Les réverbères : arts vivants

Comédien rompu, spectacle rodé

Fausto est toujours vivant : ou ma vie en show, de Fausto Borghini. C’était au Théâtre le douze dix-huit jusqu’au 1er Novembre.

Le 12-18 est une très belle salle moirée et rouge qui accueille un homme en noir pour qui l’incarnat de la crise cardiaque fut l’élément déclencheur de l’écriture du spectacle présenté. Un premier opus sorti de sa plume, – un premier – puisque Fausto Borghini en écrit actuellement un second.

Comédien formé aux arts de la scène en passant par l’improvisation, Fausto Borghini se décale vers le spectacle solo, une autre manière de couvrir les planches, et ce n’est pas que simple tant des arts voisins peuvent être de faux amis, car de toute évidence un comédien n’est pas forcément un mime et réciproquement.

C’est courageux et tellement, qu’il aura fallu une sévère secousse de santé pour que Fausto Borghini franchisse le seuil, lui qui hésitait sûrement depuis longtemps à le faire. Quoi qu’il en soit, l’homme est sur scène et nous entraîne dans son show en passant par les péripéties de son existence et notamment de ses origines et ses racines. Italo-Suisse, il l’est de toute évidence, tant il évoque ses origines italiennes avec un accent sorti tout droit de la rue de Coutance et de la place Grenus. Un contraste amusant d’un homme bi-face culturellement.

Sur scène, une chaise solitaire, une simple table ronde, on pense à Bernard Haller dans un décor approuvé par Jean Vilar. Un espace où l’imaginaire du public peut s’épanouir sans contrainte.

Fausto Borghini s’approprie les planches en chauffeur de salle. Tout de suite, le comédien est à l’aise dans cet exercice. Le lien se tisse avec le public, il l’emmène dans son univers avec un large sourire dont il ne se départira à aucun moment.

Puis la valse des traits d’humour, des jeux de mots, des situations cocasses et drolatiques, parfois classiques s’enchaînent à un rythme soutenu sans que Fausto Borghini ne baisse d’une octave.

Le comédien possède de la ressource, du souffle, du métier puisé dans ses années d’expérience d’improvisation : Du stand-up au sketch, les situations s’enchainent. Deux arts voisins eux aussi et faux amis de toute évidence : dans le stand-up, le public place son imaginaire, son propre univers autour de la situation alors que dans un sketch, il appartient au comédien de créer un monde pour que le public se l’approprie. Et cette appropriation demande du temps, aussi court soit-il.  Le comédien avec cette fringale de vie, cette effervescence de l’homme réssuscité génératrice de situations comiques coupe parfois court à l’appropriation. Ce fameux moment rhétorique où la parole est rare ; cette absence où les paradoxes, les tensions et les ressorts comiques peuvent être absorbés par chacun.

Bien écrit, vif, autobiographique comme beaucoup de première œuvre, le texte présenté en récit rétrospectif est rempli d’images bien vues telle que la division des citoyens par corps gras : les « huiles de colza », les « beurre » et les « huile d’olives », où le moitié-moitié « grande gueule ». Juste et percutant.

Une fin burlesque inspirée de Fantasia, où la « Danse des heures » et remplacée par « La mort du Cygne » et les hippopotames sont substitué par Fausto lui-même, ravi et joyeux en ballerine échouée.

Une crise cardiaque bien reçue par un public au chevet d’un ressuscité heureux.

                                                                                                                      Jacques Sallin

Infos pratiques :

Fausto est toujours vivant, de Fausto Borghini du 30 octobre au 1 novembre, au théâtre le douze dix-huit

Mise en scène : Carlos Henriquez

Avec Fausto Borghini

https://ledouzedixhuit.ch/spectacle/fausto/

Photos : © Sébastien Monachon

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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