Imaginer le renouveau avec Antigel
C’est la tête dans les nuages, ou plutôt dans le brouillard, au 16ème étage de la tour de la RTS, que l’équipe d’Antigel a accueilli sa conférence de presse en vue de l’édition 2026. Dans le Grand Genève, on refuse le monoformat, pour montrer la dimension multiple et mouvante de la culture.
Le mot d’accueil a été présenté par Thuy-San Dinh, codirectrice, cofondatrice et coordinatrice générale du festival. Le lieu avait été choisi pour que l’on puisse voir tout le territoire qui inspire les différents événements du festival. Singularité et abolition des frontières – géographiques comme artistiques – sont les maîtres-mots de ce festival qui se veut être une constellation vivante. Concerts, performances, arts vivants, sport : c’est avec un esprit de carnaval que se présente cette nouvelle édition. Avec Antigel, on imagine la transformation et l’arrivée d’un nouveau cycle, sous la forme d’un renouveau qui imagine la suite. Cette seizième édition est une brique de plus en direction de l’émotion et de l’audace. En quelques chiffres, ce sont 80 événements et plus de 500 artistes qui se produiront dans 26 communes, dont 4 du Grand Genève. En conclusion de ce mot d’accueil, Eric Linder, codirecteur, cofondateur et directeur artistique, a annoncé que, pour la première fois, Antigel a collaboré avec une école, l’ECAL, pour créer les visuels. Il en a donc profité pour remercier chaleureusement les lauréats du concours, Noa Jetzer et Gabriel Polgar.
Favoriser la proximité des artistes
Gabor Varga, programmateur arts vivants, co-concepteur de Made in Antigel et chargé de production a commencé par présenter la partie dévolue aux arts vivants. Comme toujours, les choix permettent d’aborder des thématiques toujours actuelles, avec pour missions de présenter des artistes peu mis-es en avant, tout en proposant des expériences inédites et une proximité avec les artistes. Le week-end d’ouverture s’annonce ainsi intergénérationnel, avec Copiar, à Am Stram Gram, qui invite les tout-es petit-es à monter sur scène pour faire d’un one-man-show une performance collective co-construite avec Animal Religion. Dans le même temps, Marie-Caroline Hominal s’adressera au troisième âge, avec Cent Temps, un projet mené avec deux EMS autour du mouvement des personnes âgées, qu’elle tend à sublimer. Les familles ne seront pas en reste avec Murmuration, un spectacle québécois de patinage artistique contemporain, virtuose et généreux, présenté à la patinoire de Sous-Moulin.

On voyagera également, dans le nord d’abord, avec Sylph, de la compagnie nationale suédoise Cullberg, inspiré des mythologies nordiques et ces êtres mystérieux. Dans Uneath, on prônera le calme, sans artifice. En collaboration avec la Maison Saint-Gervais, on nous proposera donc de partager l’espace, dans une expérience immersive chantée et dansée, et une durée à choix pour chacun-e. Direction le Brésil ensuite, avec Atomic Joy, une recherche de la joie, un antidote à la morosité, avec des danseur-euses issu-es des milieux urbains. Puis, dans Gorre, Bébé !, un couple trans accueillera un enfant, avec la lourde question de la transmission dans un spectacle flamboyant. N’oublions pas Karaodance, où le public est invité à participer pour chanter, danser, se laisser aller dans le rythme de cette expérience contagieuse. À la Comédie, on assistera à Tarab, où des danses du Liban, d’Egype, de Palestine et de Genève se mêleront, pour une véritable fête en transe. Avec Sotto Bosco, Faire Fleurir et The Selfie Concert, il s’agira aussi pour le public de participer, pour que la performance ait lieu. Enfin, temps fort annoncé, Israel & Mohamed met face-à-face deux maîtres de leur art, le flamenco et la mise en scène, pour les placer face aux traditionalismes de leurs pères. Un moment fort et engagé qui s’annonce déjà.
