Un Superman plus humain
Avec la réalisation de James Gunn, Superman, premier chapitre du nouvel univers DC intitulé Gods and Monsters, prend un nouveau virage. Un visage plus humain, une certaine simplicité, un humour qui fonctionne, un retour à l’œuvre originale et un antagoniste plein de complexité sont les ingrédients d’un nouvel opus plutôt convaincant.
Superman (David Corenswet), le plus puissant des méta-humains, venu protéger l’humanité, vient de perdre son premier combat, face à Ultraman. Ce dernier, caché derrière l’identité du défenseur de la Boravie, pays allié des États-Unis que Superman a empêché d’envahir le Jahranpur, n’est autre qu’une entité surpuissante créée par Lex Luthor (Nicholas Hoult), l’ennemi de toujours de notre héros. Le conflit susnommé n’est évidemment pas sans rappeler celui qui dure depuis de nombreuses années et a pris une ampleur effrayante depuis plusieurs mois. Mais nous ne traiterons pas de cela ici. La défense du Jahranpur par Superman face à un allié américain, donc, suscite forcément la controverse. Lex Luthor est déterminé à faire tomber tous les méta-humains, et il est prêt à tout pour cela. Il récupère le message qui accompagnait Superman à son arrivée sur Terre, transmis par ses parents, et parvient à en décrypter la partie endommagée. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il découvre que son ennemi a été envoyé sur Terre pour asservir l’humanité. Il s’empresse bien sûr de dévoiler cela au monde. Superman est détesté de tou·te·s ou presque, mais il ne peut se résoudre à cela, lui qui a toujours cru être là pour protéger l’humanité et vivre en harmonie avec elle. Le dilemme moral et la quête de vérité sont désormais au centre du scénario.
Respect de l’œuvre
Dès le début du film, alors que défile le texte situant l’histoire dont il est question, les notes de la musique originale composée par John Williams résonnent. Le côté nostalgique et le plaisir qu’on ressent à entendre cette bande originale donnent le ton de la direction prise par James Gunn, qui souhaite revenir à l’essentiel. Le gros plan sur le costume de Superman vient confirmer cette intuition : le tissu semble plus simple que celui d’Henry Cavill dans Man of Steel, tandis que le bleu a été éclairci et se rapproche davantage de celui des premiers films. Notons enfin les touches d’humour, à l’image de l’intervention de Krypto, le chien aux pouvoirs surnaturels, terriblement mal éduqué – on en comprendra la raison dans une des scènes finales, où un nouveau personnage est d’ailleurs introduit. Même dans des moments où la tension dramatique est à son paroxysme, on retrouve cet humour qui avait fait le succès des Gardiens de la galaxie, l’une des réalisations emblématiques de James Gunn.

Ce qui frappe surtout, c’est le respect du comics original, notamment dans le visuel donné à certains personnages. Cat Grant (Mikaela Hoover), l’une des collègues de Clark Kent au Daily Planet, a l’air tout droit sortie d’une bande dessinée, avec ses énormes lunettes, ses cheveux peroxydés et son air nunuche. Quant à Eve Teschmacher (Sara Sampaio), l’assistante et petite amie de Lex, folle amoureuse de Jimmy (un autre journaliste, incarné par Skyler Gisondo), avec ses selfies à outrance, sa voix niaise et son côté possessif, paraît avoir été poussée à l’extrême. Pourtant, derrière les apparences, elle aura un grand rôle à jouer et s’avère être bien plus maligne qu’il n’y paraît. James Gunn ne tombe ainsi pas dans les clichés, mais s’en sert pour proposer une autre lecture, plus adaptée à 2025. On notera encore les trois personnages du Justice Gang – bien que le nom n’ait pas encore été entériné – et surtout le Green Lantern à la coupe au bol incarné par l’hilarant Nathan Fillion. Son assurance en toute circonstance et sa déconnexion de la réalité, en totale opposition avec les préoccupations de Superman, apportent une fraîcheur bienvenue au film.
Simplicité et humanité
Lorsqu’on parle d’un blockbuster, surtout avec la présence de superhéros, « simplicité » n’est pas le premier terme qui vient à l’esprit. Pourtant, la réalisation de James Gunn en présente une étonnante forme. Outre les aspects déjà évoqués, on notera un scénario qui ne tombe pas dans une forme trop alambiquée, sans cohérence. L’histoire demeure finalement assez simple, sans nécessiter de trop longues et complexes explications. Même lorsqu’il est question de la fissure dans l’espace-temps dont se sert Lex Luthor pour créer une prison pour méta-humains, pas besoin de développer des éclaircissements compliqués. Cette apparente simplicité se révèle aussi dans les scènes de combat, dont on apprécie la durée, jamais trop étirée, et l’absence de rebondissements improbables et successifs, comme c’est souvent le cas dans ce genre de films. Les différents éléments sont bien amenés et paraissent cohérents, à l’image également du personnage de Lois Lane (Rachel Brosnahan), qui s’affirme, sans tomber dans le rôle de la nunuche amoureuse, et s’avère douée dans son travail sans être surhumaine non plus. Elle rend un bel hommage au métier de journaliste dans l’enquête qu’elle mène pour comprendre les véritables motivations de Lex Luthor, apportant un aspect réaliste qui s’insère parfaitement dans la cohérence de l’ensemble du scénario.

Surtout, ce qui retient l’attention est le duel à distance entre Superman et Lex Luthor, montrés tous deux dans une dimension très humaine. Notre héros n’hésite pas à montrer ses émotions, quitte à monter dans les tours lorsque Lois le pousse dans ses retranchements lors d’une interview, ou quand Lex enlève Krypto, provoquant la fureur de Superman. Et alors qu’il commence à être haï de tou·te·s, il se réfugie chez ses parents adoptifs, pour prendre du recul, faire le point, illustrant à quel point il est touché par la vérité sur le message de ses parents. Ce traitement du personnage contraste grandement avec la vision très (trop ?) lisse de Man of Steel. Superman demeure un héros fondamentalement bon, qui n’accepte le mal sous aucune forme, mais qui doit passer par le questionnement induit par le dilemme auquel il fait face. Son antagoniste, Lex Luthor, est également présenté de façon très humaine. Loin d’être un simple mégalomane assoiffé de pouvoir, on le sent touché de manière très personnelle, dans son humanité, par l’amour porté à Superman par la population. Sa lutte contre les méta-humains devient une affaire personnelle, quitte à être dépassé par la portée de ses actes. Le voilà prêt à faire imploser la planète, juste pour détruire son ennemi. Ou quand la haine personnelle prend le dessus, mais le rend bien plus humain que ce qu’on a pu voir précédemment.

Ce Superman version James Gunn s’avère donc très convaincant, entre respect de l’œuvre originelle, touches d’humour bienvenues et surtout dimension humaine bien développée. De quoi promettre pour la suite de cet univers Gods and Monsters, porté par le réalisateur et nouveau boss de DC.
Fabien Imhof
Référence :
Superman, réalisé par James Gunn, États-Unis, sortie en salles le 9 juillet 2025.
Avec David Corenswet, Rachel Brosnahan, Nicholas Hoult, Edi Gathegi, Nathan Fillion, Isabela Merced, Skyler Gisondo, Wendell Pierce, María Gabriela de Faría, Anthony Carrigam, Sara Sampaio, Mikaela Hoover…
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