Une robe comme au XVIIIème siècle
Au Grütli, durant toute la saison, Valentine Savary tentera de recréer la robe de Madame d’Epinay telle qu’elle apparaît sur un pastel de Liotard, avec les techniques de l’époque. Ce travail aboutira au spectacle Madame De, mis en scène par Fabrice Huggler en juin 2020.
Valentine Savary, costumière, est l’initiatrice du projet Madame De. Son idée ? Mettre le costume au centre de quelque chose. Au moment de sa réflexion, elle ne sait pas encore de quoi. Son but ? Reconstituer un vêtement féminin tel qu’il existait au XVIIIème siècle, avec les techniques et les tissus de l’époque. Au fil des rencontres, le projet s’est développé. Fabrice Huggler, qui signera la mise en scène, en devient ainsi le second porteur, qui prendra la forme d’un spectacle, en cours de création.
Le choix de Madame d’Epinay
Madame d’Epinay, femme de Lettres parisienne a séjourné pendant deux ans à Genève, entre 1755 et 1757. Soignée par le docteur Tronchin, précurseur de ce qu’on appelle aujourd’hui la médecine douce, elle semblait souffrir d’un cancer de la poitrine, ou quelque chose s’y apparentant. Lors de son séjour, elle rencontre le cercle des amis de son médecin, parmi lesquels Jean-Etienne Liotard, célèbre peintre de la Cité de Calvin. Le portrait qu’il fait de Madame d’Epinay sera offert par cette dernière au docteur Tronchin, en guise de remerciement. Aujourd’hui, comme toute la collection dont il fait partie, il est exposé au Musée d’art et d’histoire, suite à un legs.
Madame d’Epinay est également connue pour avoir entretenu une relation avec Rousseau. L’histoire ne s’étant pas très bien terminée, elle est souvent présentée comme un personnage en disgrâce au pays du philosophe. Une « bataille » fait rage entre rousseauistes et fervents défenseurs de son ancienne amante. L’idée est donc, à travers ce spectacle, de la réhabiliter, en quelque sorte.
Pour ce faire, Fabrice Huggler mise sur un spectacle contemporain. Au début de la pièce, Madame d’Epinay sera comme morte, nue sur la scène. Petit à petit, trois personnes l’habilleront et lui permettront de revivre. Cette expérience, loin d’être anodine, lui permettra d’être traversée par les pensées et écrits sur les femmes et produits par des femmes, entre son époque et aujourd’hui. Une série de textes a ainsi été compilée de manière à former un corpus autour des femmes et de leur rapport au vêtement, à l’habillement ou encore à l’intimité. Ils seront portés par la comédienne Rachel Gordy, entre enregistrements et performance en direct.
L’apport du Grütli
Lorsque Valentine Savary expose son projet aux co-directrices du Grütli, celles-ci lui proposent d’aller encore plus loin. La terrasse du deuxième étage, qui se composait d’un bar il n’y a pas si longtemps, est désormais un espace inoccupé. Pourquoi ne pas y installer un atelier de couture ? Le public aura ainsi l’occasion de voir l’avancée du travail de la costumière, au fil de la saison. Après un premier événement le 23 septembre dernier, elle s’est mise à la tâche depuis lundi.
Tout au long de la saison, des événements seront organisés pour animer l’évolution de cette robe. À chaque fois, ils débuteront par une partie théorique, que ce soit une conférence, un débat, ou une table ronde. Ces incursions théorique seront organisées par Erszi Kukorelly, spécialiste de littérature anglaise du XVIIIème siècle et professeure d’études genre à l’Université de Genève. Une seconde partie artistique prendra la suite de l’événement, qu’il s’agisse d’une performance, d’une exposition ou encore d’une démonstration de pâtisserie, à voir le 21 décembre prochain, avec Florian Allogio.
La robe
Pour le spectacle qui débutera le 3 juin 2020, l’accessoire central est évidemment la robe de Madame d’Epinay. Sa création s’avère être un processus extrêmement long. Pour avancer plus vite, Valentine Savary a donc fait appel au CFPAA (Centre de Formation Professionnel des Arts Appliqués). Dans un premier temps, quelques étudiants viendront observer son travail dans le cadre d’un stage, puis les plus intéressés pourront effectuer un stage pratique, durant lequel ils aideront la costumière à confectionner la robe. En plus de cela, les étudiants de 2ème et 3ème année travailleront sur le XVIIIème siècle revisité, et une exposition sera organisée dans les locaux du Grütli.
Enfin, il faut encore préciser que tout ce projet s’est monté en collaboration avec la ville d’Yverdon, par l’intermédiaire du Théâtre Benno-Besson et du Musée suisse de la mode. En mars 2020, l’atelier s’installera dans les locaux du théâtre pendant une semaine, proposant également un événement en lien avec la création du spectacle et un défilé de mode façon XVIIIème siècle. Dans le but de tisser toujours plus de liens avec d’autres institutions culturelles, le Musée de la mode collaborera lui avec le MAH, dans le cadre d’expositions, en lien avec l’association « Les XVIIIèmes d’Yverdon et Région ».
Madame De, c’est donc un projet ambitieux, porté par Valentine Savary et Fabrice Huggler, et soutenu par plusieurs institutions. N’attendez plus et allez le découvrir dans l’atelier, sur la terrasse du 2ème étage du Grütli – Centre de production et diffusion des Arts vivants, n’importe quand, ou à l’occasion du prochain événement, Le corps scruté, le corps sucré, le samedi 21 décembre à 16h.
Fabien Imhof
Plus d’infos : http://madamede.simplesite.com/
Photos : © Fabrice Huggler (atelier) et © Bettina Jacot-Descombes (tableau)
Ping : Madame De : Émancipation à travers l’histoire du vêtement – l a p e p i n i e r e
Ping : Grütopie : la saison « dilatée » du Grütli – l a p e p i n i e r e