La plume : créationLa plume : littératureRécit participatif n°3 : Et la marmite se brisa

Et la Marmite se brisa : épisode 30

Vous aimez les enquêtes et les énigmes ?

Vous rêvez de courir après les meurtriers, d’élucider des crimes, d’être aussi habile que Sherlock Holmes, aussi perspicace qu’Hercule Poirot ? Les interrogatoires ne vous font pas peur et les indices, c’est votre rayon ? Bienvenue dans Et la Marmite se brisa, une fabuleuse enquête de Miss Apfel !

Et la Marmite se brisa est un nouveau récit participatif lancé par La Pépinière à l’automne 2020. Entre le feuilleton et le cadavre exquis littéraire, nous avons réuni des autrices et auteurs de tous bords : amateur.trice.s, confirmé.e.s, déjanté.e.s, sérieux.ses, jeunes ou plus âgé.e.s… Après le succès de nos récits participatifs précédents (Du jardin au balcon et La Geste d’Avant le Temps), les voilà prêt.e.s à s’embarquer pour une nouvelle aventure, sans savoir ce qui les attend. Cap sur le polar helvétique !

Pour cette première aventure de Miss Apfel (qui évoque bien sûr la Miss Marple d’Agatha Christie), plongez dans les secrets historiques de Genève…

Alors, ça vous tente ?

Retrouvez le début du feuilleton ICI !

* * *

Épisode 30 : Effraction nocturne

Archives d’État de Genève, rue de l’Hôtel-de-Ville 1.

Le 12 décembre, 00h13.

« Fais le guet pendant que j’ouvre la porte… », chuchote Miss Apfel en glissant une clef dans la serrure.

Heureusement qu’elle a toujours gardé un double des Archives, juste au cas où… on aurait eu l’air malin, avec un pied-de-biche, sinon… Pendant ce temps, concentrée et tout de noir vêtue (comme les vraies espionnes !), Heidi observe la rue avec attention. Rien de ce côté… ni de celui-là… rien à gauche… à droite…

« Y’a personne, vas-y ! »

C’est le signal que Miss Apfel attendait. Elle tourne la clef doucement, en plaquant bien la porte pour que personne n’entende le déclic de la serrure… puis pousse précautionneusement le battant, qui s’ouvre avec une obligeance polie et sans grincer. Les deux femmes entrent sur la pointe des pieds, dans les Archives désertes, accostant la porte sans la refermer totalement, pour être sûres de pouvoir repartir ensuite le plus vite possible.

« Qu’est-ce qu’on cherche ? » chuchote Heidi, que sa tante n’a mis au courant que du strict minimum.

À la lueur d’une petite lampe de poche, toutes les deux entreprennent de monter l’escalier menant au bureau de Cathy Piaget.

« Je ne sais pas trop », répond Miss Apfel. « Quelque chose en lien avec une carotte… »

Elle s’assoit au bureau, devant l’ordinateur, sous le regard interloqué de sa nièce. Bientôt, le ronron familier indique que l’appareil démarre. Miss Apfel en a les mains moites d’excitation – on va bien voir ce qu’on va voir… L’écran d’accueil nimbe soudain la salle d’une lueur bleuâtre, qui donne à Heidi un teint maladif. En haut à droite, l’icône en forme de carotte est toujours là. Miss Apfel clique dessus.

« Voyons voir ce que tu caches… »

Une fenêtre s’ouvre.

« Qu’est-ce que ça dit ? » demande Heidi en se rapprochant, oubliant de surveiller l’entrée comme elles en avaient convenu.

Miss Apfel ne répond pas tout de suite, parcourant des yeux des dossiers numériques aux noms aussi énigmatiques qu’inquiétants : Traîtres, B (papa), Emmerdeuses qui farfouillent… et… là !… oui !… Adorateurs de l’Escalade !

« Gagné ! » s’exclame Miss Apfel en trépignant. Elle sort de sa poche une clef USB. « Pas le temps de lire ça maintenant, Heidi, c’est trop risqué. »

Elle branche la clef, copie les dossiers et remet dans sa poche la précieuse preuve, avant d’éteindre l’ordinateur comme si rien ne s’était passé.

« Viens », dit-elle fermement à Heidi en se relevant du bureau. « Nous repartons. Ce serait trop bête de se faire prendre maintenant. »

« Vous ne croyez pas si bien dire !!! » s’écrie alors une voix glacée.

Miss Apfel et Heidi sursautent, le cœur battant la chamade. Face à elles se trouvent Cathy Piaget – mais une Cathy Piaget qui n’a plus rien à voir avec la Cathy Piaget de la journée. Ce n’est plus une vieille fille un peu démodée qui se tient devant elles ; c’est une femme fatale en jupe noire et chemisier pistache, affublée d’une ravissante perruque de cheveux noirs, coupés au carré. Pourtant, c’est bien elle, aucun doute : en atteste la carotte-pendentif, qui se soulève sur sa poitrine au rythme de sa respiration courte. Dans ses yeux, un éclat de triomphe – et de folie colérique.

