Les réverbères : arts vivants

Un théâtre populaire éphémère au cœur d’un parking

Avec leur nouveau projet, Vincent Jaquet et la Cie Sixième Art innovent : jusqu’en mai 2026, ils proposeront six créations, dont l’une imaginée par des enfants, dans un parking souterrain à Versoix. Le Théâtre du Garage, ça a commencé ce week-end. 

Rénover le lien social 

Le quartier de la Pelotière, à Versoix, s’apprête à vivre de grandes transformations d’ici 2030. La Fondation HBM Jean Dutoit, porteuse du projet, prévoit notamment une rénovation énergétique et une requalification des espaces collectifs. C’est au cœur de ce projet que la Cie Sixième Art présente son projet éphémère, le Théâtre du Garage. L’idée est simple : d’octobre à mai, la compagnie proposera six séries de représentations, au cœur même du parking, avec comme objectif central celui de rénover le lien social. Pour ce faire, le but est de toucher un public large, pas forcément habitué à se rendre au théâtre. Il s’agira également d’imaginer des formats inclusifs et partagés, pour que les spectateur/trices ne demeurent pas passif/ves, mais se sentent véritablement acteur/trices du projet. Les thématiques, sur lesquelles nous reviendront, seront liées aux enjeux sociaux et écologiques de la rénovation du quartier. Surtout, cette première expérience doit préfigurer le futur théâtre qui s’inscrira au cœur du quartier. 

Le Théâtre du Garage revendique sa dimension « populaire ». Différents temps d’échange seront organisés en marge des représentations, afin de favoriser la réflexion et le partage. Une manière d’appréhender différemment certains dispositifs institutionnels. Le projet doit ainsi servir à ouvrir une réflexion plus large sur la place de la culture au sein du quartier, mais aussi ailleurs, en créant un espace de dialogue pour collectiviser le projet. Avec l’envie, pourquoi pas, de pouvoir reproduire ce modèle ailleurs ? Au cœur de l’idée portée par la Cie Sixième Art se trouve aussi ce lien indéfectible entre interrogations sociales et transition énergétique. L’un ne peut aller sans l’autre, et il faut réfléchir de manière globale pour favoriser ces deux aspects. Le Théâtre du Garage se veut certes éphémère, mais il doit servir de levier au futur Théâtre qui devrait se dresser dans le quartier. Ce dernier devra mettre en avant un lien fort avec les jeunes, en leur proposant des petits jobs, mais aussi en leur donnant l’occasion de s’exprimer à travers le théâtre. D’où l’idée d’une création en collaboration avec eux. En créant ce nouveau lieu culturel, il s’agit aussi de renforcer entre le quartier de la Pelotière et la commune de Versoix, de manière plus large. 

Un projet inédit 

Au-delà de sa dimension éphémère, c’est aussi le lieu qui interroge. Le parking souterrain, actuellement constitué de boxs privatifs – dont deux seront utilisés pour le théâtre – sera entièrement repensé pour répondre aux besoins des habitant-es, bien que la suppression desdits boxs crée quelques inquiétudes. Le Théâtre du Garage s’insère donc dans cette réflexion comme un lieu de dialogue. Au total, il se déploiera sur une surface de 210m2 environ, permettant de moduler à l’envi l’espace, selon les créations présentées. Sans oublier la nécessité d’entreposer du matériel technique.  

Le 28 mai dernier, une séance test a été organisée, avec 80 personnes, venues d’horizons divers, qui ont su apprécier le moment. Auparavant, le Théâtre avait également organisé une représentation exploratoire, à l’occasion d’Halloween 2024, illustrant parfaitement le potentiel d’ouverture du dialogue et le pouvoir du théâtre. Des échanges ont déjà pu avoir lieu à l’issue de ces représentations, permettant d’expérimenter cette modalité souhaitée par la Cie Sixième Art, et qui a semblé très prometteuse. À reconduire donc, lors des futurs spectacles ! 

