Une profiler inattendue
Un crime de masse terrible marque les États-Unis. Eleanor, une policière au lourd passé, rejoint l’équipe du FBI en charge de l’enquête. Et ses vieux démons pourraient bien s’avérer utile. Ce matin, nous vous parlons de Misanthrope, réalisé en 2023 par Damián Szifron.
Soirée du nouvel-an, tout le monde fait la fête, en attendant les feux d’artifice. Jusqu’à ce qu’un sniper cible un certain nombre de personnes et les abattent d’une balle dans la tête, créant des mouvements de foule aux quatre coins de la ville. Les victimes n’ont rien à voir les unes avec les autres, aucun point commun ne les relie. Ont-elles été choisies au hasard ? Voilà qui rend le profil du tueur difficile à établir. Lammarck (Ben Mendelsohn), le fantasque enquêteur du FBI monte alors une équipe pour tenter de retrouver l’assaillant. Il est alors rejoint par Jack McKenzie (Jovan Adepo), en qui il a une confiance absolue, et Eleanor Falco (Shailene Woodley), une agente de police qu’on qualifierait d’anonyme. Cette dernière doit jouer le rôle d’agent de liaison entre le FBI et les services de police, et a été choisie pour son impartialité et son esprit droit. Sans compter que son passé pourrait aider l’enquête à avancer. S’ensuit donc une intense chasse à l’homme, sur fond de luttes intestines au sein du FBI et de fausses pistes. Il faut alors cerner le profil du tueur pour l’identifier, d’où le rôle de plus en plus important d’Eleanor…
Un polar haletant
Misanthrope n’est pas le film qui a fait le plus de bruit. Pourtant, tous les ingrédients sont réunis pour en faire un excellent polar. D’abord, il y a l’antagoniste. Le criminel recherché est mystérieux. On ne sait pas grand-chose de lui, si ce n’est qu’il est un expert en armes, parfaitement entraîné et préparé. Ses motivations demeurent sombres. Petit à petit, au fil de l’enquête, nous en découvrons de plus en plus. On soulignera ici l’absence, appréciée, de facilités scénaristiques du point de vue de l’enquête, qui mène le FBI dans des impasses et sur des fausses pistes. D’ailleurs, les entraves seront nombreuses, entre les questions de budget au sein du FBI, où chaque division régionale tente d’obtenir des résultats pour ne pas subir de restrictions. La concurrence, pas toujours très saine, amène des erreurs, à vouloir aller trop vite. Les interventions des journalistes n’aident pas, menant d’ailleurs à la revendication des différents meurtres par un groupuscule de suprémacistes blancs. Sans compter les imprévus qui poussent le tueur à agir différemment de ce qu’il avait prévu…
Tous ces ingrédients créent un grand suspense, principal ingrédient d’un bon polar, dans Misanthrope. Le scénario est bien construit, le rythme est bon, tenant le public en haleine en en dévoilant pas trop. On avance ainsi dans l’enquête au même rythme que Lammarck et ses acolytes, tout en étant encore surpris·es jusqu’à la fin du film.
Des personnages forts
Le premier personnage qui marque dans Misanthrope est Lammarck. L’enquêteur principal est fantasque, avec un air hautain. Rien de bien surprenant, me direz-vous : il entre dans les codes stéréotypés de l’enquêter à l’ego surdimensionné. Sa grande confiance en lui contraste toutefois avec l’évolution de sa personnalité, qui s’avérera bien plus profonde qu’on ne le pensait. Plus on en apprend sur sa vie, plus on comprend ses motivations et pourquoi il se cache derrière cette façade. Le tueur, de son côté, nous l’avons déjà dit, est particulièrement mystérieux. Sa dimension psychologique est particulièrement bien développée.
À cet égard, le personnage d’Eleanor s’avère finalement central, alors qu’elle semble être presque insipide de prime abord. Discrète, droite dans ses bottes, elle révèlera finalement son lourd passé et les difficultés psychologiques dont elle souffre. Vous l’aurez compris, c’est cela qui la rapproche du tueur, à la différence près qu’elle a choisi de s’en servir comme d’une force plutôt que de se venger du monde qui l’entoure. Évidemment, si l’histoire était aussi démagogique, ce serait trop simple, et peu intéressant. En témoigne cette phrase terrible du tueur, adressée à Eleanor : « Il en a fallu du temps. Il a fallu que je tue 200 personnes pour que quelqu’un compatisse. » Voilà qui en dit long sur les problèmes éprouvés par cet homme et qui l’ont conduit à devenir cet effrayant assassin…
Fabien Imhof
Référence :
Misanthrope, réalisé par Damián Szifron, États-Unis, 2023.
Avec Shailene Woodley, Ben Mendelsohn, Ralph Ineson, Jovan Adepo…
Photos : © Pathé Films