On Golden Pond : quand l’amour familial cherche son chemin
Un couple de retraités se voit confier la garde d’un adolescent le temps d’un été. Mark Rydell signe avec cette histoire familiale toute simple une œuvre dont la saveur intacte quarante ans après sa sortie ne doit rien au hasard.
Chaque été, Ethel (Katharine Hepburn) et Norman Thayer (Henri Fonda) se retirent quelques mois dans leur chalet du New Hampshire. Planté en lisière de forêt près d’un lac rempli de truites où s’abreuve une faune aquatique des plus riches, leur chalet a un goût de bout du monde. La probabilité de rencontrer un promeneur avoisinant celle de croiser un grizzli, c’est dire si le lieu plairait aux âmes sauvages.
Cette année Norman fête ses 80 ans. Sa fille Chelsea (Jane Fonda), accompagnée de son nouveau conjoint Bill (Dabney Coleman) et du fils de celui-ci, Billy (Doug Mc Keon), viennent célébrer le jubilaire le jour en question. L’équipe reste pour la nuit. Le lendemain Chelsea et Bill s’en vont, laissant Billy à Norman et Ethel le temps des vacances.
C’est dans cet époustouflant décor naturel de la Nouvelle-Angleterre que se tramera la saga ordinaire d’une famille américaine au sein de laquelle les frustrations chercheront maladroitement à s’exprimer pour enfin se libérer.
Le tout est plus que la somme de ses parties
Les raisons qui nous amènent à apprécier une œuvre, ou à y être indifférents sont difficilement objectivables. Il y a néanmoins dans la notion d’harmonie un élément qui peut nous permettre d’évaluer si un film remplit sa mission. Cette tâche d’harmonisation qui incombe au réalisateur suppose une conjonction entre les différents éléments qui composent son film. Elle est ingrate car pour rester subtil, l’effort menant à cette fluidité gagne en plus à être invisible.
Le talent d’un réalisateur ne réside ainsi pas uniquement dans l’art de trouver les bons ingrédients pour composer un film, encore faut-il que ceux-ci se complètent, créant ainsi une sorte d’osmose. Cela nécessite un pouvoir d’abstraction mais aussi une solide dose de prise de risque, tant il est difficile d’anticiper les éléments qui n’apparaîtront qu’au moment du tournage. Quand cette part non maîtrisable s’avère gagnante et qu’elle vient compléter le travail effectué en amont, un chef-d’œuvre pourrait bien en émaner. On Golden Pond en est l’exemple parfait. Le comité des Oscars de 1982 ne s’y est point trompé en offrant une pluie de nominations et de récompenses au film.
Inspiré de la pièce de théâtre éponyme d’Ernest Thompson, c’est tout d’abord le scénario de cette histoire assez banale qui a gagné à être adapté à l’écran. La seule nature capturée par la caméra sensible de Rydell serait déjà la garantie d’un excellent documentaire sur la région tant l’environnement participe à la réussite du film. Les plans s’élargissent ou se rapprochent au gré de ce que la nature a à offrir. Parties de pêches, ballades en forêt, ballet de canards sauvages, tout est sublimement rendu sur la pellicule.
Cette nature serait pourtant incomplète sans la partition musicale de Dave Grusin dont les airs de piano s’inviteront tant dans les joyeuses virées en bateau que dans les instants graves du film, comme une condition sine qua non à son bon déroulement.
Ironique le casting ?
Mais c’est avec le casting que la boucle de l’osmose est véritablement bouclée. Bien que le scénario ait précédé le film, celui-ci semble avoir été écrit pour les acteurs tant la sincérité de leur jeu est crédible.
Henri Fonda incarne son dernier rôle, celui d’un vieil homme, impatient et revêche, dont le caractère cache en réalité un grand timide. Si son sens de l’humour l’aide à lutter contre son angoisse de la mort, aucun stratagème ne lui a en revanche jamais permis d’apaiser la relation tendue qu’il entretient avec sa fille.
Jane Fonda, sa fille à la vie comme à l’écran, endosse le rôle complexe de l’enfant mal-aimée par un père qui lui aurait préféré un fils. La justesse de son interprétation relève de la perfection quand elle ravale silencieusement ses larmes, blessée par la relation complice de son père avec le jeune Billy.
Connaissant les rapports difficiles du père et de sa fille dans la vie (Jane Fonda ayant souffert de l’absence de son père et de ses nombreux mariages), on ne peut que s’interroger sur la motivation du réalisateur dans le choix des acteurs pour incarner ce duo conflictuel. Sadique Rydell ? Pas si l’on en juge l’émotion de Jane Fonda au moment de recevoir l’Oscar du meilleur acteur au nom de son père. Cet été à Golden Pond aurait-il été celui de la réconciliation ? Le film donne en tout cas l’impression que l’historique familial transcende le seul scénario.
On Golden Pond est de ces films à qui l’on pardonne tout, jusqu’à être prévisible. Sans jeter de la poudre aux yeux, en évitant les grandes effusions, il est certainement une des œuvres qui illustrent le mieux la pudeur des sentiments. Mieux encore, il laisse à son spectateur la sensation subtile d’avoir compris que l’amour peut aussi se passer de mots.
Valentine Matter
Référence : On Golden Pond (1981), Mark Rydell, 109 minutes
Photos : https://entertainment.time.com/2013/06/04/relative-value-10-movies-with-father-child-stars/slide/on-golden-pond/ (banner)
Et https://www.imdb.com/title/tt0082846/mediaviewer/rm3398650368/ (inner)