Les réverbères : arts vivants

Mentir, une question de fond et de forme

En adaptant Les aventures du Baron de Münchhausen à la scène, Dorian Giauque et Mathieu Fernandez-V. proposent un spectacle où le mensonge est roi et assumé. Mais puisqu’il faut bien les croire, la réflexion s’approfondit sur la forme et le rôle du mensonge. À voir au Théâtricul jusqu’au 14 septembre. 

C’est en costumes d’époque – imaginés par Maya Bringhen, qu’on retrouve aussi en régie – que nous accueillent les deux complices, nous invitant à nous asseoir autour de la scénographie disposée « en 360° ». Ou plutôt en trifrontal, un fauteuil avec une table de mixage se trouvant contre le mur du fond de la salle. Ce soir, ils vont nous conter Les aventures du Baron de Münchhausen, classique de la littérature allemande, où absurde, cocasserie, mensonges et rire règnent en maîtres. Karl Friedrich Hieronymus von Münchhausen est connu pour sa moustache, sa force, son génie, sa bonté, et toute autre qualité imaginable. À moins que tout cela ne soit que mensonge ? Durant l’heure que dure le spectacle, on suivra son histoire, le jour où il a fait fuir deux ours avec une hachette, la fois où il a rencontré Vulcain, ou encore sa rencontre avec un général qui fut un temps svelte et fringant. Quant à savoir quel rôle le mensonge joue dans tout cela… il faudra voir le spectacle pour le savoir ! 

Narration sous toutes ses formes 

Comment passer d’un récit comme celui du Baron de Münchhausen à un format théâtral, en choisissant de raconter ses histoires ? Le spectacle imaginé par Dorian Giauque et Mathieu Fernandez-V. s’avère, être une véritable ode au théâtre. Les voilà qui varient à l’envie les manières de raconter, en montrant toute la palette de leurs talents. Ils commencent avec une narration plutôt classique, à deux voix, tout en variant les adresses pour que tout le public se sente concerné, où qu’il soit placé. On retrouve aussi du jeu classique, lorsqu’ils interprètent certaines scènes, même en changeant de personnage en plein milieu, simplement par leur positionnement ou le ton de leur voix. La rencontre entre le baron, Vulcain, Vénus et le visiteur de cette dernière, s’avère être un modèle du genre. On ne se perd jamais dans leurs histoires, tant ils parviennent à maintenir toujours le rythme et le cap. Leur utilisation de l’espace est également à souligner : dans les gradins sans siège, ils montent et descendent, mimant la chute ou l’ascension du héros. Et pour insister sur les mots et le récit, ils savent aussi, par moments, rester statiques. 

N’oublions pas non plus, dans tout cela, la dimension musicale de leur mise en scène. Jouée live, elle alterne guitare, électro avec synthé, et utilisation de boucles, créées par les instruments ou la voix. Donnant une certaine couleur au récit et à ses personnages, ils font en sorte qu’on ne tombe jamais dans l’ennui. Ils font même chanter le public, qui les accompagne avec enthousiasme sur le refrain de la dernière chanson, narrant de brèves aventures du baron. Attention : c’est entraînant et ça pourrait bien vous rester en tête. On vous aura prévenu-e-s ! Toujours accompagnées par la musique, les scènes mimées donnent encore une autre profondeur aux histoires. On a l’impression de voir la bête féroce qui pourchasse notre baron, ou le charbon qu’il reçoit de Vulcain et qui lui laissera des traces sur le corps. Sans compter les différents effets de voix et de lumière. Un spectacle total pour une véritable ode au théâtre, donc ! 

Que dire du message ? 

À cette forme magnifiquement imaginée et illustrée se joignent aussi des questions de fond. On y parle principalement de mensonge, mais pas n’importe comment, ou juste pour le plaisir de l’évoquer et le jouer. À quoi peut-il servir ? Quand est-il acceptable ? Une question à laquelle on ne répondra évidemment pas ici. On vous dira simplement qu’il peut embellir, voire magnifier le quotidien, pour celles et ceux qui l’entendent, mais aussi pour celles et ceux qui le prononcent. Et alors qu’il est souvent perçu comme négatif, Les aventures du Baron de Münchhausen montre que tout est plus complexe et profond qu’il n’y paraît. 

Parler du mensonge est aussi une belle occasion d’évoquer le théâtre, là où le mensonge est sublimé. Le public assiste à un spectacle en sachant qu’on va lui mentir, jouer des rôles, voire le manipuler… et il aime ça ! C’est même ce qu’il veut en entrant dans une salle de représentation. Les comédien-nes créent l’illusion, en mentant au public. Le tout est bien illustré par l’exemple dans cette pièce. Au-delà des hilarantes aventures du Baron, ils développent toute une dimension métadiscursive sur le théâtre. Élargissant le propos sans se prendre la tête et sans tomber dans une dimension trop intellectuelle, ils parviennent à nous conduire à toute cette réflexion sur le rôle du théâtre. La notion de divertissement demeure, et est même centrale, tant on rit pendant une heure. Un pari totalement réussi, donc, pour un bijou d’humour, d’inventivité et de musique, à voir jusqu’au 14 septembre. 

Fabien Imhof 

Infos pratiques : 

Les aventures du Baron de Münchhausen, librement inspiré du texte de Gotfried August Bürger, du 4 au 14 septembre 2025 au Théâtricul. 

Mise en scène : Dorian Giauque et Mathieu Fernandez-V. 

Avec Dorian Giauque et Mathieu Fernandez-V. 

https://theatricul.net/ 

Photos : ©Aline Zandona 

Fabien Imhof

Co-fondateur de la Pépinière, il s’occupe principalement du pôle Réverbères. Spectateur et lecteur passionné, il vous fera voyager à travers les spectacles et mises en scène des théâtres de la région, et vous fera découvrir différentes œuvres cinématographiques et autres pépites littéraires.

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