Les réverbères : arts vivants

Un « festival éclaté » pour rassembler durant l’été

Le festival Arts à la rue revient pour une quatrième édition ! Tous les mardis et mercredis soir, rendez-vous à la Terrasse Agrippa-d’Aubigné, ou à Carouge et Lancy pour des spectacles en vadrouille. Un total de 14 soirées placées sous le signe de la simplicité. Rencontre avec Joane Reymond, qui est à la base de ce festival.

La Pépinière : Joane, bonjour, et merci de nous recevoir ! Le festival Arts à la rue s’apprête à vivre sa quatrième édition. Comment est-il né ?

Joane Reymond : Tout a commencé en 2020. Au départ, on a programmé quatre spectacles de ma Cie Mine de Rien, qu’on a joué deux soirs chacun. J’avais répondu à l’appel à projets de la Ville de Genève, et la Terrasse Agrippa d’Aubigné présentait l’avantage d’être fermée naturellement. Pas besoin donc de barrières pour contraindre la jauge de public. Ensuite, avec le fonds de transformation proposé par le Canton, on a pu poursuivre le projet, avec toujours cette idée de deux soirées par semaine, dans la même veine que les rendez-vous musicaux de l’été. Je me suis rendu compte que c’est une offre qui manquait, alors que les arts de rue sont l’essence même du spectacle gratuit et rassembleur ! Le but est de faire découvrir aux gens un spectacle différent à chaque fois. On a donc pu organiser cela durant deux ans, avec huit soirées en 2021, puis 12 en 2022. Cette année, le fonds a été reconduit, et on peut donc proposer le festival sur toutes les vacances d’été, avec donc 15 spectacles répartis sur sept semaines.

La Pépinière : Vous avez baptisé ce festival Arts à la rue – le festival éclaté. Quelle est l’idée derrière ce nom ?

Joane Reymond : En 2020, on s’est véritablement retrouvé « à la rue », avec les circonstances du Covid. Ca reste encore difficile aujourd’hui, et donc je tiens à cette idée. Plus qu’un festival, j’ai envie que ces moments soient des rendez-vous, mais le terme « festival » me paraît important pour mettre en avant la diversité, et aussi le côté festif de la programmation. Quant au mot « éclaté », c’est un festival qui est éclaté dans le temps, avec ces deux soirées par semaine, au lieu d’être rassemblé. Il est aussi éclaté dans la programmation et les styles de spectacle, avec du cirque, du théâtre, de la danse, du clown, ou encore un spectacle de « Cap et d’épée ». Et puis il y a cette volonté de s’adresser aux familles, avec une programmation tous publics. J’ai déjà quelques idées pour la suite, avec des spectacles plus pointus, qui seraient adressés aux plus grands, qu’on peut voir en famille, mais on les aura prévenus… Il va falloir trouver le bon équilibre !

La Pépinière : Dans le communiqué de presse, vous parlez de « shows tendres et loufoques », que cherchez-vous à transmettre au public ?

Joane Reymond : Il y a vraiment une volonté de rassembler, déjà. Le côté tendre, c’est dans cette prise de parole des artistes. On a envie de prendre les gens par la main, de capter l’attention du public à travers l’art, que ce soit dans le propos, ce qu’on transmet, ou même via le décor. J’aime cette idée de mettre des paillettes dans les yeux des gens, alors que l’on est assis par terre tout simplement. Et avec les arts de rue, il n’y a pas cette distance créée par la scène, donc il y a vraiment un questionnement sur comment on embarque le public. Et pour le côté loufoque, j’aime que ce soit décalé, qu’il y ait des surprises, qui provoquent le rire… ou pas d’ailleurs, selon la sensibilité de chacun ! J’aime bien raconter cette histoire qui est arrivée l’année dernière, avec une dame qui est venue tous les soirs. Il faut savoir qu’on a aussi un public de retraités. Et donc cette dame vient, et un soir elle est partie parce que le spectacle ne lui a pas plus – c’était une soirée un peu plus « rentre-dedans », avec des propos qu’elle trouvait grossiers… – mais en partant, elle m’a dit : Je me réjouis du prochain, parce que c’est magie ! Donc ce que je veux transmettre par-là, c’est de dire au public « soyez curieux ! ». On a un cadre qui permet cette liberté, les spectacles sont gratuits (avec toutefois un chapeau à la sortie). L’installation public est simple : il n’y a pas d’éléments techniques pour les spectateurs, pas de bancs par exemple, chacun peut venir avec son siège, ou s’assoit sur des moquettes que nous installons, ou reste debout. Mais attention, il n’y a pas que de la légèreté, on a par exemple aussi de l’humour grinçant, avec des bouffons qui dénoncent !

