Les réverbères : arts vivants

Écrire une biographie sur quelques diapos

Des diapositives d’enfance, de vacances et de mariage projetées en fond de scène, deux comédiens qui racontent la vie et la mort d’une certaine Petula… c’est Vie et mort de Petula, à voir au Théâtre Saint-Gervais jusqu’au 8 mars.

Vie et mort de Petula. À lire le titre, on pourrait croire qu’il s’agit d’un spectacle biographique sur Petula Clark. Il n’en est rien. Bien que la Petula dont il est question évoque la chanteuse dont elle aime les textes, c’est la vie d’un être somme toute assez ordinaire qui est dévoilée sur les planches de Saint-Gervais. Petula pourrait être n’importe qui : elle aime le tango, a voyagé en Italie et en Égypte, s’est mariée, a eu des enfants et des amants, un secrétaire personnel… Ce spectacle serait banal si le scénario s’arrêtait ici. Mais, comme le titre l’indique, il est aussi question de la mort de Petula. À travers celle-ci, ce sont ses souvenirs, ses regrets, ses liens avec les êtres, des rapports parfois inavoués qui se développent sur la scène, portés par Nathalie Cuenet et Pierre-Isaïe Duc. Ce bilan post-mortem se présente alors comme une réflexion sur la vie que chacun mène, avec ses joies, ses peines et ses travers…

Quand la mort est bien vivante

Tout commence par la projection de diapositives au fond de la scène. Les deux comédiens les commentent à travers des micros en reprenant les commentaires que chacun pourrait faire : « Quelle lumière ! Et ce ciel ! » « Oh, c’est la tante Ginette et son mari ! » « Mais non, trop âgé, c’est son père, c’est lui son fils ! » Après cette note pleine de légèreté qui provoque les rires des spectateurs, on apprend que, tout à coup, Petula est morte. Nous suivons alors ses pérégrinations dans l’au-delà, les contacts qu’elle tente de créer ou s’imagine avec le monde des vivants. Dans un récit narré par les deux comédiens, quelques scénettes sont jouées, toujours autour des deux micros. On y voit les souvenirs de Petula, son attirance pour Serafin Rodriguez, son prof de tango sexy, son rapport avec Bijou, son assistant personnel. De l’au-delà, elle questionne aussi ses proches. Elle apprend ainsi que son mari n’a pas perdu de temps pour retrouver quelqu’un, que son père n’a pas une très bonne image d’elle, malgré ce que tente de dire sa mère… Au final, c’est à travers la mort que Petula découvre vraiment la vie. Pouvant observer le monde qui l’entoure avec une forme d’omniscience, elle prend conscience des rapports humains qu’elle a entretenus, de son mari à ses amants, se rendant compte qu’elle tenait plus au premier qu’elle le croyait. Le texte de Valérie Poirier tend ainsi à montrer que la mort n’est pas une fin et que, au contraire, elle est une autre phase de vie, permettant à chacun de jeter un regard en arrière, plus lucide peut-être, sur son passé et son vécu. À travers les nombreux rires du public, on décèle une introspection de chacun, qui se retrouve dans certaines scènes, dans certains aspects, dévoilé par un miroir pas vraiment déformant.

Une mise en scène surprenante

On pourrait reprocher à la mise en scène d’Yvan Rihs un côté statique, les deux comédiens narrant le texte et jouant certains dialogues en restant toujours au même endroit, derrière leurs micros. On le pourrait en effet si la dernière demi-heure du spectacle demeurait sur ce modèle. Créant un nouveau choc au sein du public, ce sont cette fois les hommes qui entouraient Petula qui vont la rejoindre. Son mari d’abord, avec lequel elle passe un long moment à revenir sur leur vie, qui n’était pas si mauvaise, tout compte fait. Ensemble, ils se remémorent leur premier baiser, les émois du début de la relation, dans un moment de nostalgie auquel tout le public semble s’identifier, se rappelant de ces moments. Puis arrive Serafin, et enfin Bijou. Tout le passé se mêle, l’amant – ou n’était-ce qu’un fantasme ? – rencontre le mari trompé – ou qui croit l’avoir été ? – et tout explose. Quand chacun prend conscience de la réalité, les deux hommes s’entretuent, ivres de colère. Cette fois, on se demande si toute vérité est vraiment bonne à dire. Ou, en poussant la réflexion vers un autre chemin, s’il ne faudrait pas assumer une telle relation dès son commencement ? On éviterait ainsi des souffrances inutiles à celui qui les découvre après, en l’occurrence le mari. Déplorant déjà le décès de sa femme, il retrouve à peine quelqu’un qu’il quitte la terre à son tour, et doit alors apprendre qu’elle en aimait un autre. Cela ne fait-il pas un peu beaucoup ?

Au final, si Vie et mort de Petula présente des situations peut-être un peu caricaturales par moments, c’est aussi cela qui fait le charme d’un tel texte. Une vie trop banale n’aurait sans doute pas autant fait rire les spectateurs. Pourtant, chacun peut se reconnaître dans un élément ou un autre, et le principal est sans doute là. On ressort de ce spectacle en se remettant en question et surtout avec une autre perspective sur son vécu, en tentant de prendre un peu de recul…

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Vie et mort de Petula, de Valérie Poirier, du 28 février au 8 mars 2020 au Théâtre Saint-Gervais.

Mise en scène : Yvan Rihs

Avec Nathalie Cuenet et Pierre-Isaïe Duc

https://saintgervais.ch/spectacle/vie-et-mort-de-petula

Photos : © Carole Parodi

Fabien Imhof

Co-fondateur de la Pépinière, il s’occupe principalement du pôle Réverbères. Spectateur et lecteur passionné, il vous fera voyager à travers les spectacles et mises en scène des théâtres de la région, et vous fera découvrir différentes œuvres cinématographiques et autres pépites littéraires.

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