Le banc : cinémaUncategorized

Dreams : premiers émois amoureux

S’inscrivant la trilogie Oslo Stories, de Dag Johan Haugerud, Dreams, explore la découverte des sentiments amoureux par une adolescente. Avec un procédé narratif original et efficace, cet opus frappe par la justesse et la précision de ce qu’il raconte. 

Johanne (Ella Øverbye), lycéenne à Oslo, tombe amoureuse de Johanna (Selome Emnetu), sa professeure de français. Très vite, la jeune femme fera tout pour se rapprocher d’elle. C’est ainsi qu’elle se rendra, tous les lundis soirs, chez Johanna pour y apprendre le tricot, et surtout passer du temps avec celle qu’elle aime. Durant cette période, tout ce qu’elle vit et ressent, Johanne le consigne dans un journal, que Karin, sa grand-mère autrice (Anne Marit Jakobsen), puis Kristin, sa mère (Ane Dahl Torp) finiront par lire, à la demande de Johanne. Les discussions qui s’ensuivent, autour d’une potentielle publication comme roman, font remonter des questionnements profondément enfouis chez les deux lectrices. La particularité de Dreams ? Les spectateur·ice·s découvrent l’histoire de la même manière, en entendant majoritairement la narration en voix off de Johanne, comme si elle était en train de lire ce qu’elle a écrit. 

À travers les yeux de Johanne… 

Le thème de cette histoire est finalement peu original, les premiers émois amoureux ayant déjà été largement explorés au cinéma. Pourtant, en l’inscrivant dans une trilogie et avec un procédé narratif original, il nous plonge dans une dimension extrêmement réaliste, entre intimité et simplicité. Les trois films – avec Love (Amour) et Sex (atténué dans son titre francophone pour devenir Désir) – racontent la vie sentimentale de différents personnages à différents âges. Amour narre ainsi les idylles chaotiques d’une infirmière et de son collègue homosexuel ; tandis que Sex explore la remise en question de l’identité masculine à travers la découverte de l’homosexualité. Précisons d’emblée que nous n’avons pas vu ces deux autres opus, mais avons pu en découvrir les grandes lignes sur le site de Critikat. À travers cette trilogie, Dag Johan Haugerud deresse donc un tableau assez complet de l’exploration de divers sentiments amoureux et du désir, avec trois films qui peuvent être vus indépendamment et dans n’importe quel ordre. 

Ce qui marque, donc, dans Dreams, c’est le choix de la forme. S’il faut un petit peu de temps avant de comprendre que nous écoutons la narration de ce qui deviendra ensuite un roman, l’intérêt principal est de se centrer sur une focalisation à partir du point de vue de Johanne. Tout ce qu’elle vit, elle le ressent intensément, avec son prisme d’adolescente qui n’a encore jamais connu ce sentiment. La dimension d’interdit, par le se statut et l’âge des deux protagonistes, ajoute encore à cette intensité. Tout ce qui arrive est donc interprété comme allant dans le sens de la séduction, telle que ressentie par Johanne. En est-ce réellement ? L’ambiguïté est omniprésente et sera plus ou moins levée dans l’une des dernières scènes, lorsque que Kristin rencontre Johanna dans un café pour parler de la publication du roman. Ce dialogue remet cette dernière face à sa propre ambiguïté.  

La majeure partie du film est donc narrée à la première personne, tout en élargissant le point de vue après la lecture par Karin et Kristin. On perçoit alors les failles de ces deux personnages : la grand-mère, si bienveillante au départ, se sent menacée dans son rôle d’autrice ; tandis que la mère, après une première réaction qui se veut protectrice, prend du recul et prend conscience de sa solitude amoureuse. La force de la forme narrative choisie par Dag Johan Haugerud est donc de donner une certaine intensité aux sentiments de Johanne, avec une grande justesse dans la description des émotions, tout en permettant par la suite une vision plus large, donnant une autre interprétation aux différents éléments narrés par l’adolescente. 

… et dans son cœur 

Dreams nous replonge ainsi dans nos propres premiers émois, lorsqu’une odeur, un mot, un sourire, une petite attention, peut déclencher des émotions fortes et encore inconnues. La question du genre, avec cette attirance homosexuelle, n’est ici pas ouvertement abordée, contrairement à Sex. C’est plutôt la question de l’amour pour l’amour, sans oublier sa dimension interdite dans ce cas précis, qui est interrogée. Et c’est cela qui est beau finalement. On se reconnaît alors toutes et tous, ayant vécu – avec ou sans le côté interdit – cela, d’une certaine manière. L’adolescence, les premiers émois, l’histoire qu’on se raconte dans sa tête, dans son cœur, qu’on vit avec une intensité incroyable, voyant des liens avec la personne constamment. Comme dans cette scène où Johanne est au chalet en famille et se sent reliée à Johanna, car les deux sont malades au même moment. 

Mais il y a aussi l’autre pendant, plus douloureux. Quand les choses ne vont pas dans son sens, sont contraires à ses attentes, Johanne ressent aussi tout plus fort qu’elle ne le devrait. L’absence, l’attente entre les messages, dont elle n’a pas l’habitude, provoquent en elle des questionnements, des doutes, et une certaine douleur. On parle ici d’adolescence, mais c’est encore vrai même à un âge plus avancé… Si on ressent aussi fortement ce que vit Johanne, c’est aussi parce que tout est bien décrit, avec une certaine forme de naïveté et d’innocence, sans tomber pour autant dans le pathos. On est bien loin des comédies sentimentales proposées en période de Noël, ou des teenages movies des années 2000. Avec Dreams, on ressent quelque chose de vrai, de simple et de sincère. C’est sans doute ce qui fait sa force et permet de nous toucher autant, avec une fin ouverte, peu attendue, et pleine d’espoir en l’amour. 

Fabien Imhof 

Références : 

Dreams – Oslo Stories, réalisé par Dag Johan Haugerud, Norvège, sortie en salles le 6 août 2025. 

Avec Ella Øverbye, Selome Emnetu, Anne Marit Jakobsen, Ane Dahl Torp, Anne Marit Jakobsen… 

Photos : ©Pyramide Distribution 

Fabien Imhof

Co-fondateur de la Pépinière, il s’occupe principalement du pôle Réverbères. Spectateur et lecteur passionné, il vous fera voyager à travers les spectacles et mises en scène des théâtres de la région, et vous fera découvrir différentes œuvres cinématographiques et autres pépites littéraires.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *