Les réverbères : arts vivants

Au Grand Théâtre, on explore les « Sacrifices »

La saison 24-25 du Grand Théâtre de Genève a pour titre « Sacrifices ». Employé au sens large du terme, il sera abordé sous des angles variés, avec des questionnements qui touchent les individus d’aujourd’hui. Et cette question centrale d’une vie donnée pour les autres.

La ligne forte de la saison en ce qui concerne l’opéra sera la présence de nombreuses femmes. Qu’elles se sacrifient par amour ou en étant au pouvoir – soit un rôle traditionnellement masculin – l’objectif de cette pluralité de points de vue est de changer la perspective que l’on peut avoir du sacrifice féminin à l’opéra. Au niveau du ballet, la pièce centrale sera une reprise d’un diptyque inspiré des événements du Bataclan, pour parler aussi de celles et ceux qui n’ont pas choisi d’être sacrifié·e·s. Le sacrifice, c’est donc aussi toute une dimension politique, où l’on donne sa vie pour une cause, avec une vision plus ou moins positive de celle-ci.

Opéra : les femmes au cœur du jeu

Le 15 septembre, la saison s’ouvrira avec Tristan & Isolde, composé par Richard Wagner. Cette histoire de deux amoureux malgré eux qui finissent morts pour l’amour s’inscrit dans la continuité du Parzival proposé il y a deux saisons, avec la même équipe et une distribution prometteuse, accompagnée par l’Orchestre de la Suisse romande.

Un moins plus tard, place à La Clémence de Titus, de Mozart. On entrera dans une dimension plus politique du sacrifice, au cœur de la saison. Repris après avoir été joué lors de la période Covid, ce spectacle mêlera Mozart et Milo Rau, avec un opéra ancien, des thématiques modernes et des facettes cachées de cette œuvre. La politique deviendra l’instrument de manipulation des foules, tout en contribuant à leur libération. Une manière de voir autrement les frontières entre le bien et le mal.

Pour les fêtes, on découvrira le monde de l’aristocratie de Saint-Pétersbourg, mêlée d’un Paris fin de siècle ou encore du Gstaad mondain que l’on connaît. Fedora est présenté comme une sorte de thriller durant le temps des tsars : un meurtre de jalousie est lié à des affaires politiques actuelles. Un propos autour de la diaspora russe qui résonne encore fortement aujourd’hui. Un moment qu’on nous annonce comme festif et plein de clins d’œil, pour la première venue de Roberto Alagna à Genève dans un grand rôle lyrique.

En janvier, retour du cycle d’opéras de Strauss, avec Salomé : la tête d’un prophète servie sur un plateau d’or pour que la jeune Salomé se donne à l’empereur Hérode. Ce premier succès de Strauss à l’opéra illuminera donc les planches du Grand Théâtre après les fêtes.

Du 20 au 26 février, autre reprise de l’époque Covid, avec Didon et Énée de Purcell, qui avait remporté le prix du meilleur streaming de l’année. Il s’agira de l’opéra-ballet de la saison, avec une troupe belge qui proposera une danse-théâtre où chaque mouvement est composé comme une dramaturgie de l’émotion. On entrera dans un univers totalement inconnu, au sein d’une pièce que tout le monde semble pourtant connaître. On entrera dans la tête de Didon, femme abandonnée, mais dont on ne sait ni de qui, ni pourquoi…

Dès le 25 mars, place à Modeste Moussorgski et Khovantchina. Opéra inachevé – la partition n’a pas été orchestrée par Moussorgski – il sera montré à travers l’orchestration de Chostakovitch et le final de Stravinsky, pour une œuvre grandiose et trois compositeurs majeurs de leur époque. Il y sera question de l’ouverture de la Russie vers le monde occidental européen, une thématique extrêmement actuelle.

Une production hors les murs sera également proposée cette saison, sous la forme de théâtre musical, plus que d’opéra, à la cathédrale Saint-Pierre. Dans Stabat Mater, œuvre sacrée – d’où le choix du lieu – l’idée sera d’ajouter des extraits de musique baroque, pour créer un assemblage inédit et surprenant.

La saison d’opéra se conclura avec le titre sans doute le plus connu et le plus populaire : La Traviata de Verdi. Sans doute l’un des sacrifices par amour les plus connus de l’histoire, il sera mis en scène d’un point de vue véritablement féminin, avec la mise en scène de Karin Henkel. Une sorte de kaléidoscope mêlant niveaux narratifs et méta pour entrer profondément dans la psychologie du personnage.

Ballet : deux créations, une invitation et une reprise

Ihsane, créé par Sidi Larbi Cherkaoui, retourne vers ses propres sources, au Maroc. Dans ce spectacle très personnel, il ne travaille qu’avec des artistes du Moyen-Orient, en questionnant son rapport à ses ancêtres. Ihsane enjoint à être une personne juste et bonne, dans une recherche menée avec tout un collectif.

Le ballet invité de cette saison, Beethoven 7, se déroulera du 13 au 16 mars 2025. Sascha Waltz et sa compagnie présenteront un spectacle très organique, avec des mouvements souples et collectifs. Il y sera question d’utopies et de tristesse, à travers la manière dont elles dégringolent. Elles feront écho à cette dernière symphonie de Beethoven, qui inspire une grande dimension de doute, comme aujourd’hui face à l’état du monde.

Seconde création de l’année, Mirage s’inspire de l’idée d’illusion, de voir quelque chose qui n’existe pas. Les danseur·se·s se contamineront pour voir les couleurs se mélanger, comme une forme d’œuvre d’art plastique.

Skid et Thr(o)ugh, que l’on a déjà pu voir, seront cette fois-ci présentées au sein du diptyque Onbashira diptych. Le titre s’inspire d’un rituel japonais dans lequel des hommes descendent une falaise avec des troncs d’arbres, un rituel dangereux dont s’inspirent d’ailleurs également chacun des deux œuvres.

Des œuvres aussi à La Plage

Dans ce lieu qui prendra place un peu partout, on commencera avec Les aventures d’Alice sous terre, une version condensée d’Alice au pays des merveilles. Une production particulière, colorée, rapide et très visuelle, avec un festival de personnages qui évolueront sur des musiques très variées. Un univers à part, qui se déroulera pour la première fois sur la grande scène du Grand Théâtre, dès le 15 août.

Le projet OpéraLab, initié avec La Bâtie, continuera cette année en janvier à la Comédie de Genève, avec la création d’un nouvel opéra avec de jeunes participants, là aussi autour d’Alice au pays des merveilles.

Du 17 novembre au 22 décembre, on pourra également découvrir Dachemka le bébé chien, tiré d’un best-seller pour enfants. À voir dans le foyer du Grand Théâtre.

D’autres événements seront à découvrir encore à la Plage, avec les formules late night, le sleepover qui invite à dormir au Grand Théâtre, ou encore les apéropéras, pour découvrir l’opéra autrement. À noter également les nombreuses collaborations avec Antigel, La Bâtie, Les Cinémas du Grütli, les Aubes musicales… La Plage, c’est donc dans toute la ville, avec de nombreux formats à découvrir !

Vous pourrez également découvrir différents récitals durant la saison, qui vous emmèneront dans quatre mondes très différents. De quoi, peut-être, sacrifier un peu de votre temps pour explorer la programmation riche et variée proposée par le Grand Théâtre en 2024-2025.

Fabien Imhof

Les détails et informations de chaque spectacle sont à retrouver sur le site du Grand Théâtre de Genève.

Photos : ©Diana Markosian

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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