Le banc : cinéma

Histoire de famille et de tolérance

Avec Buffalo Kids, Pedro Solís García co-signe un film d’animation en guise d’hommage à son fils décédé deux semaines seulement après le feu vert donné à la réalisation. Une histoire de tolérance, de liens du cœur au-delà de ceux du sang, sur fond historique de western et d’attaque de trains.

Mary et Tom sont deux orphelins qui débarquent d’Irlande pour retrouver leur oncle à New York. Mais ce dernier n’est pas là à leur arrivée. Alors, les deux enfants décident de prendre le train pour le retrouver à Sacramento, en Californie. En traversant les États-Unis, ils font la rencontre d’un groupe d’orphelin·e·s, guidé·e·s par Miss Eleanor vers leurs familles d’accueil. Mary se lie alors d’amitié avec Nick, un enfant paraplégique non verbal. Sur le chemin, ils rencontreront des bisons, subiront une attaque de trains et passeront du temps avec une tribu amérindienne, leur permettant de découvrir la vérité sur cette dernière. Buffalo Kids s’inscrit donc comme un véritable parcours initiatique, inspiré par les enfants du co-réalisateur, Alejandra et Nicolás, né avec une paralysie cérébrale. L’histoire s’appuie d’ailleurs sur la nouvelle Cordes, qu’il avait lui-même publiée. La magnifique animation signée par les studios Altresmedia Cine et la musique de Fernando Velázquez ne font qu’appuyer encore plus un propos profondément doux et humain, où petit·e·s et grand·e·s trouveront leur compte.

Conquête américaine à l’espagnole

La trame de l’histoire rappelle évidemment les plus grands classiques du western et la conquête de l’Ouest. Pourtant, le regard posé sur les événements diffère de ce que nous avons l’habitude de voir : la réflexion y est plus profonde, notamment sur la question du colonialisme et des autochtones, avec une dimension plus critique. On notera par exemple la manière dont les bandits cherchent à faire croire que l’attaque du train est orchestrée par les tribus amérindiennes. Mais les enfants, véritables héro·ïne·s du film, découvrent bien vite la vérité. Mieux, ils restent un temps aux côtés des Amérindiens, pour soigner la blessure de Tom. Et plutôt qu’une vision essentialiste et simpliste, c’est à un véritable échange que nous assistons : Tom apprend le football à ses nouveaux compagnons – qui s’en serviront d’ailleurs plus tard – alors que lui, Mary et Nick, en apprennent plus sur les traditions des locaux. Mary est d’ailleurs toute étonnée d’apprendre que le chef et ses comparses parlent parfaitement leur langue !

Avec une douceur certaine, Buffalo Kids nous transmet alors un message de tolérance, sur fond historique, dans un pays où le racisme est encore omniprésent. De ce fait, on est loin du western classique, au-delà même du fait qu’il s’agisse avant tout d’un film d’animation pour enfants. Ce choix renvoie aussi aux montées de l’extrême droite un peu partout, que ce soit aux États-Unis ou en Europe – et ce bien que l’Espagne fasse encore figure d’exception. Le message envoyé est dès lors celui de l’ouverture d’esprit et de l’écoute, pour mieux vivre ensemble. Sans oublier de souligner que le principal danger ne vient pas forcément de ceux qu’on perçoit comme différents de nous, bien au contraire…

Amour familial au cœur

Si le fond historique paraît pertinent et intelligemment amené, le cœur de Buffalo Kids demeure avant tout les relations amicales et familiales. Tom prend très à cœur son rôle de grand frère : il doit veiller sur sa petite sœur, avec toutes les responsabilités que cela implique. Et pourtant, il craque bien facilement devant le regard attendrissant de Mary, comme lorsqu’elle souhaite adopter Sparky, un bichon errant rencontré au port de New York, ou encore lorsqu’elle le supplie d’aller voir les bisons lors d’un arrêt, causant des aventures inattendues au trio… La sagesse du grand frère les sortira toutefois du pétrin à plusieurs reprises, et cela crée une relation très touchante entre les deux.

Surtout, on retient la relation qui se crée entre Mary et Nick, inspirée par celle d’Alejandra et Nicolás, les enfants du co-réalisateur Pedro Solís García. Nick est respecté par les autres enfants, mais délaissé par ceux-ci, car il ne peut participer aux jeux de ses camarades, en raison de sa condition. Miss Eleanor est toute émue et charmée de voir que Mary s’occupe de lui et le considère comme s’il n’avait pas de handicap, rigolant même sur le fait qu’il ne lui répond pas, parce qu’il est trop timide selon elle. Le lien profond qui se crée entre eux donne une force supplémentaire à Nick, qui parvient à entrer en contact avec un bison, dans ce qui sera un moment fort du film. Et qui sait, cela pourrait bien également leur sauver la mise face aux bandits… On retient donc une autre jolie leçon, adressée aux plus jeunes, mais dont les adultes feraient bien également de se rappeler : l’attention, l’amitié et les sentiments sincères donnent ce petit supplément d’âme dont nous avons toutes et tous besoin.

Fabien Imhof

Référence :

Buffalo Kids, réalisé par Pedro Solís García et Juan Jesús García Galocha, Espagne, sortie en salles le 9 juillet 2025.

Avec les voix originales de Alisha Weir, Conor McNeill, Gemma Arterton, Sean Bean, Karim Barras…

Photos : ©4 CATS PICTURES S.L.U. 2024

Fabien Imhof

Co-fondateur de la Pépinière, il s’occupe principalement du pôle Réverbères. Spectateur et lecteur passionné, il vous fera voyager à travers les spectacles et mises en scène des théâtres de la région, et vous fera découvrir différentes œuvres cinématographiques et autres pépites littéraires.

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