Pastiche ?
L’Âge d’Or, ou le bien étrange voyage des personnages de Feydeau dans un musée de cire. Dans une mise en scène de Claude Videau. La Troupe amateur Melimelo se produisait à la Salle La Plage, (ferme Marignac) jusqu’au 2 février.
Georges Feydeau en faisant voyager dans le temps ses personnages, plonge le public dans une fantastique aventure. Celle de Monsieur Follentin, un brave père de famille, bourgeois comme il se doit et employé grognon de ministère, qui aspire à l’évasion le plus loin possible de ses soucis quotidiens et pourquoi pas dans une autre époque. Un vaudeville classique qui s’échappe dans le monde fantastique d’H.G. Wells. Feydeau s’en est donné à cœur joie.
Dans la version proposée, les trois coups sont enregistrés ! Un choix de metteur en scène qui laisse à penser avant le lever de rideau, que les choses seront iconoclastes. Un sentiment confirmé par la présence devant ce dernier d’un charmant Monsieur Loyal qui, en tirant le rideau, ouvre le spectacle sur un décor des plus étranges.
Certes, il y a le canapé, le seigneur du lieu qui trône au milieu de la scène. Celui-ci est entouré par un ensemble de meubles disparates, de bibelots et de tableaux étonnants, (Margaret Thatcher en vis-à-vis de Beaumarchais) qui tentent de recréer une ambiance fin du XIXème. Tout cela serait des plus classiques si l’impression donnée par l’ensemble ne laissait à penser que tout ce bric à brac provient soit des puces de Plainpalais, soit du grenier de grand-maman. Un décor qui semble dessiner les contours réjouissant d’un pastiche du théâtre amateur.
Car tout y est dans ce Saint-Frusquin. Les décalages d’âge entre une mère interprétée par une comédienne de soixante-cinq ans et sa jouvencelle de fille, une brave dame de cinquante-cinq. À ceci s’ajoute des anachronismes, (Margareth Thatcher chez Feydeau !?) et autres bricolages qui complètent la liste, le meilleur appartenant à une pendule d’époque style bourgeoisie flamboyante extraite du catalogue Leroy-Merlin. Les costumes de l’entier du spectacle pourraient même sentir la naphtaline si le metteur en scène avait poussé le détail, un élément qui aurait pu confirmer l’hypothèse d’une parodie. Car après vingt minutes de jeu, la mise en scène n’offre pas assez d’éléments clairs pour que les contours du pastiche supposé s’affirment.
Cependant, les inserts de slogans publicitaires, les lunettes de chez Fielmann portées par deux rois de France, des revolvers roses d’une agente des forces de l’ordre, le tatouage à l’épaule de la Reine Margot ainsi que les costumes médiévaux achetés au shop du château du Haut-Koenigsbourg, autant d’éléments qui ferraient pencher la balance vers un véritable pastiche tant tout y est décalé, en rupture et distorsion. Benjamin Franklin déguisé en Al Capone ainsi qu’une scène délirante d’Oh Calcutta (inspiré d’une scène écrite par Feydeau selon le metteur en scène) qui croise le bossu de Jean Marais interprété par une comédienne qui porte la voix de la sorcière de Blanche-Neige. Le public en reste baba !
Seulement, le jeu des comédiens tendrait à penser que le pastiche n’en est pas un. Certes, le texte est bien tenu, quelques idées de mise en scène et des clins d’œil sont présents, mais il réside sur scène une mise en place qui manque de précision, quelques embouteillages, des interprétations parfois faibles, sans grandes nuances et quelquefois des jeux de scène qui tiennent du cliché suivit çà et là de bricolages. Ces éléments rassemblés portent vraiment vers le théâtre amateur, avec ses maladresses, ses moyens du bord et ses ombres dans la direction d’acteur.
Un spectacle qui manque de définitions et d’intentions claires et ceci malgré le réel plaisir de jeu de chacun. La fascination du burlesque s’estompe face à une mise en scène qui ne sait pas très bien sur quel pied danser. Le texte de Feydeau proposé dans l’Age d’Or, offre une large matière qui laisse place aux pastiches les plus décalés. Dans la version proposée, la position du curseur entre l’iconoclasme et le réalisme est flottante. Une hésitation qui efface la première impression offerte qu’était la réjouissance d’une moquerie.
Jacques Sallin
Infos pratiques :
L’Âge d’or par La Troupe amateur Melimelo, à la Salle La Plage, (ferme Marignac) du 27 janvier au 2 février
Mise en scène : Claude Videau
Avec Joris Degoumois, Nicolas Favre, Isabelle Lador, Marcel Lamotte, Isis Meli, Olivia Meli, Stephanie Monastesse-Bolat, Agnès Sontheim
Photos : © Melimelo