Retour mitigé pour un échange de corps
22 ans après le succès de Freaky Friday (Dans la peau de ma mère en français), Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan reviennent dans une suite qui reprend le même schéma narratif, mais peine toutefois à convaincre les adultes que nous sommes devenu·e·s.
Anna Coleman (Lindsay Lohan) est désormais la mère célibataire d’une adolescente prénommée Harper (Julia Butters). Tess (Jamie Lee Curtis), la grand-mère de cette dernière, fait tout pour aider, au risque de devenir parfois quelque peu envahissante. Lorsqu’Anna rencontre Eric (Manny Jacinto), père célibataire récemment installé à Los Angeles, après le décès de son épouse à Londres, les choses vont encore se compliquer. Et pour cause : Eric est le père de Lily (Sophia Hammons), la pire ennemie de Harper. Alors, quand les deux adolescentes apprennent qu’elles vont devenir demi-sœurs, la nouvelle ne les réjouit évidemment pas. C’est ensuite à l’occasion de l’enterrement de vie de jeune fille d’Anna que l’histoire va se répéter, mais avec cette fois-ci un échange de corps à quatre. Harper prend la place d’Anna, tandis que Tess se retrouve dans la peau de Lily, et vice-versa. Les deux adolescentes, dans leurs corps d’adultes, vont alors tout faire pour faire capoter le mariage, alors que les deux adultes redécouvrent un corps sans douleur et athlétique, tout en devant faire face aux difficultés des adolescente. Une manière de mieux se comprendre ? Quoiqu’il en soit, le retour de Jake (Chad Michael Murray), l’amour de jeunesse d’Anna, ne va pas arranger les choses…
À voir avec des yeux d’ado
On avait adoré le premier opus, en 2003, avec cet humour complètement exacerbé, entre la crise d’adolescence d’une jeune femme et sa mère qui ne comprend pas, l’amoureux de la première attiré par la seconde, alors que l’esprit de la fille est dans le corps de la mère… Sans oublier la petite guéguerre entre elles : la trame narrative est presque la même dans Freakier Friday (Freaky Friday 2 : Encore dans la peau de ma mère pour le titre francophone), à ce détail près que l’échange concerne quatre personnes, avec des préoccupations quelque peu différentes. Mais de nombreux éléments sont similaires : des tenues et attitudes complètement inadaptées à la personnalité de chacune, un moment durant lequel on profite de ce nouveau corps, avant que tout ne parte en sucette, jusqu’à la grande scène où tout explose, suivie de la réconciliation par la compréhension mutuelle. Un scénario qui sent le réchauffé, mais qui fonctionne bien, pour autant qu’on le regarde avec des yeux d’adolescent·e.

Freakier Friday est un pur divertissement : on apprécie les scènes à l’humour parfois loufoque, comme lorsque Harper, dans le corps de sa mère, tente de (re)séduire Jake sans savoir comment s’y prendre ; que Lily, dans le corps de Tess, conduit une vieille voiture de manière plus que sportive ; qu’Harper/Anna refuse d’embrasser Eric, créant l’incompréhension de ce dernier ; ou encore quand les adultes adolescentes quittent la retenue avec Mr. Bates (Stephen Tobolowsky) et s’emparent de trottinettes électriques qu’elles ne maîtrisent que très peu. Mention spéciale à la scène au bureau de l’immigration, où l’agente en place fait du gringue à Eric devant sa future femme. Les adolescent·e·s que nous étions seraient sans doute enchantés par ces scènes, sans compter la bataille de nourriture initiée par Harper et Lily avant l’échange de corps, ou le retour de Jake. Pourtant, quelque chose ne nous convainc pas, et provoque même une forme de gêne.
Trop d’incohérences pour convaincre
Commençons par ce qui dérange : le rôle de Jake ! La première question qui nous vient à l’esprit est : qui est le père de Harper ? Beaucoup d’indices nous conduisent à Jake : l’âge de la jeune femme, le fait qu’il continue de suivre Anna sur les réseaux, la ressemblance physique, ainsi que quelques allusions prononcées par les personnages. C’est là que le malaise commence : Harper, dans le corps de sa mère, semble subjuguée par la beauté de Jake, lorsque celui-ci enlève son casque de moto. On y voit évidemment un clin d’œil au premier film, mais s’il s’avère effectivement être le père de Harper, cela pose problème. L’autre point qui dérange est l’amour qu’il continue de ressentir pour Tess, alors même qu’il est dit qu’il a entretenu une relation d’un certain temps avec Anna. Ce qui faisait sens dans le 1er, alors que Jake tombait amoureux d’Anna dans le corps de sa mère, ne fonctionne pas ici, d’autant plus s’il a eu un enfant avec Anna. Il ne s’agit bien sûr ici que de suppositions, mais les indices qui nous conduisent à le penser créent un certain sentiment de malaise.

Au-delà de ce gros point faible qu’est le traitement de ce personnage, d’autres éléments dérangent. À commencer par la relation que Harper et Lily, alors dans le corps des adultes, développent avec Ella (Maitreyi Ramakrishnan), la chanteuse et protégée d’Anna. Cette relation, l’une des clés réhabilitant la relation entre Anna et sa fille, n’est plus exploitée ensuite, et jamais évoquée à nouveau. Évoquons ensuite le rôle de Ryan (Mark Harmon), qui semble n’être rien d’autre qu’un faire-valoir et qu’un papy gâteux, sans véritable intérêt. Le dialogue évoquant tout l’amour et la bienveillance qu’il éprouve pour son épouse Tess ne suffit pas à sauver le personnage. Même la manière dont l’échange de corps arrive, à travers une voyante touche-à-tout et complètement lunaire, peine à convaincre. Quant au moment que tout le monde attend, et sur lequel Disney a axé sa communication, à savoir le retour des Pink Slip – le groupe d’Anna – et leur tube « Take me away », il semble tout simplement sortir de nulle part, étant là parce qu’il faut qu’il soit là, mais sans aucune justification ni véritable lien avec le reste de l’histoire.
Au final, Freakier Friday s’avère presque être plus un reboot qu’une véritable suite, par la trame narrative globale, qui semble ne pas avoir véritablement bougé. Les éléments principaux sont repris et, s’ils se veulent être des clins d’œil, on a plus un sentiment de réchauffé que d’hommage. Ce d’autant plus que le sentiment de malaise, principalement autour de Jack, ne nous quitte jamais vraiment. S’il Freakier Friday est finalement assez divertissant, et que Jamie Lee Curtis excelle dans son rôle de grand-mère déjantée et dont le corps est habité par une jeune fashion victim britannique, cela ne suffit malheureusement pas à sauver le film. On reprendra donc notre précédent conseil : à voir avec des yeux d’ado.
Fabien Imhof
Référence :
Freakier Friday, réalisé par Nisha Ganatra, États-Unis, sortie en salles le 6 août 2024.
Avec Lindsay Lohan, Jamie Lee Curtis, Julia Butters, Manny Jacinto, Sophia Hammons, Mark Harmon, Maitreyi Ramakrishnan…
Photos : © 2025 Disney Enterprises, Inc. All Rights Reserved.