La Pépinière : On voit que c’est un véritable festival, avec toute la diversité que cela implique. Comment organisez-vous la programmation ? Comment choisir les spectacles retenus ?

Joane Reymond : On est déjà contraints par le lieu : il n’y a pas d’électricité – on fonctionne donc avec des batteries – on monte et on démonte le jour-même, il n’y a pas de lumière non plus. Donc on doit évidemment penser à tout cela. Il faut des spectacles légers techniquement. Et j’ai aussi la volonté de privilégier les compagnies suisses et de la région. Ca s’est aussi imposé dans le contexte post-Covid, avec les quarantaines, etc… Autre point important : la parité ! Il y a trop peu de femmes artistes représentées dans les arts de rue, et j’ai envie que cela change ! Et pour le choix des spectacles, j’aime bien les voir avant de les programmer. Comme je suis souvent en tournée et dans des festivals, ça me permet de voir ce qui se fait. Parfois, je m’appuie aussi sur des conseils qu’on me donne et je demande à voir une captation du spectacle, sans montage, pour avoir une vraie idée de ce que ça implique.

La Pépinière : Cette quatrième édition présente une nouveauté, avec des spectacles « en vadrouille ». Que pouvez-vous nous en dire ?

Joane Reymond : C’est une petite incertitude, parce qu’on va quitter notre bel écrin de verdure. On espère que le public de la Vieille-ville nous suivra ! Cette année, on programme des choses roulantes, avec des spectacles qui utilisent par exemple un vélo, ou une roue Cyr. On avait donc besoin d’un sol plat, pour accueillir ces compagnies. C’était donc incompatible avec la Terrasse, où il n’y a que de l’herbe ou du gravier. Lancy s’est tout de suite proposé, et on ira donc une soirée là-bas. Et puis, il y a Carouge, qui est un peu dans le même esprit que la Vieille-ville, avec ses bistrots, ses terrasses… Donc les gens pourront aller boire un verre, manger ou prendre une glace, avant ou après le spectacle.

La Pépinière : Et pour la suite, comment voyez-vous les choses ?

Joane Reymond : Il faut déjà dire que ça reste un festival assez artisanal. Le Canton soutient à hauteur de 60 à 70% environ grâce au Fonds de transformation, qui ne sera plus d’actualité l’année prochaine. Comme on aimerait que cela continue, il faudra aller chercher les sous ailleurs. On va chercher aussi à aller peut-être un peu plus dans les communes. On ne sait pas encore si on va rester à Agrippa d’Aubigné, avec toutes les contraintes que cela implique, notamment en termes d’accès et de parking pour nous : on aurait besoin de deux places pour les véhicules, mais ça coûte très cher et on ne peut pas rester… Jusqu’ici, c’est la Cie Mine de Rien qui gère le festival, mais on vient de monter une nouvelle association, « Alarue », qui va reprendre la suite. Tout dépendra aussi des soutiens que nous obtiendrons… J’aimerais envisager quelque chose d’assez modulable, avec des soirées tous publics et d’autres « plus adultes », avec des spectacles plus rentre-dedans. Donc, actuellement, il y a pas mal de questions en suspens, et on réfléchit à la suite, notamment sur le nombre de soirées. Les réponses à nos questions vont dépendre aussi de l’engouement du public cet été. On en saura plus à la fin de cette 4e édition . Mais on aime cette idée que les gens, y compris les jeunes qu’on engage via la Boîte à boulots, puissent profiter encore de leur soirée après le spectacle, parce qu’on finit en général vers 20h30. En tout cas, ce que j’apprécie beaucoup, c’est tout le lien social qui se crée, on va au-delà de l’aspect purement artistique. C’est là que la magie opère !

La Pépinière : Joane Reymond, merci infiniment pour votre temps ! On se réjouit de découvrir cette nouvelle édition du festival, dès le 4 juillet !

Propos recueillis par Fabien Imhof

Les détails de la programmation sont à retrouver sur le site de la Cie Mine de Rien.

Photo : © Audrey Leclerc

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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