Voyager avec les concerts
Eric Linder a pris en charge la présentation de l’impressionnante programmation musicale, qui nous invite à voyager entre les styles et à travers les liens sociaux, pour créer des passerelles entre artistes émergent-es et confirmé-es. Si on devait résumer sa présentation en trois mots : « On se réjouit ». L’un des temps forts sera sans doute la présence de Sofiane Pamart, dans la salle des Assemblées de l’ONU. Le public s’installera dans les sièges des délégué-es, pour une dimension hautement symbolique du concert de cet artiste aventureux, seul avec son piano. Tamino se produira également en solo, entre folk, rock, alternatif et sonorités du Moyen-Orient. Changement de décor total avec Herman Dune, un auteur-compositeur qui rappelle le style loufoque de Jonathan Richman. Il nous emmènera dans le Far West de la Suisse, à Chancy, avec son univers bien à lui. On notera également la présence d’Adam Green, ce crooner folk ou dandy nonchalant qui avait notamment co-signé la musique de Juno. Luke De Sciscio chantera le répertoire de son idole Jeff Buckley, grâce à qui il a eu la vocation de la musique, pour lui rendre un bel hommage. Miossec, après un chemin compliqué et un retour au premier plan, viendra se produire à la veille de son concert à l’Olympia. Et puis, dans les temples et chapelles de diverses communes genevoises (Vandoeuvres, Anières, Carouge et Aire-la-Ville), différents concerts folks profiteront de l’incroyable acoustique proposée par ces lieux.

L’un des coups de cœur d’Eric Linder, Jeff Tweedy, viendra présenter son triple album, et jouera en famille avec une musique engagée qui traduit l’époque et le monde. Whitney fera renaître la soul et le rhythm’n’blues à l’Épicentre, en s’inspirant des classiques pour les revisiter et proposer quelque chose d’inédit, totalement propre à lui. Notons encore Durand Jones & The Indications, avec cette voix à la Al Green ou Marvin Gaye. Puis, Bernhoft, multi-instrumentiste norvégien, mêlera folk et soul à ses influences scandinaves. Place ensuite à l’ « immensissime » Marc Ribot, guitariste jazz aux nombreuses influences, qui a notamment joué pour Tom Waits ou les films de Jim Jarmusch. De cinéma, il en sera aussi question dans le style très dansant de La Lom. Quant à Bombino, il viendra de son désert du Niger pour revenir aux essences du blues, dans un style hypnotique et psychédélique.
Antigel fait aussi la part belle à la scène rap, avec notamment Earl Sweatshirt et son rap minimal lofi venu de Chicago. L2B, avec ses influences trap, drill et eco rap, ou encore Georgio, qui a collaboré récemment avec Nekfeu, Vald ou encore Soprano, seront aussi présents, en plein phase d’ascension et avant de grandes tournées qu’ils lanceront donc à Genève. Les artistes féminines ne sont pas en reste, avec Asfar Shamsi, qui mêle rap, pop, électro et chansons, associée à Linlin, une artiste singulière : elles viendront représenter le rap féminin strasbourgeois. Anna von Hausswolf, l’artiste protégée de Nick Cave, nous emportera également avec son style ténébreux, hypnotique, puissant et tectonique. Dans un style plus électro, Kelly Moran, dans un dispositif à 360°, jouera sur un piano, traité en live par des appareils électroniques et accompagnée d’images projetées en direct. Une expérience immersive qui résonnera avec celle d’Asuno Arashi et ses 100 claviers. L’artiste japonais, qui ne se produira que deux fois en Europe, propose un moment entre concert, installation et performances, où les claviers s’accumulent pour monter en intensité. Notons enfin, dans cette catégorie, la présente de Sébastien Tellier, musicien inclassable et bousculant, pour la sortie de son nouvel album.
