Le banc : cinéma

Anatomie d’une chute : au cœur du procès

Palme d’Or lors du dernier Festival de Cannes, Anatomie d’une chute sort aujourd’hui sur les écrans suisses. Un film qui nous plonge au cœur d’une enquête et d’un procès autour d’une mort difficile à élucider…

Dans un chalet isolé des Alpes françaises, Sandra (Sandra Hüller), autrice à succès, vit avec Samuel (Samuel Theis), son mari, et Daniel (Milo Machado Graner), leur enfant atteint de cécité après un accident subi quelques années auparavant. Alors que ce dernier revient d’une promenade dans la neige avec son chien Snoop, il découvre le corps de son père, gisant dans la neige et visiblement victime d’une chute. C’est celle-ci qui sera décortiquée – d’où le titre du film – pour déterminer s’il s’agit d’un suicide ou d’un meurtre. Durant les 2h30 que dure Anatomie d’une chute, nous suivons l’enquête, le difficile procès de Sandra, accusée du meurtre, à grands renforts de souvenirs et autre réminiscences du passé qui ne font qu’augmenter le flou autour de cette chute…

Montrer les points de vue

Dans ce film, nous n’avons que peu de certitudes : femme, fils, avocats, les opinions se confrontent, s’affinent, évoluent au fil de nouveaux éléments. En ce sens, Anatomie d’une chute est particulièrement bien construit. Il montre ainsi les différentes pistes et réflexions sans aucune omniscience. On se focalise tour à tour sur les réflexions d’un protagoniste ou d’un autre. En tant que spectateur·ice, on ne sait jamais rien avec certitude, on avance au cœur de l’enquête comme celles et ceux qui assistent au procès, avec un côté voyeur et intimiste en plus, puisque nous assistons aux scènes qui se passent dans le chalet – soit dans la vie privée de Sandra, de Daniel et de leur avocat Vincent (Swann Arlaud). Même après le verdict, nous ne pouvons être sûr·e·s de rien. C’est ce qui fait la beauté de ce film.

On notera à cet égard le magnifique travail sur l’image, avec une grande subtilité dans la variété des plans : plans fixes sur l’intérieur du chalet, plans rapprochés sur les visages et expressions des personnages, moments filmés en caméra à l’épaule pour plus d’immersion ou comme une caméra de télévision lorsque les avocats sont interrogés devant le Palais de justice de Grenoble. Ces différents façons de montrer permettent non seulement d’illustrer les différents points de vue, mais apportent aussi une part de réalisme, comme si nous étions par moments derrière notre écran de télévision. Les spectateur·ice·s se retrouvent ainsi, malgré elleux, acteur·ice·s dans ce procès qui s’éternise et durant lequel on ne sait plus qui croire…

Une intrigue qui tient en haleine

Étonnamment, Anatomie d’une chute est un film assez peu rythmé. Il prend ainsi le temps qu’il faut pour mettre en place les réflexions de chacun·e, d’avancer dans l’enquête sans jamais brusquer ni les personnages, ni les spectateur·ice·s. Ceci contribue à créer une ambiance emplie de tension, dans laquelle on est sans cesse balloté d’un camp à l’autre : un instant on semble convaincu par le plaidoyer de l’avocat accusant Sandra… la seconde d’après, on croit en son innocence après la contre-attaque de Vincent. Petit à petit, on découvre les failles de chacun·e : celles de Sandra, mais aussi de Samuel, voire de Daniel. Si aucun des protagonistes n’est irréprochable, cela suffit-il pour autant à conduire au meurtre ?

Et même si le film se termine avec une décision prise par le jury – qu’on vous laissera le soin de découvrir – un doute subsiste toujours. L’histoire n’est ainsi pas fondamentalement originale, mais tout est parfaitement construit pour amener un récit réaliste, à la dimension psychologique immense, dont la grande réussite réside sans doute dans le fait de s’immiscer dans notre cerveau et nous faire réfléchir à tous les détails constamment, et même quelques jours après avoir vu Anatomie d’une chute

Fabien Imhof

Référence :
Anatomie d’une chute, co-écrit et réalisé par Justine Triet, France, sortie en salles le 23 août 2023.

Avec Sandra Hüller, Samuel Theis, Milo Machado Graner, Swann Arlaud, Antoine Reinartz, Arthur Harari…

Photos : © Le Pacte

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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