Le banc : cinéma

Une bulle d’humanité au milieu de l’horreur

Basé sur les mémoires de Maurice Grosman, Les enfants de la chance raconte le quotidien d’un enfant juif, hospitalisé alors que sa famille était déportée à Auschwitz. Un film rempli d’humanité, qui montre que chacun a eu un rôle à jouer, à son échelle, pour tenter d’éviter l’horreur totale.

Maurice Gutman a douze ans lorsque, en pleine chamaillerie, il chute dans un escalier et doit être emmené de toute urgence à l’hôpital. De l’ambulance, il aperçoit sa famille dans un bus, pour partir en direction des camps de concentration. Mais cela, il ne le sait pas. Il comprendra bien plus tard que son accident lui a sauvé la vie. Au service de pédiatrie de l’hôpital de Graches, dans les Hauts-de-Seine, on lui diagnostique une tuberculose. Pas le choix, Maurice restera pendant deux ans dans le service, où il rencontrera Samuel, Lucien, les deux René, François, Michel, Louis, le petit et le grand Luc, Jean et Marcel. Autant de camarades de chambre, avec qui il partagera des moments de rire, de complicité. Des moments d’enfance, tout simplement.

Une histoire vraie

Pour le scénario de ce film, Malik Chibane s’appuie sur les mémoires de Maurice Grosman, intitulées N’habite plus à l’adresse indiquée. Cette mention, c’est celle qui apparaît sur les lettres qu’il écrit à sa mère et qui restent sans réponse. Bien vite, on comprend que Maurice est seul, sans famille. La grande Histoire est ainsi racontée à travers une focalisation sur celui qui ne l’a pas vécue, ne l’a pas vue et n’en a su que ce qu’on lui en a dit.

Au-delà de cela, Les enfants de la chance présente un autre aspect de la Deuxième Guerre Mondiale, en mettant en avant le rôle du docteur Daviel (Philippe Torreton), qui a sauvé plusieurs enfants juifs malgré les risques encourus et les pressions subies. Il fait tout pour que les soldats allemands, qui apportent un traitement contre la tuberculose, ne découvrent pas que deux patients – dont Maurice – sont juifs, allant jusqu’à échanger leur identité avec des enfants décédés dans l’hôpital. Une démonstration de courage et de résilience de la part d’un homme qui a refusé de se plier à l’horreur de la situation.

Une bouffée d’oxygène en temps de Guerre

Le rôle de ce médecin n’est pas anodin : il a compris que la vie d’un enfant valait plus que les ordres, que tout ce qu’on pouvait lui demander. Il n’a ainsi pas hésité à prendre les plus grands risques, faisant preuve d’une humanité sans borne. Mais surtout, ses décisions montrent qu’un homme seul, s’il ne peut rien faire pour arrêter la guerre, est capable d’agir à son échelle, avec ses moyens. Le nombre de vies sauvées n’est pas grand-chose en comparaison des horreurs de cette guerre, mais elles ont le mérite d’être là et d’illustrer le courage de cet homme et de toute son équipe. Car les véritables héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

L’aspect profondément humain de ce film ne réside toutefois pas que dans ce point. En tenant les enfants éloignés de la guerre – on en vient à se demander s’il n’a pas falsifié certains résultats d’analyse pour que les enfants puissent rester dans cet hôpital – il leur permet de vivre une « vraie » enfance. Les camarades s’amusent, se chambrent, jouent de la musique et chantent ensemble, n’hésitant pas à faire des farces au pauvre concierge qui, avec son grand cœur, ne dit rien et accepte. Une fois par semaine, M. Charles (Antoine Gouy) vient même leur faire la classe. Ils tissent avec lui une relation de confiance et, au-delà de tout ce qu’il leur enseigne sur la langue française ou l’histoire, ce sont des valeurs qu’il leur transmet, celles de toujours croire en eux, de se battre pour leurs convictions.

Au final, Les enfants de la chance s’avère être un film non seulement humain, mais aussi représentatif de la réalité. Sans démagogie, il ne cherche pas à dire que tout va bien dans le meilleur des mondes – comme en atteste le retour à la réalité de Maurice, qui retrouve sa tante, seule survivante de la famille ; ou la mort du petit Samuel, à cause d’une dose de pénicilline frelatée. Pour autant, tout en gardant toujours à l’esprit l’atrocité de cette guerre, le récit n’est pas larmoyant. Il apporte un message d’espoir, à travers ce qu’il véhicule et rappelle à tous que, face à une crise d’une telle ampleur, on peut tous avoir un rôle à jouer, à notre échelle, pour autant que l’on n’oublie par certaines valeurs humanistes. Un film à voir et à revoir, tant on s’attache à ces enfants et à la tendresse qui s’en dégage.

Fabien Imhof

Référence :

Malik Chibane, Les enfants de la chance, France, 2016, 95 minutes.

Photo : https://www.jiff.com.au/films/the-children-of-chance

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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