Les réverbères : arts vivants

« Rien n’est plus drôle que le malheur…

C’est la chose la plus comique au monde »[1]Un conseil d’amis, de Didier Caron, au Théâtre des Grottes jusqu’au 23 février 2025

L’idée de cette comédie, comme toutes les comédies d’ailleurs, est de tirer un maximum de rire d’un fatras extrait d’une situation rocambolesque qui ne va pas sans rappeler des événements connus ou vécus. Ici, rien ne déroge à cet adage et c’est plutôt bien réalisé.

La scénographie s’impose immédiatement avec une division par deux de l’espace tout en contraste de forme et de couleur. Une élégante solution qui sert un texte qui propose deux situations écrites en parallèle. A remarquer un excellent travail (David Dumonteil) sur les lumières, bien souvent le parent pauvre de ce type de spectacle.

Deux couples, deux salons et quatre situations qui vont porter les petites et grandes joies des vicissitudes conjugales. Une situation classique dans ce type de comédie. Le travail de l’auteur, de la mise en scène et des comédien.ne.s étant de se distinguer.

Les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs. Cependant, dans la situation proposée, le conseilleur va tout payer et cash. Alain (David Dumonteil) veut rompre avec sa femme Julie (Pat LaGadji) sans raison autre que la fatigue conjugale. Il cherche conseil auprès de Boris (Sébastien Deront), pour l’heure, heureux en ménage avec Claire (Celtia Concha). Ce dernier encourage Alain dans sa décision et lui conseille d’avouer un élément déclencheur féminin. Alain, plutôt veule et maladroit répond à l’inévitable question de Julie une fois informée de sa mésaventure : qui est-elle ? C’est Boris ! Dès lors, tout bascule. Les situations des deux couples vont subir un tremblement de terre de grande magnitude.

Une mise en scène classique accompagne les traits drôlatiques qui proviennent plus du texte que du jeu, sauf au troisième acte. Rapidement, les quiproquos comiques aux conséquences graves s’imposent sur une écriture en cascade parsemée de bons mots et de traits d’humour. On peut souligner la très bonne tenue du rôle de Boris qui porte le spectacle tant sur sa présence que sur le rythme que l’écriture impose.

Alors le malheur se répand, passe sous les portes et glisse dans l’intimité profonde des deux couples telle une noire flaque d’huile où chaque personnage à son tour va patauger. L’homosexualité, bien que factice, s’immisce. Le doute gagne en puissance, devient monstrueux, lézarde des vies et transforme en esclave les victimes qui n’ont que l’action pour s’en sortir. C’est en cela que ce texte de pure comédie se distingue. Il souligne le fait que douter c’est penser… mais sans être sûr de la vérité… les fantasmes prennent le pouvoir.

Ainsi, les éléments traditionnels de la comédie font la substance de ce spectacle. Dès lors, c’est la logique du mensonge qui s’impose. Ici, les portes qui claquent sont verbales et elles n’en font pas moins de bruits. Les gifles physiques accompagnent les déchirures du monde, dans des malheurs qui font rire le public. La mise en scène collective est fidèle à l’esprit de boulevard et les comédien.ne.s font largement le reste. La pétillance de Celtia Concha, la force de Pat LaGadji, la personnalité de Sébastien Deront et la veulerie de David Dumonteil accompagnent un texte de pure fantaisie, mais non sans sens.

Un spectacle d’une jolie théâtralité à la drôlerie efficace.

Jacques Sallin

Infos pratiques : Un conseil d’amis, de Didier Caron – au Théâtre des Grottes, du 13 au 23 février 2025.

Mise en scène : Collective

Avec Pat LaGadji, Sébastien Deront, David Dumonteil et Celtia Concha

Photos : © Damien Vullo

[1] Samuel Beckett

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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