Le banc : cinéma

Et si ce n’était pas de la science-fiction ?

Avec Acide, Just Philippot signe un film entre thriller familial et science-fiction, avec un Guillaume Canet très convaincant en père très engagé et une révélation nommée Patience Muchenbach, dans le rôle de sa fille Selma.

Tout commence avec une scène filmée au smartphone. Un groupe de syndicalistes, dont fait partie un certain Michal (Guillaume Canet) s’infiltrent dans une entreprise, avec une idée en tête : le patron doit leur rendre des comptes au sujet de victimes de la boîte, dont on ne sait pas encore de quoi elles souffrent. Durant l’intervention des CRS, Michal passe à tabac l’un d’entre eux. Cela lui vaudra un procès et l’obligation de porter un bracelet électronique. La conséquence ? Une famille brisée, un divorce et une garde partagée. Karin est la seule à le soutenir, si bien qu’une fois sa sanction levée, il voudra la rejoindre en Belgique, au grand dam de sa fille Selma (Patience Muchenbach). Mais tout bascule lorsque des pluies acides s’abattent sur la France. Alors qu’il faut y échapper, la famille réunie par les circonstances va devoir se ressouder envers et contre tout et se préparer à y faire face…

Écologie et société

La thématique qui saute aux yeux dans Acide est bien sûr celle de l’écologie. Les pluies acides sont les conséquences d’un abus de produits polluants. À l’heure où les phénomènes climatiques sont plus fréquents, plus longs et plus intenses, on ne peut que s’interroger sur la probabilité d’un tel événement. Le scénario est ici poussé à l’extrême, et l’apocalypse imaginée par la science-fiction est en marche, mais on n’est peut-être pas si loin de la réalité que cela… Le genre de la science-fiction est rare dans le cinéma français. Cette dystopie est moins poussée à son extrême que ne pourrait l’être l’une des nombreuses productions américaines, mais la dimension plus vraisemblable et proche de notre réalité crée une identification plus grande au scénario, créant une profonde empathie pour ces personnages et nous amène, peut-être à réfléchir un peu plus… Ainsi, on est pris d’émotion par ce qui arrive à Élise (Laetitia Dosch), la mère de Selma, ou encore à Deborah (Marie Jung) et William (Martin Verset), qui avaient aidé Michal et Selma.

La dimension sociale de ce film n’est pas à négliger non plus. Il y a, bien sûr, les convictions de Michal, qui l’ont poussé aux pires extrémités. On retrouve ici un Guillaume Canet particulièrement convaincant en père syndiqué et en colère, qui se bat pour la justice sociale dans un monde qui s’écroule. À travers lui se développe aussi une réflexion que nous ne sommes pas tou·te·s égaux·les face à l’adversité. Le clivage entre les plus riches et les plus pauvres permet de refaire le lien avec la scène d’ouverture, mais aussi de mieux comprendre les tensions entre Michal et son beau-frère, chef d’entreprise… Tout ce qui arrive à cette famille révèle également la nature humaine, dans ce qu’elle peut avoir de plus égoïste, mais aussi la solidarité débordante de certain·e·s. Avec certaines limites… On opposera ainsi la tragique scène du pont à l’accueil que fait Deborah à ces deux inconnus victimes des pluies acides.

Et la famille dans tout cela ?

On n’oublie pas pour autant – et c’est d’ailleurs le point mis en avant dans le synopsis d’Acide – la famille.  L’histoire passée de chacun·e de ses membres va influencer leur parcours : au lieu d’aller chercher refuge à Metz, comme le frère d’Élise le leur a conseillé, Michal, Élise et Selma se dirigent vers la Belgique, où se trouve Karin, que Michal ne veut surtout pas laisser seule. Les tensions ressortent et s’exacerbent, alors même que la situation est autrement plus grave que leurs différends familiaux. La nécessité d’être ensemble et de se serrer les coudes prendra tout de même le dessus. À cet égard, le scénario est très bien construit et parvient à nous tenir en haleine en conservant une tension constante, sans pour autant rendre le tout étouffant, grâce à quelques brefs moments de répit. En ce sens, Acide demeure très humain, en développant la profondeur de chaque personnage face à l’adversité, sans tomber dans des stéréotypes, rendant le tout très sincère. Et s’il n’y a finalement pas de happy end, cela ne rend le film que plus convaincant, dans toute la dureté qu’il engendre.

Une réussite, donc, pour la SF française avec ce film d’anticipation, s’il s’agit bien de ce genre cinématographique.

Fabien Imhof

Référence :

Acide, réalisé par Just Philippot, France, sortie en salles le 20 septembre 2023.

Avec Guillaume Canet, Patience Muchenbach, Laetitia Dosch, Marie June, Martin Verset, Valentijn Dhaenens…

Photos : © DR

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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