Les réverbères : arts vivants

Étude du contrat social de l’amour

Au Château de Nyon, et auparavant à Ambilly et Bernex, dans le cadre de La Bâtie, Jeanne Spaeter a présenté le résultat de son expérience du « Contrat de Relation Amoureuse de Qualité », dans un spectacle détonnant où se mêlent anecdotes, archives et échanges avec le public. Sans oublier quelques surprises… 

Tout commence avec une expérience sociale menée par Jeanne Spaeter. Avec l’aide d’une amie avocate, elle a établi un contrat en 14 clauses, qui règlemente les huit étapes de la relation, des premiers émois jusqu’à l’après-séparation, en passant par la pause, le déclin, ou encore les retrouvailles. Dans ces clauses est inscrit tout ce que les deux parties du couple doivent respecter : relations intimes, voyages, temps passé ensemble, moments de présentation à la famille et aux amis… Pour ce faire, elle s’est inspirée de son vécu, des discussions avec différentes connaissances, ou encore de la pop culture, afin de se trouver au plus près des étapes classiques d’une relation hétéronormée et monogame. Afin de trouver le candidat idéal, elle a mis des annonces sur des sites de rencontre et d’emploi, ainsi que dans la rue. Trois critères devaient être remplis pour que le futur partenaire soit choisi : qu’il parle français ou anglais, habite à Berne ou proche, et qu’il soit, bien sûr, d’accord de participer. L’aventure a donc début en janvier 2021, avec Mike, pour 365 jours. 

Recherche amoureuse 

Alors que beaucoup d’entre nous cherchent l’amour, Jeanne Spaeter choisit, elle de chercher sur l’amour. Avec cette expérience sociale, elle tente de comprendre le contrat social qui lie les deux parties et sous-tend la relation, au-delà des dimensions émotionnelles et sentimentales. Il s’agit d’un vrai travail de sociologie, voire d’anthropologie ! À notre entrée dans la salle, les chaises ne sont d’ailleurs pas encore disposées et nous apercevons, sur les tables du fond, différents objets, tous numérotés et appartenant à une partie du dossier concocté par la comédienne-chercheuse. De manière plus ou moins démocratique, nous devrons en choisir deux se rapportant à la première moitié de la relation, et deux autres provenant de la seconde moitié. Nos choix permettent ensuite à Jeanne Spaeter de présenter l’histoire de ces objets. Après les avoir évoqués, elle cite différentes entrées du journal respectif de Mike et Jeanne, montre des archives visuelles (photos ou vidéos), en rappelant à chaque fois une clause du contrat. On en apprend ainsi un peu plus, petit à petit, dans ce qui devient une forme d’enquête à laquelle nous assistons.  

Le public se prend alors au jeu, intrigué par les différents objets, avec l’envie d’en savoir plus sur chacune des étapes. On s’identifie à cette histoire, faisant des liens avec notre propre vécu… le tout devient presque interactif, en nous faisant au minimum entrer en empathie avec Jeanne. L’une des forces de ce spectacle est de ne pas tout dévoiler, puisque chaque soir, ce qui est raconté dépend des choix ses spectateur/trices. Il faudrait donc revenir plusieurs fois pour assembler toutes les pièces du puzzle… sans compter que la chercheuse agrémente aussi ces archives de scènes entre Mike et Jeanne – Mike étant alors interprété par… on ne vous le dévoilera pas ici, mais le vrai Mike n’est évidemment pas là –  en nous laissant à chaque fois le choix entre deux scènes, l’autre ne nous étant pas dévoilée. 

Inclure le public 

Avec Amour sous contrat, on assiste donc véritablement aux résultats d’une enquête, qu’elle nous présente de manière ludique, en nous impliquant dans ce processus. On cherche à en apprendre plus, et le format s’y prête parfaitement, en nous invitant également à en parler entre nous. Pour créer encore plus de liens, notre chercheuse crée également un jeu auquel une partie du public doit participer. On ne vous en dira pas plus sur les critères de sélection, mais il pourrait bien y avoir un lien avec la thématique de la soirée… À grands renforts de rire et avec beaucoup d’amusement, cela lui permet d’interroger sans en avoir l’air la vision des spectateur/trices sur les conventions amoureuses et les différentes conceptions du couple et des relations. On parle de monogamie et de polygamie, d’amour qui dure toujours, qu’on place au-dessus du reste, des surnoms qu’on se donne, du mariage comme un aboutissement… 

Le spectre s’élargit donc petit à petit, en partant de la relation hétéronormée monogame stipulée par le contrat – il fallait bien faire un choix – et toutes les injonctions sociales implicites que cela comporte, pour parler d’amour de manière plus générale. Celles-ci sont explicitées dans le contrat, qui pourrait s’élargir ou être modifié si on imaginait une suite à ce spectacle. Les possibilités sont grandes quoiqu’il en soit. Au final, Amour sous contrat attise la curiosité et les questions, au sujet de Mike notamment, qu’on ne perçoit qu’à partir le prisme de Jeanne. Le moment de questions-réponses à la fin du spectacle permet de répondre à certaines d’entre elles, et surtout de révéler les interrogations qui poignent autour de ce contrat : y a-t-il eu un amour sincère à un moment donné ? si c’était à refaire, que ferait-elle différemment ? quelles différences entre ce contrat et une relation classique ? quelle place pour les émotions ? Tant d’interrogations et bien d’autres auxquelles on ne peut avoir de réponse qu’en assistant à ce spectacle, qu’on retrouvera notamment en février 2026 à l’Echandole d’Yverdon ! 

Fabien Imhof 

Infos pratiques : 

Amour sous contrat, de Jeanne Spaeter, le 29 août 2025 au Clos Babuty d’Ambilly, les 31 août et 1er septembre 2025 à la Mairie de Bernex, et les 10 et 11 septembre 2025 au Château de Nyon, dans le cadre de La Bâtie – Festival de Genève. 

Mise en scène : Nicolas Perrochet 

 

Avec Jeanne Spaeter 

https://www.batie.ch/fr/programme/spaeter-jeanne-amour-sous-contrat 

https://usineagaz.ch/event/amour-sous-contrat/ 

https://www.bernex.ch/agenda/la-batie-festival-amour-sous-contrat-6426/  

Photos : ©Elisabeth Blaettler (banner) et ©David Fuerst (photos dans l’article) 

Fabien Imhof

Co-fondateur de la Pépinière, il s’occupe principalement du pôle Réverbères. Spectateur et lecteur passionné, il vous fera voyager à travers les spectacles et mises en scène des théâtres de la région, et vous fera découvrir différentes œuvres cinématographiques et autres pépites littéraires.

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