Les réverbères : arts vivants

Fin très fin, cela s’écoute sans fin

Ou quand les lettres s’envolent – Mauvaise langue – de Thierry Meury,  Au P’tit Music’Hohl désormais Le Monique, jusqu’au 13 décembre 2025. 

Mauvaise Langue est sans doute un des meilleurs spectacles seul en scène de Thierry Meury et certainement, le plus vif à propos des éléments de base de notre écriture soit : l’alphabet. On le sait, Thierry Meury est un virtuose de la langue et de ses composants, le voici au sommet du jonglage avec les lettres. Son savoir-faire avec un dictionnaire est d’une agilité folle.  

Certes c’est du Meury en première de couverture, irrévérencieux évidement. On s’attend à de l’outrance, à des vacheries, le public possiblement travaillé en férocité, pour citer une phrase de Blier dans Les Tontons flingueurs.  Seulement, quand ce dernier découvre les pages du spectacle, il s’aperçoit que les thèmes favoris du personnage sont traités avec un esprit tout autre. Les rires diffèrent dans la salle. Savoir surprendre est un art maîtrisé par Thierry Meury. 

On le sait, la base de la scénographie est toujours la même. Une table, une bouteille, un verre, c’est rituel, presque le début d’une messe. Chaque membre du public retrouve instantanément ses marques… c’est fait pour, là aussi. Mais c’est une tromperie. Ce qui va suivre est éblouissant de verve et d’agilité. L’alphabet est le roi du spectacle comme aboutissement, comme point fixe des déclinaisons des sujets traités et le dictionnaire, son complice de toujours, lui sert de piste de cirque. On applaudit. 

Point de méchanceté dans la danse des mots et des lettres. Son écriture donne de telles virevoltes à ses jeux de mots que souvent, et comme souvent, Thierry Meury laisse au public un temps de rattrapage. La salle est devant une extraordinaire chorégraphie intellectuelle. Tout l’intérêt de ce spectacle est là et c’est à cette maîtrise des mots que l’on juge l’artiste. 

Meury force le trait, c’est dans son ADN. Il nous plonge dans ses thèmes favoris : l’alcool ; on s’en doute, son regard sur les femmes ; on s’y attend et les incompétences diverses de ce monde, c’est du classique meuresque. Alors oui, ses thèmes favoris sont décoratifs et servent une légèreté poétique et une causticité toujours présentes. Le dictionnaire sous forme de livre devient un personnage, ce qu’aucun site de correction orthographique ne saurait être. La plume en fait de même, abandonnant le clavier à sa banalité. 

C’est un acteur impressionnant qui domine la scène. Thierry Meury est un de ces rares auteurs capables de se mettre en danger qui, sans jamais trahir la fidélité à son personnage, n’hésite pas à changer d’univers. Ici, les choses sont flamboyantes, intelligentes, d’une drôlerie mordante avec toujours une porte de sortie honorable à ce qui n’est désormais plus une vacherie. Une superbe leçon de théâtre et de texte. 

Il est vrai que dans une critique, il est bon de citer une phrase extraite du spectacle. Il y en aurait… mais tout comme le théâtre est impossible à filmer, aucune phrase extraite et posée sur du papier ne saurait rendre ce qu’il y a sur scène. Ce spectacle est comme un bon Devos, il ne se raconte pas… il faut y aller. 

Une belle soirée, riche, pétillante. Un beau spectacle. 

Jacques Sallin 

Infos pratiques : Mauvaise langue de Thierry Meury,  au P’tit Music’Hohl, désormais Le Monique du 22 novembre au 13 décembre 2025. 

Avec Thierry Meury  

http://musichohl.ch/spectacles 

Photo : © LDD 

Jacques Sallin

Formé à l'université de la ferme et à l'atelier du Victoria Hall, c'est avec cette double culture qu’il s'approprie le monde. Il tenté de conjuguer les choses en signant des textes et des mises en scènes. La main, le geste, la phrase, le mot, c'est pour lui toute l'intelligence de la scène.

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