Les réverbères : arts vivants

Faire vivre le récit d’une mère

Jusqu’au 20 février, la Parfumerie accueille la comédienne Verena Lopes pour Girls and Boys, dans une mise en scène de Bastien Blanchard. Ou le récit d’apparence léger de la vie d’une mère, jusqu’à un improbable et tragique destin.

Sur la scène de la Parfumerie, Verena Lopes apparaît avec beaucoup de calme. Elle incarne une femme qui raconte au public sa rencontre avec son mari dans une fille d’attente d’EasyJet, puis leur vie, la manière dont cet homme exemplaire l’a toujours soutenue dans ses projets, la naissance de leurs enfants… Pendant environ une heure, c’est un spectacle rempli d’humour qui nous est proposé, avec notamment quelques scènes partagées avec ses enfants, jouées d’une manière si réaliste qu’on a l’impression qu’ils sont vraiment là. Jusqu’au basculement aussi tragique qu’inimaginable. Que s’est-il passé ? On vous laisse le soin de le découvrir…

Faire vivre le récit

La force de Girls and Boys tient d’abord à la simplicité du texte de Dennis Kelly : pas d’envolées lyriques, des mots du quotidien, racontés par Mme Tout-le-monde, qui confèrent un grand réalisme au récit. Ces mots, Verena Lopes les porte avec toute la justesse qu’il fallait. Elle occupe ainsi parfaitement l’espace scénique composé de deux grandes tables, en les transformant tantôt en scène, tantôt en lit, faisant évoluer le décor dans l’imaginaire des spectateur·trice·s. Elle enchaîne ainsi les moments de liesse et de bonheur, mouvements de danse gracieux à l’appui, avec d’autres plus difficiles. On évoquera par exemple les scènes du quotidien d’une maman, avec ses enfants qui se chamaillent, font des bêtises en voulant entrer dans la maison avec un seau plein de boue, ou l’histoire d’un petit frère qui veut casser les constructions de sa grande sœur… Des scènes qu’on a toutes et tous vécues en tant qu’enfant ou parent, et qui nous font sourire, voire rire aux éclats. Comme quand la mère dit à son fils que « même si les gens n’ont que la tête qui brûle, c’est grave quand même ! », alors que ce dernier imagine un scénario pendant un jeu avec elle. On voit les enfants, on les entend, et on perçoit leur incroyable capacité à imaginer des scénarios tous plus farfelus les uns que les autres. Et bien qu’on n’entende que les mots de la mère, Verena Lopes donne vie aux deux enfants sur la scène.

Cette dimension réaliste tient également beaucoup aux choix de mise en scène de Bastien Blanchard, assisté par Céline Goormaghtigh. La scénographie est épurée, tant dans le jeu que dans le décor, avec ces deux grandes tables qui trônent au milieu des murs bruts de la Parfumerie. Le décor se crée ainsi dans l’imaginaire du public, qui re représente la file d’attente, la maison familiale, les bureaux dans lesquels évolue cette femme… Les adresses au public contribuent aussi à créer un lien plus intime, plus fort. Et les blagues du quotidien résonnent sans exagération, sans être jamais appuyées, comme dans un récit au naturel parfois déconcertant.

L’impression de naturel est renforcée par les lumières de Marc Heimendinger. Dans les moments de bonheur, de souvenirs heureux, elles sont chaudes, dans des teintes de jaune, d’orange, de vert… Quand le texte se fait plus sombre, place à des lumières bleutées, orientées sur les murs plus que sur la comédienne, comme pour créer une certaine distance et illustrer sa détresse. L’éclairage, d’une finesse exemplaire, fonctionne ainsi parfaitement avec le reste, répondant au texte et surtout aux mouvements de Verena Lopes. Sans oublier la bande son, avec le Bombtrack de Rage Against the Machine qui explose après le basculement, ou la reprise de Feeling good par Muse qui clôt le spectacle sur une note plus poétique…

La recette imaginée par Bastien Blanchard fonctionne ainsi à merveille. Sans rien dévoiler de la fin du spectacle, on vous dira simplement qu’on reçoit le moment de basculement comme une baffe. Et jusqu’au bout, les mots résonnent comme autant de claques qu’on se prend en pleine face. Tout simplement brillant !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Girls and boys, de Dennis Kelly, du 8 au 20 février 2022 à La Parfumerie.

Mise en scène : Bastien Blanchard

Avec Verena Lopes

https://www.laparfumerie.ch/evenement/girls-boys/

Photos : © Marc Heimendinger

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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