Une écriture au service du dialogue 

Au cœur de la réflexion se placent donc différentes thématiques en lien avec les enjeux du quartier. Pour favoriser cet espace d’échange et de dialogue, les pièces seront imaginées – ou inspirées d’œuvres déjà existantes – en lien avec lesdites thématiques. Les formes seront diverses, avec du théâtre immersif, de l’absurde, de la comédie, et bien d’autres, pour attirer un public large et faire découvrir diverses facettes des arts de la scène. De cette manière, le Théâtre du Garage tend à favoriser la curiosité et l’inclusion, avec une écriture également accessible, tout en étant soutenue. En mai dernier, la représentation test incluait des extraits d’auteurs comme Feydeau, Tchekhov, Claudel ou encore Melquiot, pour un accueil plus que prometteurs. Les formats se voudront également courts, afin de favoriser la discussion ensuite, pour que la pièce ne s’arrête pas au baisser de rideau. 

En termes de mise en scène, il s’agira de parler au public, avec des références proches de lui, et donc des situations concrètes et engageantes. L’humour agira comme un levier important, sans oublier l’émotion face à des thématiques parfois profondes. Il faudra aussi tenir compte du lieu et de ses spécificités, pour intégrer une scénographie qui fait sens dans ce lieu, moyennant bien sûr certaines adaptations. La volonté est également de favoriser l’immersion du public, qui pourra parfois intervenir durant la pièce, afin d’engager le dialogue même avant la fin de la représentation. 

Enfin, l’une des représentations sera créée avec les enfants du quartier, moyennent l’intervention de deux animateur/trices, durant les vacances de Pâques. Pour le reste, des comédien-nes profesionnel-les seront engagé-es, avec une dizaine de jours de travail à chaque fois, en amont de la première. Les représentations auront lieu les week-end, pour un total de deux semaines de travail. Le théâtre apparaîtra avant chaque spectacle, puis disparaîtra jusqu’au prochain, pour une dimension véritablement éphémère, dans laquelle des habitant-es du quartier seront impliqué-es dans différents rôles. Sans oublier une approche éco-responsable avec des appareils moins énergivores, la création des costumes avec le « groupe couture » du quartier et l’utilisation de matériel de récupération. 

Par et pour les habitant-es 

En marge du théâtre, une garderie de quartier sera ouverte durant les représentations, pour permettre aux parents de profiter, eux aussi, de l’installation. Les thématiques toucheront les habitant-es, puisqu’il s’agira d’abord de parler de gouvernance partagée, pour gérer les futurs espaces collectifs. Fin novembre, on s’intéressera au grand désencombrement du parking souterrain, en lien avec ses futures transformations. En janvier, avec « On s’les pèle ! », on imaginera des situations décalées où les appartements, mal isolés, ne résistent pas au froid. Ou comment imaginer certaines améliorations avec humour. Au mois de mars, la thématique de l’eau sera au cœur des interrogations : végétalisation, gestion de l’eau, nouveaux aménagements… En avril, places aux enfants, qui s’interrogeront sur la mobilité douce et les aménagements nécessaires. Enfin, pour bien clore cette saison et remettre en avant les grands axes du projet, on imaginera un spectacle sur le « Vivre ensemble ! », si cher à nos politiques aujourd’hui. 

Alors, on vous retrouve là-bas pour découvrir, réfléchir aux aménagements du quartier et plus largement sur les liens sociaux, écologiques et de l’avenir en général ? 

Fabien Imhof 

Les informations pratiques et les détails de chaque spectacle sont à retrouver sur le site du Théâtre du Garage. 

Photos : ©Théâtre du Garage 

Fabien Imhof

Co-fondateur de la Pépinière, il s’occupe principalement du pôle Réverbères. Spectateur et lecteur passionné, il vous fera voyager à travers les spectacles et mises en scène des théâtres de la région, et vous fera découvrir différentes œuvres cinématographiques et autres pépites littéraires.

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