La plume : critique

L’Incendie de l’Alcazar (David Bosc)

Le voyage, littéralement et dans tous les sens, voilà ce qu’on peut retenir de la lecture de la poésie de David Bosc. Après quatre romans, l’auteur fait paraître L’Incendie de l’Alcazar, son premier recueil poétique.  

Un voyage, donc, d’abord géographique – on vole de Marseille à Kyoto, en passant par l’Espagne –, mais aussi pictural : on file de peinture en peinture, tentant d’éviter le feu destructeur de l’incendie de l’Alcazar, qui s’impose ici comme l’inspiration de l’auteur. C’est, d’ailleurs, le titre d’un long poème avant d’être celui du recueil. 

En effet, on y trouve, parmi d’autres poèmes, une série poétique inspirée de tableaux. L’art pictural et la poésie, souvent, ont été comparés, comme l’a fait de Vinci : « La peinture est une poésie qui se voit au lieu de se sentir et la poésie est une peinture qui se sent au lieu de se voir ». Dans cette série de poèmes, David Bosc mêle les deux pratiques, créant des images vives à partir de ses vers. 

Cependant, la peinture n’est pas notre destination finale. Dans ce recueil en sept parties, on se déplace, également, à travers les âges : du goudron d’aujourd’hui aux pavés d’antan, de l’enfance à l’âge mûr. C’est une entrée dans l’univers personnel de l’auteur. Un univers qui résonne en nous et s’y déploie. Terminus : le réel, via le merveilleux. Un merveilleux mythologique, puisque le Minotaure fait son entrée, mais aussi mystique, puisque les chamanes agitent leurs sorts. Enfin, et surtout, un merveilleux biblique. Le recueil se termine en effet de la manière suivante : « [i]ls m’ont abandonné, moi la source d’eau vive, pour se creuser des citernes, citernes lézardées qui ne tiennent pas l’eau » (p.117). 

Nous pourrions nous arrêter ici, ivres déjà de voyages et de peintures grâce aux images poétiques de David Bosc. Toutefois, l’auteur, lui, n’a pas terminé : il recourt à une palette langagière fournie. D’une langue parfois lyrique, recherchée et précise, on passe au langage du quotidien et de la rue, des « remuements d’amour » (p.50) au « oh la con de tes morts » (p.70). 

La poésie apparaît souvent comme un art littéraire difficile à cerner : la définit-on par ses vers ? Sa typographie ? Ses rimes ? Son rythme ? Ses thèmes ? Chez David Bosc, elle fait fi de la ponctuation : adieu les virgules et les majuscules. Elle ne s’alourdit ni de rimes ni de métrique. Ce qu’elle met en œuvre, très efficacement, c’est l’opacité poétique. Pas de ponctuation, presque aucun titre aux poèmes, des référentiels qui parfois nous manque — par exemple, quelle bonde lâche et quel toit s’effondre? (p.9) –, voici quelques-unes des couleurs du nuancier de l’auteur, lorsqu’il peint sa fresque poétique de L’Incendie. Cette opacité, donc, c’est ce qui fait du recueil matière tant à critiques qu’à éloges : nous n’y comprenons pas toujours grand-chose, mais sa beauté nous parle en profondeur. 

Morgane Sancosme 

Références :

David Bosc, L’Incendie de l’Alcazar, Ed. Héros-Limite, 2024. 

Photos : ©Magali Bossi (banner), maison d’édition de l’ouvrage pour la couverture 

La Pépinière

« Il faut cultiver notre jardin », disait le Candide de Voltaire. La Pépinière fait sienne cette philosophie et la renverse. Soucieuse de biodiversité, elle défend un environnent riche, où nature et culture deviendraient synonymes. Des planches d’une scènes aux mots d’une page, des salles obscures aux salles de concert, nous vous emmenons à la découverte de la culture genevoise et régionale. Critiques, reportages, rencontres, la Pépinière fait péter les barrières. Avec un mot d’ordre : jardinez votre culture !

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