Les réverbères : arts vivants

Aimer la vie contre la dépression

Dans un dispositif scénique tout en proximité, Didier Cousin donne vie au texte de Duncan Macmillan, Toutes les choses géniales. L’histoire d’une liste qui s’allonge au fil du temps, en quête du bonheur pour lutter contre la dépression. À voir à l’Orangerie jusqu’au 16 juillet.

Tout commence lorsque le jeune personnage a 7 ans et que sa maman ne va pas bien. Sans comprendre les enjeux de la dépression qu’elle subit, il décide d’écrire une liste de mille choses géniales, pour lui remonter le moral. Des choses simples de la vie : les glaces, les batailles d’eau, les rayures ou les chansons de Nina Simone. Pendant une heure, Didier Cousin nous embarque ainsi dans les souvenirs de l’auteur, entre anecdotes d’enfance, rencontre de celle qui deviendra sa femme, dialogues avec la psychologue de l’école… Il n’hésite pas à faire participer le public, d’une manière ou d’une autre, dans un dispositif intimiste qui intègre chacun et chacune à une histoire de prime abord très personnelle. Un joli reflet de ce que nous pouvons toutes et tous vivre, ressentir, et nous questionner.

Intégrer le public

Toutes les choses géniales se classe dans la catégorie « Théâtre de proximité ». Les chaises sont ainsi disposées sur deux rangées, en cercle autour du plateau sur lequel évolue le comédien. Comme une manière d’entrer dans le cercle de l’intimité du personnage, d’en faire partie, et de l’entourer, de manière bienveillante. On peut comparer ce spectacle à une forme de journal intime, commencé dès l’enfance, dans lequel on voit évoluer le personnage du petit garçon qu’il était à l’adulte qu’il est devenu, avec en fil rouge cette liste qui ne fait que grandir au fil du temps.

Le rapport au public ne s’arrête toutefois pas à cette dimension symbolique. Ainsi, certain·e·s spectateur·trice·s sont invités à énoncer régulièrement le début de la liste, d’autres à incarner certains personnages brièvement. Sans compter les réactions spontanées de celui-ci ou de celle-là… Avec le dispositif scénique, rien ne passe inaperçu, mais qu’importe, le comédien s’en nourrit pour faire avancer son spectacle. Mieux, il compte là-dessus pour que chaque représentation soit unique et que chacun·e puisse s’identifier à l’histoire et en tirer les leçons et autres questionnements qui l’intéressent.

Entrer dans l’intime

Toutes les choses géniales, c’est donc un spectacle pas comme les autres, de part sa mise en scène invitant à une forme de lien social et presque d’improvisation d’une certaine manière, mais aussi à travers le propos qu’il évoque. Car c’est bien de la dépression d’un être cher, celle qui peut pousser aux pires extrémités, dont il est question. Pour autant, le terme n’est, me semble-t-il, jamais cité. Tout est raconté à travers le regard de Duncan Macmillan et ses souvenirs. C’est donc d’abord la vision candide d’un enfant qui nous est présenté, avant que, petit à petit, son regard évolue et change, impliquant une prise de conscience.

Ce processus se reflète également sur le public : d’un moment joyeux où la majorité des personnes présentes rit de bon cœur, on perçoit l’émotion monter doucement. Les commentaires se font moins nombreux, les yeux de certain·e·s s’embrument. Mais surtout, l’attention paraît grandir : on ne regarde plus à droite à gauche, cessant de scruter les réactions de son voisin ou de la dame qui se trouve en face. Tout cela pour entrer pleinement dans le propos, en réfléchissant à ce qui fait écho en nous : la perte d’un proche, l’état moral d’une amie, les souvenirs, l’expérience… Toutes les choses géniales a le mérite de partir d’une histoire bien précise et très personnelle pour permettre à chacun·e d’extrapoler et de se questionner sur l’une ou l’autre situation vécue, ressentie, entendue. C’est sans doute ce qu’il faut retenir de ce spectacle : partir du souvenir personnel d’un homme pour aller vers ceux de toutes et tous.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Toutes les choses géniales, d’après le texte de Duncan Macmillan, du 12 au 16 juillet 2022 au Théâtre de l’Orangerie.

Mise en scène : Arnaud Anckaert

Avec Didier Cousin

https://www.theatreorangerie.ch/events/toutes_les_choses_geniales

Photo : © Théâtre de l’Orangerie

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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