Coup de vieux au Caustic
Le Caustic Comedy Club : un lieu où de jeunes humoristes viennent faire leur armes, peaufiner leur spectacle, se tester parfois aussi. Vendredi dernier, c’était un artiste d’un tout autre acabit qui était présent sur les planches : Jacques Bonvin et son spectacle Chier d’être vieux.
Pour assurer sa première partie, l’humoriste valaisan a fait appel à Bruno Peki[1], 19 ans à peine, dans ce qui peut s’apparenter à un choc des générations. Gentiment, ce dernier se moque de son aîné et des personnes âgées qu’il côtoie quotidiennement dans le foyer de jour où il effectue son service civil. Chacun se moque de l’autre et semble aussi l’envier , pour l’expérience d’un côté et pour la jeunesse de l’autre. Un profond respect mêlé de tendresse s’installe entre les deux. On entendra d’ailleurs Bruno rire de bon cœur pendant tout le spectacle de Jacques Bonvin. Précisons ici que j’ai fait la connaissance de son papa (celui de Bruno, pas de Jacques !), assis à côté de moi, mais que les compliments que j’écris n’ont rien à voir avec la discussion que j’ai eue avec lui. Je persiste : il a du talent !
Après cette courte première partie, il est temps pour le héros de la soirée de faire son entrée sur scène. Dans son look de paysan valaisan – chemise d’armailli, bretelles, pantalon de velours trop large et béret – qui contraste avec son allure à la sortie, il revendique sa vieillesse et ses origines. Avec son accent inimitable, il s’est lancé dans l’humour sur le tard, après une retraite anticipée, avec une pause durant la Seconde Guerre mondiale, précise-t-il.
À quoi s’attendre donc d’un humoriste comme lui ? De la tendresse ? Un regard nostalgique sur sa vie ? Il n’en est rien ! Le titre du spectacle, Chier d’être vieux, reviendra comme une rengaine ponctuant ses anecdotes toutes plus drôles les unes que les autres. Tour à tour, il parle de ses petites filles, à qui il apprend à faire certaines bêtises, avec qui il « médite » accompagné d’une bière ou encore à qui il explique comment on fait les bébés, avec la jolie métaphore du pommier et de l’abeille. Ces petites filles, justement, lui rappellent bien son inutilité, lui qui sait tant de choses, mais à quoi bon ? Il y a Google maintenant.
Là où Jacques Bonvin surprend véritablement, c’est dans les thématiques qu’il aborde. Outre le web et les nouvelles technologies, il parle ouvertement de séduction et de sexualité, lui dont la vie sexuelle n’a jamais été aussi foisonnante que depuis qu’il a 70 ans, confie-t-il. Avec un regard complètement différent de celui habituellement proposé par des humoristes plus jeunes, il dévoile ses techniques de drague du troisième âge, avec beaucoup de dérision sur la situation des personnages âgées, qu’elles soient atteintes de Parkinson ou d’Alzheimer.
Mais ce qu’aime Jacques Bonvin par-dessus tout, , c’est « faire chier le monde ». Profitant de son âge, il traverse lentement au passage piétons, passe devant tout le monde à la Migros en n’achetant qu’un chou-fleur, qu’il a évidemment « oublié de peser », se fait passer pour sourd…
On citera enfin ses reprises originales de Tous les garçons et les filles de Françoise Hardy, L’école est finie de Sheila et surtout La Bohème d’Aznavour façon fumette ou raclette, dans lesquelles il a emmené le public, accompagné de son fidèle ukulélé.
Je dois le reconnaître, j’ai rarement autant ri à un spectacle. Jacques Bonvin m’a épaté . Il se moque, rebondit sur ce qu’il entend. Et même si le public – plus âgé qu’à l’accoutumée – lui a mené, ainsi qu’à Bruno Peki, la vie dure en intervenant régulièrement, il ne s’est jamais laissé démonter et le lui a bien rendu dans un spectacle absolument hilarant, à ne manquer sous aucun prétexte !
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Jacques Bonvin, Chier d’être vieux, le 16 novembre 2018 au Caustic Comedy Club.
Sa page Facebook : https://www.facebook.com/jacquesbonvindechermignon/
Photos : © Jacques Bonvin (banner), © fredophoto.ch (inner)
[1] Que vous commencez à bien connaître, puisqu’on vous en a parlé ici et ici.
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