Le banc : cinéma

La grimpe en extérieur a-t-elle encore un avenir ?

Changement de focus dans les films d’escalade ! Habituellement concentrés sur les performances des grimpeurs, les documentaristes rendent aujourd’hui davantage compte des déprédations environnementales induites par ce sport devenu grand public. Conscient d’avoir contribué au problème, le grimpeur suisse multi primé Cédric Lachat fait son mea culpa et tente à travers son documentaire de sensibiliser à la responsabilisation collective. 

Cédric Lachat le confesse d’entrée, il serait mal placé pour faire la morale, ayant lui-même adopté toutes les conduites nuisibles à la nature pour satisfaire sa pratique de l’escalade : garer son van dans des zones protégées, laisser ses déchets sur place, tracer des empreintes sur des blocs pour repérer ses prises, il a tout fait. Pour illustrer son propos, il va prendre le parti original de se mettre en scène pour rejouer dans son film toutes les conduites qu’il évite désormais. La scène d’ouverture donne déjà le ton d’un documentaire dont on sent rapidement la teneur ironique. On découvre Lachat au réveil, s’apprêtant à sortir de son van au milieu de ce qu’on imagine un spot isolé en forêt. Sauf qu’un travelling arrière révèle qu’il est entouré par une cinquantaine d’autres vans, tous là pour s’attaquer à la même paroi. Ambiance. 

Victime de son succès 

Longtemps marginale, la pratique de l’escalade s’est démocratisée ces vingt dernières années, devenant même une discipline olympique. Mais la surfréquentation de certains sites et la multiplication de comportements inadaptés sur ceux-ci ont entrainé la fermeture de nombre d’entre eux. À l’image de la Forêt de Fontainebleau, contrainte d’interdire l’accès à certains secteurs, ou encore de Meschia en Italie, qui a carrément subi une fermeture drastique de son site. Trop de monde, trop d’incivilités… Un problème que l’alpinisme ne connaît que trop bien et depuis plus longtemps. L’Everest (pour ne citer que lui) est devenu une case à cocher pour beaucoup d’alpinistes et ses pentes autrefois réservées à de rares expéditions sont devenues une destination incontournable pour celles et ceux qui peuvent se l’offrir. Si l’escalade connaît le même essor que l’alpinisme, ce sport a-t-il encore un avenir ? 

Des solutions ? 

Pour trouver des pistes vers une escalade durable, Lachat va donner la parole à des acteurs de la profession. Pour certains, le futur de l’escalade se dessinerait davantage en salles qu’en extérieur. Pour d’autres il faudrait introduire des quotas et des règles plus strictes. Selon la grimpeuse franco-belge Eline Le Menestrel (connue pour se rendre sur ses spots de grimpe à vélo), les ambassadeurs de ce sport ont une responsabilité dans leur façon de communiquer, notamment sur les réseaux sociaux. Donner plus d’importance aux lieux visités qu’à la performance serait, selon elle, un premier pas. Explorer de nouvelles voies plutôt que de se ruer sur celles à la mode en serait un autre. 

Au fond, le problème ne serait-il pas d’avantage lié au comportement des grimpeurs qu’à leur nombre ?  

Le point fort de ce film est qu’il est critique sans être jugeant. Sans chercher à donner des leçons, ni à livrer un kit de réponses définitives, Lachat esquisse des idées. S’il a nommé son documentaire The Future of Climbing c’est sans doute qu’il y voit un espoir. Prendre collectivement conscience de son impact sur la nature permettra peut-être de continuer à s’y rendre sans l’abîmer. De ce documentaire à la fois humble et percutant on retiendra aussi la réalisation soignée, signée Guillaume Broust, spécialiste en films outdoor et qui dans un souci de cohérence et de préservation de la faune a limité l’usage des drones. Le format est plutôt court (52 minutes) et le rythme efficace. Le film a reçu le prix Erhard Loretan lors l’édition 2025 du FIFAD (Festival international du film alpin des Diablerets). Il s’inscrit dans une liste qui commence à s’allonger de films critiques sur les pratiques de sports en nature. Leur appel sera-t-il entendu ? 

Valentine Matter 

Référence :  

The Future of Climbing, réalisé par Guillaume Broust (France 2025), avec Cédric Lachat, Dave Graham, Eline Le Ménestrel… 

Photos : ©Guillaume Broust 

Valentine Matter

Cinéphile éprise du genre documentaire, Valentine n’en apprécie pas moins la fiction et ne résiste certainement pas aux comédies grinçantes. Sa formation de psychologue lui a donné le goût des personnages aux trajectoires atypiques. Ses voyages, le goût des rencontres. Pas étonnant que les road-movies initiatiques aient sa préférence… Elle se rend volontiers en festivals pour découvrir les prochaines sorties et en ramène, à l’occasion, des recommandations pour les lecteurs/trices de la Pépinière.

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