est présentée grâce à des ouvrages qui servent de référence (en science-fiction, fantasy ou fantastique), parfois avec un ancrage historique – ce qui permet de stimuler l’imaginaire. Les participants peuvent, s’ils le souhaitent, intégrer des éléments proposés par les animatrices dans leurs écrits. L’atelier se clôt par un partage volontaire des créations. Un seul mot d’ordre : imaginer !

Les textes que vous découvrirez au sein de cette rubrique sont tous issus de ces ateliers. Aujourd’hui, David Weber vous parle… d’écureuil. Bonne lecture !

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La couleur de l’âme (1ère partie)

Elle était belle, grande, élancée, les cheveux rougeoyants, elle avait tout pour plaire. Tout ou presque, ces yeux qui sont pourtant les fenêtres de l’âme étaient disparates : l’un vert, l’autre bleu.

Depuis petite sa mère lui disait : « Ma chérie, tu es un miracle inespéré, je ne pensais jamais avoir d’enfants et pourtant tu es là, oui tu es différente aux yeux des gens, car les tiens sont de couleurs différentes. Mais au fond de toi, tu es juste une petite fille comme les autres. Ne leur en veut pas et que cela te serve de leçon. L’apparence est trompeuse. »

La fille grandit en même temps que les moqueries diminuaient. Les enfants du village se lassèrent du manque de réaction de la petite fille aux yeux vairons. Et elle devient une petite fille normale qui sut s’entourer au fur et à mesure du temps. Elle se constitua un joli cercle d’amis qui ne virent même plus en elle la disparité et qui, comme tous les jeunes enfants, firent les quatre cent coups ensemble. Très souvent, les adultes la pointaient du doigt pour justifier que leurs rejetons faisaient des bêtises, mais elle était toujours défendue par son groupe, et cela ne les empêchait pas de recommencer.

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Un jour un riche noble, M. De La Croix, la remarqua et fut subjugué par cette différence dans les yeux de la jeune fille.

Il convainquit sa femme, pourtant peu rassurée par ce trait atypique, de la prendre comme gouvernante de leurs enfants.

Néphi, qui était maintenant devenue une jeune femme respectable, accepta : sa mère se faisait vieille et ne pouvait plus travailler. Cela lui permettrait de subvenir à leurs besoins à toutes les deux.

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Elle était de condition modeste, et l’arrivée au manoir des De La Croix lui parut comme un conte de fées. Elle avait même une petite chambre rien que pour elle, au deuxième étage. Elle s’occupait principalement des enfants et du ménage en semaine, et rentrait chez elle s’occuper de sa mère le dimanche. Le temps passa, les enfants adoraient Néphi, elle savait se montrer douce, mais aussi ferme quand il le fallait.

Quand elle rentrait chez elle le dimanche, elle racontait avec effervescence l’évolution et les progrès des trois enfants à sa mère qui la regardait avec bonheur s’épanouir.

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M. De La Croix lui, était toujours fasciné par les yeux de la demoiselle ; il les scrutait dès qu’il en avait l’occasion. Une impression étrange le forçait à continuer, car aussi incroyable que cela paraisse, il semblait que l’œil vert devenait plus turquoise, tirant sur le bleu au fur et à mesure des mois qui passaient. Peut-être était-ce l’effet du soleil, ou du bonheur. Est-ce que la couleur des yeux pouvait réellement changer ? Malgré cette attention constante quand Monsieur était dans les parages, elle ne s’en offusquait jamais. Elle avait l’habitude depuis son plus jeune âge que les gens regardent ses yeux et s’en détournent avec dégoût. Elle ne remarquait même pas la mine fascinée du père de famille. La femme de M. De La Croix, elle aussi, n’était pas indifférente, mais comme les amis de la jeune fille, commença à ne plus faire attention à cette disparité si particulière et à vraiment apprécier la jeune fille.

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Un jour cependant, Mme De La Croix alla en ville faire quelques emplettes, et ne revient jamais. Un accident avec un carrosse tiré par quatre chevaux, devenus soudain fous. Madame se trouvait sur leur passage. Ce fut une triste période, mais grâce à la jeune fille, la vie revient vite, les cris d’enfants heureux remplirent bientôt à nouveau la maison et la tristesse de M.De La Croix se mua en une obstination / obsession ? pour la jeune fille. Il commença à fantasmer, à vouloir scruter ces yeux dans d’autres contextes : le plaisir, l’amour, la jouissance – mais aussi la peur, l’humiliation. Il échafauda de nombreux scénarios.

Mais se retint toujours de passer à l’acte.

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Jusqu’au jour où l’école que les petits fréquentaient proposa une excursion sur un week-end.

Il accepta, bien sûr, et prétexta une opportunité pour le ménage de printemps afin que Néphi vienne quand même travailler au manoir.

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Ne se doutant de rien, la jeune fille vient armée de sa bonne volonté. Ses yeux autrefois clairement bleus et verts, tirant peut-être même un peu plus sur le vert à l’époque (mais comment en être sûr ?), étaient maintenant clairement bleus tous les deux. Une différence de teinte soulignait encore le trait atypique, mais elle était ténue. M. De La Croix se dit que bientôt cela changerait et que s’il voulait que ses fantasmes se réalisent, il devait agir.

Poussé par son empressement, il proposa à la jeune femme de déplacer le lit de la chambre pour pouvoir nettoyer en dessous. C’était un grand lit à baldaquin de style Belle Époque.

Malgré leurs efforts et comme il s’y attendait, ils ne purent que peu déplacer l’énorme meuble. Épuisée, elle demanda à s’asseoir quelque part, il lui proposa le lit en même temps qu’il fermait la porte à clé.

Je n’ai pas besoin de décrire ce qui s’y passa, votre imagination, qui crée toujours les pires images, fera très bien le travail. Tout ce que je peux ajouter, c’est qu’elle passa de la naïveté, à la timidité, au romantisme, puis à l’incompréhension, à la peur et à la souffrance.

Quand la porte se rouvrit, M. De La Croix portait comme lors d’une nuit de noces, une belle silhouette en chemise de nuit blanche tachée de sang.

Il l’amena dans sa chambre et la déposa sur son petit lit avec douceur, mais verrouilla la porte derrière lui.

Jessica Vonlanthen

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Photo : ©Free-Photos

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