« Je ne m’attendais pas à me confronter à vous si tôt, Miss Apfel », grince Cathy en s’avançant vers les deux femmes, dangereuse comme une panthère. « En fait, je ne m’attendais pas à ce que vous soyiez si près du but. J’aurais aimé prendre le temps de m’approcher de vous, vous faire payer ce que vous avez fait à mon père – c’est sûrement vous qui l’avez poussé dans le vide, pas vrai ? »

« Je ne comprends pas du tout ce que vous voulez dire », répond Miss Apfel d’un ton ferme, en se plaçant devant Heidi. « Il doit s’agir d’une erreur, je ne connais pas votre père et nous sommes revenues ici simplement parce que j’avais oublié… »

« Silence ! » s’exclame Cathy. « Rien ne sert de mentir », poursuit-elle en souriant. « Les mensonges ne vous sauveront pas… tout comme ils ne sauveront pas les traîtres, ceux qui ont provoqués la mort de mon père, ceux par qui l’Ordre a failli disparaître. J’aurais voulu vous faire souffrir, Miss Apfel – mais ce n’est pas vraiment le moment, ni l’endroit, malheureusement. Je ferai mieux avec ma prochaine victime. »

« De quoi… »

« JOSEPH ! Tue-les, immédiatement ! »

À ces mots, un barbu d’une soixantaine d’années, portant un veston de type western, sort de l’ombre. Un revolver à la main. Tout s’enchaîne alors très vite.

Heidi éteint sa lampe de poche, plongeant le bureau dans une nuit profonde, que même les moniteurs informatiques des Archives ne parviennent pas à dissiper.

Un coup de feu retentit, suivi d’un brouhaha indiquant que plusieurs objets (chaises, classeurs, livres) s’écrasent violemment au sol.

Des cris, une porte qui s’ouvre, une cavalcade…

… Heidi et Miss Apfel débouchent, en trombe mais saines et sauves, dans la rue de l’Hôtel de Ville. Dans leur fuite, elles ont si violemment poussé la porte des Archives qu’elles ont projeté à terre un pauvre quidam… mais ne s’arrêtent pas pour voir s’il va bien, préférant foncer en zigzagant à travers les canons de l’Ancien-Arsenal.

« Suis-moi ! » crie Heidi, qui descend en trombe la Rue du Perron. Sa tante la talonne de près, jusqu’à l’entrée du Passage de Monetier… dont la grille d’entrée s’ouvre avec un grincement. Jetant un regard derrière elles, Heidi et Miss Apfel aperçoivent Cathy Piaget et le sinistre Joseph qui accourent, comme des loups lâchés sur leurs traces. Une balle siffle et vient se ficher dans le mur, juste au-dessus de la tête de Heidi. Les deux femmes se ruent dans le sombre passage…

*

Archives d’État de Genève, rue de l’Hôtel-de-Ville 1.

Le 12 décembre, 00h30.

« Punaise ! Mais c’était quoi, ce bulldozer ?! »

Un peu éméché, l’inspecteur Tabazan (qui, après une longue journée d’enquête et une conversation harassante avec Pierre Dunant, le légiste, s’est autorisé à prendre une bière au Café Papon) se remet tant bien que mal debout. Lui qui avançait tranquillement dans la rue, avec la vague idée de revenir jeter un œil de nuit à la scène de crime de l’Ancien-Arsenal (on ne sait jamais, des fois que la brise nocturne lui permette d’atteindre l’illumination…), le voilà victime d’un carambolage avec une porte et deux folles sortant en trombe. Il n’a même pas vu de qui il s’agissait – avant que les silhouettes de deux femmes tournent à l’angle d’une rue.

Il se relève, époussetant son manteau et grimaçant… lorsqu’une nouvelle fois, la porte des Archives d’État s’ouvre et l’envoie valdinguer. Une fois encore, pas moyen d’apercevoir qui sont ces deux ombres qui courent dans la rue, à la poursuite de celles qui les précédaient.

« C’est vraiment mon jour… » gémit l’inspecteur – avant d’apercevoir, en relevant les yeux, un éclat étrange dans la main d’une des silhouettes qui s’éloignent en hâte. On dirait… un flingue ?!

Tabazan dégrise aussitôt et soudain, un coup de feu venant de la Rue du Perron le tire de ses réflexions. Ça ne fait aucun doute. Quelqu’un est en train de tirer. L’inspecteur se remet debout et se rue à son tour, l’arme au poing, en direction de la Rue du Perron.

Sylvie et Magali Bossi

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 Photo : © StartupStockPhotos

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