One Batle After Another – Viva PTA
Paul Thomas Anderson, l’un des réalisateurs américains phares de ces trente dernières années, signe un thriller épique sous couvert de satire de l’Amérique moderne, le tout accompagné par un casting de rêve.
Parmi les réalisateurs contemporains capables de mobiliser un intérêt par leur seul nom, il est en un qui figure à côté de Scorsese ou de Tarantino : Paul Thomas Anderson, ou PTA pour les intimes. Sa filmographie compte parmi les classiques du cinéma américain qui ont marqués les audiences de ces trente dernières années. La qualité de leur écriture, de leur jeu d’acteur et de leur cinématographie comme pour les incroyables et cultissimes Boogie Nights, Magnolia et There Will Be Blood, pour ne citer que les plus connus du grand public, en ont fait l’un des réalisateurs les plus respectés de notre époque. PTA est également un réalisateur qui aime jongler entre drame et comédie. C’est donc avec un clair penchant pour ce dernier style qu’il nous revient avec One Battle After Another.
Les French 75 sont un groupe de révolutionnaires d’extrême gauche menant diverses actions violentes contre le gouvernement américains, plus ou moins librement inspirés des Black Panthers et du Weather Underground. Parmi leurs membres figurent Perfidia (Teyana Taylor) et “Ghetto” Pat (Leonardo DiCaprio) qui forment un couple aussi bien sur le terrain que dans la vie privée. Capturée par le commandant Lockjaw (Sean Penn) que Perfidia a humilié lors d’une opération, celle-ci trahit les siens. Les survivants, dont Pat et leur fille nouveau-née Charlene, se voient condamnés à la clandestinité. Seize années plus tard, Pat, devenu Bob, n’est plus que l’ombre de lui-même alors que Charlene, devenue Willa, (Chase Infiniti) est complètement ignorante du passé de son père et tente de mener une vie d’adolescente normale. Tout bascule lorsque Lockjaw, qui a gravi entre-temps les échelons de l’armée et été recruté par une société secrète suprémaciste blanche, revient afin de faire table rase du passé.
Il serait très difficile d’ignorer le thème de l’immigration compte tenu du climat politique étasunien actuel, et plus particulièrement des multiples raids du ICE ayant eu lieu ces derniers mois ainsi que les manifestions qu’elles ont provoquées à Los Angeles. Dans cette satire de l’Amérique moderne, que l’antagoniste, Lockjaw, ait la charge d’un camp de migrants et soit au service d’une société secrète de milliardaires séniles et racistes en dit suffisamment sur le positionnement de PTA vis-à-vis de l’actuel locataire de la Maison-Blanche, même si le premier ne se gêne pas pour être critique envers les deux camps. Les révolutionnaires apparaissent ici en effet comme des caricatures et plus comme des coquilles vides que de réels combattants de la liberté. Parmi tous les intervenants du film, les migrants latinos sont les seuls dépeints comme une force disciplinée et plus gênés qu’autres chose par la bénévolence des révolutionnaires.
Toutefois, il serait erroné de penser qu’il s’agit là de la thématique principale du film. Comme dans There Will Be Blood et Boogie Nights avec l’industrie du pétrole et le milieu du porno, le sujet de l’immigration dans One Battle After Another sert avant tout chose de fond à des sujets à la fois plus universels et plus personnels. Probablement le cœur du film repose sur la relation père fille entre Bob/Pat et Willa/Charlene et leur difficulté de connecter l’un avec l’autre. On le remarque par leurs multiples sujets de discorde où Bob essaie tant bien que mal (souvent mal) de s’approprier les codes générationnels de sa fille ainsi que le désintérêt évident de cette dernière pour les idéaux de son père. Leur aventure apparaît alors plus comme une allégorie de leur cheminement personnel menant à une possible réconciliation. PTA, lui-même père d’une fille, signe là peut-être l’un de ses films les plus personnels. Cette dernière fait d’ailleurs une apparition dans le film comme une nonne venant en aide à Willa.
Le casting, dans son entièreté, est impeccable. Sean Penn est juste excellent dans son portait du militaire névrosé Lockjaw. DiCaprio se place en digne héritier de The Dude de The Big Lebowski, Chase Infiniti dont il s’agit d’un de ses premiers rôles, est une belle surprise tant elle parvient à tenir la distance avec toutes ces légendes hollywoodiennes. Cependant, c’est bien Benicio del Toro qui est le plus impressionnant dans le rôle de Sensei Sergio, le professeur de karaté de Willa et chef de la communauté de migrants. Malgré son temps à l’écran relativement bas, il parvient à voler la vedette dans chacune des scènes où il apparaît grâce à son sens du rythme comique magistral. Comment ne pas savourer son personnage encore plus si on se rappelle son interprétation du Che.
La réalisation est aussi évidemment l’un des points forts comme dans toutes les œuvres de PTA. Le film a été tourné en 35mm, pour être destiné idéalement à être projeté en salle en VistaVision, ce qui a pour effet de donner à la photographie un aspect texturé et « rétro ». Anderson assume avoir voulu alors rendre hommage à une certaine époque et certains films apparaissent alors comme des inspirations dorénavant presque évidentes. Comment ne pas tracer un parallèle avec The Searchers de John Ford en voyant ces décors désertiques qui rappellent l’âge mythique des westerns. La course poursuite en voiture de la fin mérite elle aussi d’être comparée à celles de The French Connection ou de Bullitt par son niveau d’intensité. Mentionnons enfin la bande-son du film, composée par Johnny Greenwood de Radiohead, qui parvient admirablement à rythmer le film.
En conclusion, One Battle After Another est un succès. Paul Thomas Anderson signe là un film à l’écriture bien maîtrisée comme il sait le faire, le tout porté par un casting irréprochable que vient renforcer une réalisation dynamique et une musique prenante. Si le film contient certes quelques imperfections ici et là, notamment sur le devenir de certains personnages secondaires, on passe les presque trois heures du film sans lâcher l’écran. On espère alors qu’une version longue viendra compléter cette énième réussite du réalisateur. À voir, tout simplement.
Alexandre Tonetti
Références :
One Battle After Another, réalisé par Paul Thomas Anderson, USA, sortie en salle le 24 septembre 2025
Avec Leonardo DiCaprio, Chase Infiniti, Sean Penn et Benicio del Toro
Photo : © 2025 Warner Bros
