Les réverbères : arts vivants

Le thé de la paix

Après l’enterrement d’’une feuille-morte – Rue du Clocher 12 – une écriture collective par la Compagnie La Vivante, au Théâtre des Grottes jusqu’au 23 novembre 2025.

Il y a diverses choses lors de l’enterrement d’une grand-mère. Plus exactement pour les planches, remontent çà et là bien des sentiments qui légitiment un grand nombre d’approches de personnages de théâtre, de situations dramatiques plus ou moins drolatiques, mais toutes passionnantes. C’est pourquoi, on ne s’en lasse pas. À condition que l’on ne perde jamais l’exploration des ressorts des conduites humaines.

Aujourd’hui, grand-maman est morte. C’est avec une jolie ouverture que débute le spectacle. Par une jeune enfant qui joue seule dans le grenier de son aïeul, on apprend la genèse familiale avec la rencontre d’un sucrier de porcelaine et un pot à lait qui, suite à des nuits tumultueuses et passionnées, donnera naissance à trois tasses. La vie fit que le lait tourna, que la porcelaine se brisa et qu’une grand-mère théière prit le relais.

Il y a la grande sœur Emmanuelle (Alice Belarmont), une première de classe à l’image d’une époque où cela représentait quelque chose. La petite dernière Aimée (Victoria Duquesne), celle que l’on faufile selon le dicton, et Luce (Cécile Adèle Basset), la seconde, vive et espiègle comme tous les seconds de toutes les familles. Devenues adultes, les voici avec leur vécu en plus de leur enfance. Les personnages sont classiques comme des desserts d’autrefois.

Dans un décor de grenier, la mémoire est emballée dans des cartons, les souvenirs sont entassés, le temps passé empilé. Les trois sœurs se retrouvent à devoir trier, jeter, garder ce qui ne leur appartenait pas il y a encore quelque temps. Sur les objets, l’acte de propriété est garanti par les souvenirs, signé par les sentiments. Une scénographie intelligente tout en détails d’Antoine Ricard-Gauthier. À souligner aussi les très bons éclairages de Jonathan Millard.

Que va-t-il se passer ?  Ce spectacle présente des situations provoquées par une déchirure du monde qui vient bousculer l’ordre des choses. Cela pourrait être grave, sombre, un brin étouffant comme dans un roman de Simenon. Ce n’est pas le choix d’écriture. On est dans la comédie. La mort n’est pas noire et l’on se prend à rire des chagrins, des frustrations, des disputes. La mise en scène est animée avec de jolies trouvailles telle cette maison de poupée illuminée ou la théière dans les airs. On bouge, on se bouscule, la vie est là qui se glisse entre les cartons. Un travail sur des déplacements très bien mené, sur une scène encombrée des restes d’une vie.

Trois comédiennes de grande qualité campent les trois frangines avec leurs facettes dans des rapports très théâtraux. Que l’on ne s’y trompe pas, on est pas du tout dans un univers enfantin. L’alcoolisme s’oppose à la tristesse d’une femme trompée, la vénalité affronte les substances psychoactives. Et c’est là tout le travail du texte en écriture de plateau de ces trois jeunes femmes que de présenter un bon dessert classique revisité. Il manque toutefois un peu du portrait de la grand-mère qui aurait donné un peu plus de profondeur dans les relations entre les deux générations, en lieu et place d’une évocations des témoins de la sépulture.

Un spectacle qui ne livre pas qu’une simple image des choses. Il se promène dans les arrières mondes des pensées. Ici, l’émotion n’est pas absente, toute comme la drôlerie. Un très bon premier spectacle qui donne du bonheur avec du chagrin ; deux ressorts de la conduite humaine.

Jacques Sallin

Infos pratiques :

Rue du clocher 12, au Théâtre des Grottes du 20 au 23 novembre 2025

Mise en scène collective

Avec Cécile Adèle Basset, Alice Berlamont, Victoria Duquesne

https://billetterie-culture.geneve.ch/selection/event/date?productId=10229258321562

Photos : © Gabriel Asper

Jacques Sallin

Formé à l'université de la ferme et à l'atelier du Victoria Hall, c'est avec cette double culture qu’il s'approprie le monde. Il tenté de conjuguer les choses en signant des textes et des mises en scènes. La main, le geste, la phrase, le mot, c'est pour lui toute l'intelligence de la scène.

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