Il faut jouer le jeu
Quand on retrouve un boulevard – Tout le plaisir est pour nous – de Ray Cooney, adaptation de Sébastien Castro – par la Compagnie Confiture, à la Salle centrale Madeleine.
Ceux qui ont beaucoup fréquenté les spectacles de boulevard le confirmeront. Tous les ingrédients d’un spectacle de portes qui claquent sont contenus dans cette pièce de Ray Cooney. L’adultère multiple, obsessionnel et contrarié, la vivacité du dialogue avec ses traits d’humour et autres cabrioles verbales, des personnages cruels de banalité qui se prennent durant une heure et demie les pieds dans le tapis et naturellement, vient y nager hors de son bocal un poisson rouge innocent. Le spectacle est un classique, il faudra pour le public jouer le jeu, retrouver une part de fraîcheur.
Côté dames. Deux amies entrent en confidence (Hélène Hudovernik, Pauline Klaus) ; l’une délaissée veut goûter aux joies de la tromperie tandis que l’autre renâcle à devenir sa complice. Côté hommes. Deux amis entrent en confidence (Gaspard Boesch, Antony Mettler) ; l’un gourmand continue de prendre plaisir au charme de la tromperie tandis que l’autre refuse de lui donner sa bénédiction urbi et orbi. Côté personnages complémentaires. Un architecte d’intérieur (Darius Kehtari) qui s’adapte à toutes les situations, une boniche, cela va de soi, et une délurée (Juliet Kennedy) au balconnet accueillant, le paumé de service (Steve Ricard). Côté poisson rouge ; une chaisière (Véronique Mattana), un personnage tout droit sorti de Clochemerle. Le tout sur un fond d’éditeurs en panne et d’écrivaine en rade.

Steve Riccard s’est emparé de la tranquillité de base pour diriger tout ce petit monde devenu virevoltant. Il y a quelque chose de ferroviaire dans cette direction d’acteurs et cette mise en scène tant les aiguillages sont nombreux. Ainsi bien dirigée, chaque rencontre – inopportune, cela va de soi – dans une continuité d’incohérences, d’absurdités et d’incongruités joyeuses se termine par une sorte d’olé ! d’arène, que le public accompagne par ses rires jusqu’au tomber de rideaux.
Comme pour un Feydeau, ici, toutes les logiques s’entrechoquent et toutes ces logiques concurrentielles reposent sur des mensonges, des malentendus. Chaque personnage s’épuise à retrouver son équilibre dans une mise en scène réussie qui évite toutes les lourdeurs dont malheureusement le style vaudeville souffre trop souvent.

Le public prend un joli plaisir tout en complicité grâce à un décor habile, une astuce bien vue de la part du décorateur. L’ouverture sur la chambre du fond – chambre à coucher qui porte bien son nom – propose un immense trou de serrure de huit mètres carré qui laisse apparaître en grand ce qui devrait se deviner en petit. L’espace s’aère, la profondeur s’invite.
Le spectacle est bien joué. Les comédiens et comédiennes, jouets de cette machinerie sont des pantins habilles qui évitent tous les pièges, en offrant une légèreté de jeu bigrement bienvenue. Enfin un bel équilibre dans un boulevard.
Jacques Sallin
Infos pratiques :
Tout le plaisir est pour nous, par la Cie Confiture, d’après le texte de Ray Cooney et John Chapman, du 14 au 18 octobre 2025 à la Salle centrale Madeleine.
Mise en scène : Steve Riccard
Avec Antony Mettler, Darius Kehtari, Gaspard Boesch, Hélène Hudovernik, Véronique Mattana, Olivier Lambelet, Juliet Kennedy et Pauline Klaus.
Photos : © Michel Marie
