Les réverbères : arts vivants

De la réalité au plaisir

Ou, du bonheur différé au bonheur immédiat – Rouille et Paillettes de Filippo Capparella – par le Theatro la Fuffa – Théâtre Alchimic jusqu’au 23 février 2025

Longtemps, l’idée qui gouvernait la vie était qu’il fallait d’abord travailler avant de recevoir les fruits de son labeur… le bonheur accompagnant les choses tant bien que mal. Aujourd’hui, il en est tout autre. Le désir de bonheur est pour maintenant… Le travail accompagnera les choses tant bien que mal.

Le bonheur… Est-ce la satisfaction de tous nos désirs ? Ce bonheur-là n’est qu’un rêve et si tel était le cas, nous ne serions jamais heureux-euses. Le sentiment de bonheur n’est ni la satiété, ni la félicité, ni la béatitude. C’est un objet de désir qui suppose la durée… « Une hirondelle ne fait pas le printemps. »

Le couple Clapier a une fille, Mathilde, une adolescente fraîchement sortie du moule. On le sait, c’est l’âge de la révolte, des rêves fous et de l’impatience. La famille vit dans une roulotte à l’abri d’une grande roue, au cœur d’un Luna Park et pour l’heure, il s’agit d’organiser l’anniversaire de la môme : ballons, paillettes et lettres de couleur. Tout semble pour le mieux… Seulement, avec les ados… On ne sait jamais.

Si l’ambiance de cet effervescent spectacle est tirée de la fête foraine, l’écriture et la mise en scène sont inspirées du music-hall, du cabaret tant il y a de la magie festive dans les deux. Ce spectacle possède une pétillance dans le verbe, un éclat dans la mise en scène et une infernale enfilade de scènes suivie par une cavalcade de situations rocambolesques, le tout dans un rythme endiablé. A aucun moment, le spectacle ne chavire dans le trop ou le public pourrait se perdre. Les deux metteur.euse.s en scène : Saskia Simonet et Filippo Capparella maîtrisent parfaitement le rythme de la pièce pour un spectacle coloré, joyeux qui ne perds pas le sens de son propos. La quête du bonheur.

La mère (Audrey Launaz) drôle, juste, contrastée tente de tempérer les mises en question de sa fille. Seulement, la tiédeur est son fait. Le père, (Martin Durrmann) excellent d’un optimisme béat, n’a que sa niaiserie pour parer les rêves fous de sa gamine (Saskia Simonet ) en parfait équilibre dans son rôle. Cette dernière veut le bonheur hic et nunc, comme le désir sa génération, mue par une profonde nouvelle manière de vouloir travailler, de vivre ou de consommer. Pourquoi se contenter de choses qui ne plaisent pas. « Moi, je veux être une tueuse en série ! » affirme Mathilde.

Ce spectacle est un carnaval de pure fantaisie où l’on assiste à un concours de bons mots, qui contrebalance des arguments spécieux soulignés par des gestes et des apparences loufoques. Formidable d’énergie créatrice où l’écriture encore une fois ne perds jamais le fond de sa pensée.

Le bonheur, on y croit, on en rêve, on le rêve et parfois, il semble que l’on s’en approche et s’ il ne vient pas… Le bonheur, on l’atteint plus facilement quand on cesse de courir après. « Le bonheur est une récompense qui vient à ceux qui ne l’ont pas cherché » disait le philosophe Alain. Un spectacle, comme sortit du Moulin Rouge, que l’on goûte avec un infini plaisir et qui n’empêche jamais le public de raisonner.

Jacques Sallin

Infos pratiques :

Rouille et Paillettes de Filippo Capparella, Théâtre Alchimic du 11 au 23 février 2025

Mise en scène : Saskia Simonet, Filippo Capparella

Avec Martin Durrmann, Audrey Launaz, Saskia Simonet

https://alchimic.ch/rouille-et-paillettes/

Photos : © Camilo Baquerre

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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