Bankal : équilibre précaire et humour au rendez-vous
Un monocycle, des tabourets et deux acrobates déjantés : voici les ingrédients de Bankal, un spectacle de Puéril Péril à voir le week-end dernier à l’Usine à Gaz de Nyon. On a rarement autant ri, tout en étant à la fois impressionné-e par la performance physique des deux comédiens-acrobates.
Alors que Dorian Lechaux et son comparse Ronan Duee, « porteur de père en fils », les deux metteurs en scène du spectacle, attendent avec le public dans les gradins, la voix de Guillaume Orsat résonne pour donner quelques consignes. On est d’abord surpris-e d’entendre cet acteur emblématique du doublage francophone, qui nous a notamment marqué-es pour être la voix de Nathan Fillion (Castle, The Rookie, ou encore Green Lantern dans le dernier Superman), mais aussi celle de Mack dans les films Cars, ou encore Vin Diesel dans le premier Fast&Furious. Puis on fait attention à ce qu’il dit, avec des recommandations totalement décalées : ne pas hésiter à sortir son téléphone portable pour créer de l’interaction, tout en mettant les enfants sur vibreur pour éviter qu’ils ne dérangent. Passé cela, pendant une heure – rassurez-vous, la voix-off reviendra régulièrement – les deux comédiens-acrobates alternent entre figures d’équilibre sur monocycle ou sur des structures faites de tabourets, et pitreries visuelles ou racontées. Un spectacle complètement Bankal, pour notre plus grand plaisir !
Équilibre fragile
On ne sait par où commencer, tant ce spectacle est riche et parle aux plus jeunes comme aux adultes. Allons donc vers ce qui nous impressionne tout d’abord, avec la dimension circassienne de Bankal. Tout sur scène est bluffant, grâce à la démonstration de force et de maîtrise que nous proposent les deux artistes. On voit d’abord de l’équilibre corporel, quand ils se portent, se tiennent dans des postures improbables à la seule force de leurs jambes, de leurs bras ou de leurs abdominaux. Parfois les jambes n’interviennent pas, parfois ils font cela sans les mains… Ils miment aussi des mouvements de bagarre, quand l’un tente d’empêcher l’autre de s’emparer du monocycle. Le premier virevolte autour des épaules du second, qui le porte et tente de le mettre au sol, tout en le retenant à chaque fois. Les portés sont d’une incroyable fluidité, alors qu’ils semblent aussi demander une concentration et une force physique démentielles.
Il faut surtout souligner la manière dont les deux acrobates se servent des accessoires, à commencer par le monocycle. Ronan Duee nous éblouit en effectuant des tours de plateau, virant dans de tous petits espaces, parvenant à faire du surplace par moments. Mais surtout, il réalise là aussi des portés, en mouvement sur son monocycle : Dorian Lechaux se tient debout sur ses épaules ou en équilibre sur ses mains. On applaudit, bouche bée. Et puis… et puis, il y a les structures conçues à l’aide des tabourets : on en pose sur un autre, à l’envers, pieds sur pieds. L’idée est déjà bancale, alors imaginez qu’on ajoute plusieurs étages ! Cela demande une grande précision dans le placement, et rien n’est laissé au hasard, dans l’équilibre des corps, la répartition des masses, et, une fois encore, des portés réalisés sur ces structures !
Humour rafraîchissant
Pendant la représentation, Dorian Lechaux intervient beaucoup : il gère la régie son à l’aide d’une petite télécommande, interagit avec le public pour expliquer certaines choses, lorsque la voix-off ne s’en charge pas. Il n’hésite pas à réagir aux rires du public et à ses réactions souvent inattendues : un enfant qui fredonne Joyeux anniversaire, un autre qui sort de la salle car il a eu peur… Ainsi, la dimension sérieuse et parfois solennelle de la salle de théâtre est désamorcée. Et avec ses airs enfantins et son sourire toujours présent, il dédramatise également cette performance, en donnant une impression de facilité qui rassure les plus jeunes.

On n’oubliera pas d’évoquer aussi la dimension poétique de Bankal : complicité entre les deux artistes, présence d’origami, intervention d’une membre du public pour les accompagner dans deux numéros… Et il y a cette petite pause, qu’ils prennent avec beaucoup d’humour, se moquant des potentielles réactions des spectateur/trices qui pourraient leur en vouloir. Alors, Dorian Lechaux la définit comme poétique. Il le dit de manière totalement décalée, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a aussi un fond de vérité. Comme une métaphore de la vie, dans laquelle on cherche constamment à créer un équilibre, où l’on se cache parfois derrière l’humour pour ne pas montrer certaines failles… C’est un peu ce qu’ils font à travers cette grande performance, en parvenant à nous faire rire aux larmes, tout en nous impressionnant. On retient notre souffle à chaque instant, se demandant à quel moment interviendra la chute. Un petit spoiler pour terminer : ils ne tombent jamais !
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Bankal, de Puéril Péril, les 18 et 19 octobre 2025 à l’Usine à Gaz de Nyon.
Mise en scène : Dorian Lechaux
Avec Dorian Lechaux et Ronan Duee, et la voix off de Guillaume Orsat
https://usineagaz.ch/event/bankal/
Photos : ©E. Rabaud
