Les réverbères : arts vivants

Retrouver l’esprit de Noël

En ce mois de décembre, Claude-Inga Barbey nous emmène dans Un conte de Noël de Charles Dickens, à la recherche des valeurs de Noël. Un spectacle qui fait du bien, à voir à La Cuisine du Théâtre de Carouge jusqu’au 22 décembre.

Ebenezer Scrooge est un usurier avare et jamais souriant. Le soir de Noël, il reçoit la visite de trois fantômes, qui l’emmènent (re)découvrir ses Noëls passés, mais aussi le monde qui l’entoure (et dont il n’a pas conscience) ainsi qu’un potentiel futur très sombre… La rencontre avec ces trois esprits, un soir de fête dont il n’a que faire, le changera-t-il ? Et sa tante, qui l’a élevé dans l’attrait du profit et la pingrerie, pourra-t-elle être sauvée ?

Une scénographie magique

Sur la scène de La Cuisine trôneun énorme décor sur roulettes. Placé d’abord dans le coin de la scène, il représente en premier lieu un mur de la ville de Londres, où se déroule la pièce. Au gré des scènes, il se déplace pour devenir tour à tour l’immense lit d’Ebenezer, les rues de la ville, l’hospice pour les pauvres ou encore la maison de Bob, le neveu de Scrooge. Il y a un côté enfantin dans ce décor, tant il rappelle nos jeux d’enfants, dans lesquels un simple bloc de Lego pouvait devenir tout ce dont on rêvait, sans réfléchir aux proportions réelles entre un lit et un immeuble. Avec ce décor, on a l’impression de retomber enfance, dans un univers magique où le réel peut être modelé au gré de notre imagination.

Les enfants, d’ailleurs, il faut en parler. Symbolisés par des plumes colorées et une petite voix qui résonne, ils rappellent leur légèreté et leur innocence. Tiny Tim, le fils estropié de Bob, peut ainsi s’envoler, comme son esprit libre qui voit toujours le bon côté de la vie. La meilleure preuve de cet émerveillement face au monde est la sortie de l’église, après la messe de Noël durant laquelle Tiny Tim est tout heureux d’avoir été vu par le monde. L’esprit de Noël est bien là, avec ses valeurs de partage et de générosité.

Un univers de vieux film

Le spectacle est accompagné tout le long par le chœur amateur du Théâtre de Carouge. Sous la direction de l’excellent Lucien Rouiller, les chanteurs agrémentent le spectacle de passages musicaux bienvenus. On retrouve l’esprit des vieux films de l’enfance ; emporté par cet univers magique et bienveillant, on se croirait ainsi dans une histoire à la Mary Poppins. Toujours bien amenées, les chansons apportent une profondeur à la pièce. À souligner également la qualité des voix de ces choristes amateurs, qui nous font toujours parvenir les paroles distinctement – ce qui est assez rare pour le préciser – et avec un naturel déconcertant. Chaque chant s’intègre parfaitement à l’histoire, sans pesanteur ou artificialité.

Le décor de fond rappelle, lui aussi, l’univers du cinéma et du dessin : projeté sur écran, il change régulièrement selon la scène et prend la forme de dessins, comme dans les story-boards ou d’anciennes bandes dessinées. Un côté enchanteur se mêle au reste de la mise en scène, pour un résultat qui nous emmène dans un autre univers.

L’esprit de Noël

On ne serait pas complet sans citer le formidable jeu des comédiens. À commencer par Doris Ittig, qui joue une servante cynique et désabusée par sa maîtresse. La scène initiale de la bouilloire, dans laquelle elle exagère son jeu juste ce qu’il faut, en est un exemple saillant. Claude-Inga Barbey, ensuite, interprète la tante de Scrooge, avec un accent britannique et snob à mourir de rire. Thierry Jorand (les trois esprits à lui tout seul) et Pierric Tenthorey (Bob) ne sont pas en reste, avec leur rôle plus comique, mais toujours empli de magie. Enfin, Claude Vuillemin est plus vrai que nature dans son rôle d’Ebenezer, ce vieil usurier aigri et si désagréable avec tout le monde, jusqu’à la visite des fantômes…

La mise en scène s’accorde parfaitement avec le fond de la pièce : Dickens nous rappelle ce qu’est le véritable esprit de Noël, et Claude-Inga Barbey le transmet parfaitement. Partage et générosité sont les valeurs mises en avant à travers cette pièce. On ne vous dira pas ici si Scrooge et sa tante changeront leur vision du monde. Seul indice : l’un des deux est enchaîné à la fin du spectacle…

Alors, pour conclure, je voudrais simplement dire merci à cette formidable équipe qui nous permet de retrouver l’esprit de Noël, dans un spectacle qui fait vraiment du bien à l’approche des fêtes, dans des périodes où on a tendance à oublier les véritables valeurs de partage et de générosité. Un spectacle humain à voir absolument.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Un conte de Noël, de Charles Dickens, à La Cuisine du Théâtre de Carouge, du 3 au 22 décembre 2019.

Mise en scène : Claude-Inga Barbey

Avec Claude-Inga Barbey, Doris Ittig, Thierry Jorand, Pierric Tenthorey, Claude Vuillemin et le chœur des amateurs composé de Baptiste Antille, Lucile Baudier, Claude Demeure, Rachel Duc, Marina Grossen, Raphaël Harari, Gina Voirol et René Grossen

https://theatredecarouge.ch/saison/piece/un-conte-de-noel/63/

Photos : ©Carole Parodi

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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