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Adoration de Fabrice du Welz : Voyage initiatique au plus proche de l’Homme

Annoncé comme étant la clôture de la trilogie ardennaise de Fabrice du Welz, Adoration prend le relais de Calvaire (2004) et Alleluia (2014) dans l’exploration des passions et folies humaines. Un jeune homme y découvre la vie aux côtés d’une fille atteinte du trouble autistique.

L’être humain dans tous ses états

Paul est un jeune garçon et vit seul avec sa mère à proximité d’un hôpital psychiatrique. Il entretient une relation particulière avec la nature dont il est très proche. Sa vie prend une toute autre tournure le jour où Gloria est emmenée dans l’établissement voisin. Elle et Paul font connaissance et se lient d’amitié malgré les avertissements de la mère du garçon qui semble craindre l’instabilité de la jeune fille. Persuadée que les médecins sont malintentionnés, Gloria convainc Paul de l’aider à s’échapper dans le but de rejoindre une personne de confiance. Les deux amis se lancent alors dans une cavale qui verra naître un amour sincère mais sans cesse mis à l’épreuve.

Fabrice du Welz nous propose un voyage au gré d’émotions exacerbées. Pour ce faire, l’utilisation de plans souvent très serrés fait mouche étant donné le fabuleux jeu d’acteur des deux interprètes. En effet, Thomas Gioria (Paul) et Fantine Harduin (Gloria) livrent une prestation remarquable marquée par des jeux de regard profonds et touchants. Leurs deux personnalités se confrontent et le contraste est si fort qu’il en devient parfois troublant. Gloria est une jeune femme fatale au regard vif et déterminé tandis que Paul représente avec brio l’innocence et la naïveté. La nature, qui est un thème central d’Adoration, est toutefois reléguée au second plan lors de la première moitié du film de par l’absence de plan large.

Les deux enfants poussent le téléspectateur à passer par une multitude de ressentiments et c’est en cela que l’objectif de Fabrice du Welz est atteint. L’angoisse de Gloria lors de ses crises autistiques est très bien représentée. Ces deux jeunes acteurs, aidés par une utilisation subtile des éclairages, nous guident à travers l’attachement, la tristesse ou bien encore l’appréhension.

On pourrait regretter le peu de temps d’apparitions de Benoît Poelvoorde dans ce long métrage. Étant donné que l’œuvre est essentiellement portée par des jeux de regards intenses, la qualité exceptionnelle de l’acteur dans ce domaine aurait été appréciable sur la durée. Malheureusement, son rôle est finalement restreint et trop éphémère pour laisser une véritable trace.

Un chemin semé d’interludes envoûtants

Le premier tiers du film (1h38 en tout) se démarque par l’absence quasi-totale de bande-son. Cette option prise par Fabrice du Welz permet d’augmenter l’immersion dans la profonde solitude que traverse Paul avant l’arrivée de Gloria. Mais lorsque leur voyage commence, la musique originale de Vincent Cahay vient ponctuer leurs aventures de la meilleure des façons. Des instrumentales de violon ou de piano qui permettent de ressentir encore plus intensément les émotions provoquées par les scènes qui les précèdent.

Ces courts interludes musicaux dictent le rythme un peu monotone de leur histoire. Ils arrivent à point nommé et offrent une pause réflexive au téléspectateur. Ces moments musicaux nous plongent au plus profond des cœurs des deux jeunes protagonistes et ils sont absolument indispensables.

Un malaise contagieux

Tout comme les deux enfants, le téléspectateur n’est pas ménagé avec cette histoire. En effet, les tremblements fréquents de la caméra portée lors de la première moitié du film ne sont pas très agréables malgré l’immersion qu’ils provoquent. La relation ambiguë qu’entretiennent les deux adolescents est également capable de transmettre un certain inconfort face à l’écran. Ce voyage n’est donc pas un long fleuve tranquille.

Il ne faut pas s’attendre à une conclusion abrupte et limpide de sa trilogie, vous en ressortiriez déçus. Fabrice du Welz poursuit son exposition des émotions fortes en sortant de sa zone de confort et si vous aimez en faire de même, rejoignez le voyage de Paul et Gloria sans hésiter.

Louis Mèche

Référence :

 Adoration de Fabrice du Welz (sortie en salle le 5 février 2020)

Photo (affiche du film) :

https://i1.wp.com/alarencontreduseptiemeart.com/wp-content/uploads/2020/01/Adoration.jpg?fit=945%2C496&ssl=1

Louis Mèche

Étudiant en sociologie obsédé par la compréhension du monde qui l’entoure. Amateur de sport et d’arts en tout genre, Louis Mèche est sans cesse à la recherche d’émotions contrastées.

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