Le banc : cinéma

Retrouver la beauté du monde

Perdre un proche est une terrible épreuve. Encore plus lorsqu’il s’agit d’un enfant. Alors, on s’en prend à qui on peut, à la Mort, au Temps, à l’Amour. Que se passerait-il si on pouvait communiquer avec ces entités ? C’est ce qui arrive à Will Smith dans Beauté cachée, sorti au cinéma en 2016.

Howard Inlet (Will Smith), grand publicitaire new-yorkais, a perdu sa fille à cause d’une maladie orpheline. Plongé dans une profonde dépression, il écrit à la Mort, à l’Amour et au Temps, pour trouver des réponses ou leur exprimer son ressentiment. Inquiets pour sa santé et celle de l’entreprise, ses trois amis et associés – Whit (Edward Norton), Claire (Kate Winslet) et Simon (Michael Peña) – décident de l’aider. Ne pouvant rien faire par eux-mêmes, ils décident d’engager trois comédiens, qui incarneront les trois entités, amenées à rencontrer Howard pour tenter de le sortir de son état.

Le Hasard fait bien les choses

Alors qu’il se promène dans la rue, Whit aperçoit une femme (Keira Knightley) qui l’attire, sans trop savoir pourquoi. Il décide de la suivre et se retrouve dans un petit théâtre où elle répète une pièce avec d’autres comédiens. Malheureusement, l’équipe n’a pas les fonds pour monter le spectacle et le jouer devant un public. C’est de là que germe l’idée d’engager les trois comédiens pour incarner le Temps, l’Amour, et la Mort, contre rémunération. Tout le monde sera alors gagnant. Et on ne croit pas si bien dire…

Chacun des trois amis de Howard sera en relation avec une des entités. Si le but premier est d’aider Howard – quoique… mais nous verrons cela un peu plus loin – chacun sortira grandi de cette relation. Whit est rejeté par sa fille, qui ne l’aime plus depuis qu’il a commis l’adultère. Claire est une éternelle célibataire, et le temps commence à manquer pour fonder une famille. Quant à Simon, il est atteint malade et tente désespérément de le cacher à sa femme, par peur de la mort. Devant chacun préparer une des entités à affronter Howard, ils se livrent également sur eux-mêmes. Et les trois comédiens les aideront à leur manière. Whit, en passant du temps avec l’Amour (Keira Knightley), apprendra à accepter les émotions de sa fille, pour reconstruire une relation saine. Claire, grâce au Temps (Jacob Latimore), comprendra qu’il ne sert à rien de presser les choses. Enfin, Simon parviendra à surmonter sa peur de la Mort (Helen Mirren) pour l’affronter avec sa famille et passer ses derniers mois heureux avec elle. De là à croire que le Destin n’a pas fait les choses au hasard…

Surmonter son mal-être

C’est là que ce film prend tout son intérêt. Ne se concentrant pas seulement sur le personnage qui est au plus mal, il met aussi en avant le mal-être de chacun. Un mal-être qui se manifeste de différentes façons, mais qui doit être surmonté. Seul Howard doit faire face aux trois problèmes en même temps. D’où son état dépressif, alors que les autres semblent aller bien. C’est donc une belle métaphore sur la différence entre la dépression et le fait de ne pas avoir le moral.

Il nous faut toutefois souligner que les intentions des amis de Howard ne sont pas totalement louables dès le départ. Leur ami s’étant totalement désintéressé de l’entreprise, ils cherchent à le faire passer pour fou, afin de récupérer ses parts et de sauver la boîte. Difficile pourtant de leur reprocher d’être motivés par des intérêts financiers… car c’est leur avenir qui est en jeu. Et puis, ils en profitent tout de même pour aider leur ami, qui – sans tout divulgacher – s’en sortira.

Il nous faut encore nous concentrer quelque peu sur le personnage d’Howard, seul à avoir besoin des trois entités pour s’en sortir. Les trois comédiens l’aident à accepter la mort de sa fille, à laisser le temps faire les choses, et l’amour revenir. À cet égard, la relation avec sa femme est particulièrement intéressante. Alors que Howard cherche à surmonter sa dépression, il rejoint un groupe de parole, où chacun s’exprime sur la perte d’un être cher. Au moment de parler de sa fille, il est incapable de prononcer certains mots : le nom de la maladie, celui de sa fille, celui de sa femme… On comprendra bien plus tard que la responsable du groupe, avec qui il passe une soirée au début du film, n’est autre que sa femme. Ils finiront par se retrouver, après le processus par lequel Howard a dû passer. Leur relation dit, de manière subtile, beaucoup de choses. D’abord, qu’il faut laisser le Temps faire les choses et guérir les blessures. Ensuite, qu’on a parfois besoin de se retrouver seul pour accepter et surmonter ses problèmes – en l’occurrence faire face à la Mort. Enfin, que l’Amour, s’il est profond et sincère, finit par triompher. Ce discours peut sembler banal et éculé, mais c’est surtout la manière dont sont amenées ces réflexions, par la relation et l’évolution subtile de tous ces personnages, qu’il faut retenir.

À la fin de ce film, on ne peut s’empêcher de se demander si ces comédiens ont vraiment bien interprété leur rôle, ou s’il s’agissait en réalité de bien plus que ça. La scène finale, que je vous laisse le soin de découvrir, apporte certainement quelques réponses… Quoiqu’il en soit, Beauté cachée est un bel écho aux personnages des Inchangés, qui présentait, en partie, les mêmes entités, d’une façon totalement différente. Le Temps, l’Amour, la Mort et tous ces êtres abstraits auquel nous devons tous faire face dans notre existence, peuvent prendre bien des formes différentes, mais il est nécessaire pour tous de les rencontrer…

Fabien Imhof

Référence :

David Frankel, Beauté cachée (Collateral Beauty), États-Unis, 2016.

Photo : http://geekhebdo.com/beaute-cachee-trailer-film-pleurer/

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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