Les artistes british seront bien là aussi, avec Baxter Dury et son humour typique et aventureux, qui explore de nouvelles pistes électro dans un style dansant et pop. Quant à The Divine Comedy (Neil Hannnon), le groupe proposera sa pop extravagante et harmonique, aux influences baroques. Enfin, concernant la musique, le rock’n’roll occupera une place importante, en commençant par Last Train, révélation des festivals estivaux 2025, et qui annonce une grande tournée aux sons des guitares électriques. Les Texans de Midlake, qui tournent au contraire très peu, viendront présenter leur musique influencée par les Beach Boys et Radiohead. Un peu plus au nord, venant de l’Alberta, Ghostwoman proposera un concert de pure énergie, avec un style garage, psyché et rock. Enfin, l’un des événements phares du festival sera la traditionnelle soirée piscine au Lignon, avec les avant-postes du rock, comme BDRMM, un autre coup de cœur d’Eric Linder, et Wu Lyf. Ou comment inventer une soirée d’été au cœur de l’hiver !
Made in Antigel : projets in situ
Conçus avec les acteur/trices du territoire, les projets Made in Antigel ont toujours à cœur de se placer dans l’actualité genevoise. On commence avec 1213 Lumières, une balade artistique sous casque pour l’anniversaire de la commune d’Onex. Les textes d’Antoine Jaccourd résonneront dans nos oreilles, accompagnés d’une performance du Ballet junior et de la Cie Paradox Circus. À Carouge, on visitera le Futuroparc. Avec une volonté d’investir des lieux qui ne sont, a priori, pas prévus pour des spectacles, Antigel se propose de raconter la transformation urbaine, en l’occurrence celle du quartier du PAV. Propulsé dans le futur, en collaboration avec la Migros, le périple débutera sur le parking de M-Parc, voué à devenir un véritable parc. Le texte de Valérie Poirier imaginera une rencontre sur un banc, en 2053, avant que la Cie UMA ne vous emmène dans une balade artistique.
Pour la première fois – et sans doute pas la dernière – Antigel s’associe au CERN, pour se questionner sur notre présence ici dans une Odyssée cosmique qui nous fera décoller loin dans le cosmos. Toujours dans une volonté de flouter les frontières, La nuit je lévite imagine une expérience entre sport et arts, avec plein de projets difficiles à situer parmi ces deux pôles. Au Lignon, on prendra de la hauteur avec Nathan Paulin qui traversera une slackline entre deux tours, pour interroger les enjeux du quartier. Notons aussi, parmi les soirées, le Club Piscine, aux Bains bleus cette année. Sans oublier l’incontournable Extravaganza, placée cette année sous le thème de Eyes Wide Shut. Un rituel envoûtant et mystérieux, sous masque ou loup, avec une touche « kiki », et où le code couleur sera noir, blanc, rouge et or. À noter que le billet d’entrée donne également la possibilité de se rendre à la vente de costumes du Grand Théâtre.
Sport et bien-être au programme
Dans sa programmation, Antigel n’oublie par la santé du corps ! On retrouvera une nouvelle édition de la Antigel Run, pour les familles, avec une Light Run, où plusieurs types de coureur-ses se côtoieront. Avec Les dadas du yoga, on aura aussi la possibilité de déguster de bons petits plats après une séance de yoga. Tomoko Sauvage s’associera avec Le Sobrelier pour proposer une alliance entre son et breuvages fermentés sans alcool, à la manière des accords mets-vins. Place aussi au bal chorégraphique, avec deux chorégraphies par soir, imaginées par Soul Magnet et la Cie Marche-pieds, suivies d’un DJ-Set. Enfin, Grand Central reviendra, dès le 31 janvier, soit avant le début d’Antigel, et jusqu’au 28 février, après la fin du festival, pour six week-ends clubbing et une saison particulièrement ambitieuse. Dans un entrepôt de la route des Jeunes, et deux wagons qui se situent à côté, au bord des rails, dans le PAV, on pourra donc participer à ce festival dans le festival, et notamment l’Opening Night avec le mouvant Patrick Mason et en collaboration avec Motel Campo.

Alors, convaincu-es par ce processus de transformation au cœur de l’hiver, avant la naissance d’un nouveau cycle ?
Fabien Imhof
Les informations et les détails de chaque performance, concert ou événement sont à retrouver sur le site du festival Antigel.
Photos : ©Nora Houguenade (Murmurations), ©Sammy Khouri (Ellie O’Neill) ©Mélanie Groley (Antigel Run)
