« Adieu les cons » : Bonnie and Clyde à l’humour trash
Avec Adieu les cons, l’acteur-réalisateur Albert Dupontel passe la société au vitriol, sur fond de road movie, à travers l’histoire improbable d’une mère à la recherche de son enfant flanquée d’un informaticien suicidaire raté.
Suze Trappet (Virginie Efira), coiffeuse aux bronches rongées par les laques professionnelles, souffre d’un cancer. Jean-Baptiste Cuchas (Albert Dupontel), quant à lui, est un informaticien en burn-out. Dans le bureau d’à côté pour tenter de retrouver l’enfant que ses parents l’ont forcée à accoucher sous X lorsqu’elle avait quinze ans, Suze rencontre JB. De cette rencontre improbable et de la fuite qui en découle vont s’enchaîner toutes sortes de péripéties, dans un pseudo road movie à travers les rues de Meaux (Seine-et-Marne), avec Monsieur Blin l’archiviste aveugle (!), Dr. Lint (Jacky Berroyer qui offre un numéro de funambule poétique) en médecin malade d’Alzheimer, entre autres apparitions (Michel Vuillermoz, Bouli Lanners…) sur les accords de Mala Vida, le tube pop punk de Mano Negra à la fin des années 80. La poésie affleure, d’entrée, quand Suze se revoit et converse avec l’adolescente qu’elle a été, et qui la juge, sans un mot.
« Vous êtes drôlement malade et c’est pour ça que vous voulez retrouver votre gamin ? »
Le film prend bien vite une tournure absurde, même si le réalisateur nuance son propos en mêlant constamment à l’humour noir une grande tristesse. Il faut dire que le sujet s’y prête. Entre idées géniales (mettre un aveugle pour faire le guet), le duo – devenu trio – poursuit l’adresse de prise en charge du bébé, puis le médecin-accoucheur de l’époque, sur fond de traque et de violences policières.
Du rire aux larmes
Tout le mérite de Adieu les cons est de nous faire passer constamment du rire aux larmes et de l’étonnement à la stupéfaction. Mais, par-delà ce McGuffin (l’enjeu de retrouver l’enfant n’importe pas tant que cela), c’est une quête d’amour de deux écorchés de la vie, alors qu’elle crache du sang en permanence et que lui n’est pas très à l’aise dans les relations sociales. C’est beau, poétique, drôle et émouvant. C’est improbable aussi mais on y croit ou, en tout cas, on a envie d’y croire, comme pour confirmer la pensée de François Truffaut disant que les films sont plus harmonieux que la vie. Pour que Suze retrouve son fils avant de mourir. Jusqu’aux rebondissements finals, quand elle dévoile un côté Amélie Poulain en voulant arranger l’existence des autres. Sauf que c’est une Amélie punk, comme si Dupontel était à la fois Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro !
Que de chemin parcouru depuis Bernie (1996) et Le créateur (1999), dont on retrouve le trash du premier (mais en autrement plus sensible) et l’insociabilité chronique du second. On trouve surtout une palette cinématographique impressionnante : l’absurde tout d’abord, que la dédicace à Terry Jones, membre des Monty Python décédé en janvier et la furtive participation – outre les clins d’œil à Brazil – d’un autre membre de la célèbre troupe de burlesque absurde, Terry Gilliam (en chasseur promouvant les armes dans une publicité), ne fait que confirmer : Albert Dupontel est bien l’héritier de humour so british de ses illustres prédécesseurs. Mais au fur et à mesure que Adieu les cons avance, le propos se fait plus nuancé et le film, qui fourmille de belles idées (comme lorsque Virginie Efira se fait passer pour la sécurité ascenseur) révèle une véritable force romanesque. Une sorte de Bonnie and Clyde revisité.
Bertrand Durovray
Référence :
Adieu les consde et avec Albert Dupontel, avec aussi Virginie Efira, Nicolas Marié… 1h27. Date de sortie: mercredi 21 octobre.
Photos : © Jérôme Prébois – ADCB Films (montage : Bertrand Durovray)