Les réverbères : arts vivants

Au Grü, on vous dit : GO GO GO !

Du 9 au 11 janvier, le Grütli a commencé son année en fanfare, lors des trois jours gratuits de GO GO GO ! Retour sur deux moments de ce « marathon d’arts vivants » qui s’affranchit des étiquettes.

Peut-on (se faire) chier au théâtre ?

De toutes les choses qu’on pouvait voir à GO GO GO !, le projet d’Isabelle Vesseron s’inscrivait parmi les plus improbables. Dans Faut pas cacher la merde au chat, la jeune femme, seule en scène, posait un diagnostic sans fard sur son existence dysfonctionnelle : « Je n’arrive plus à faire caca. » Bon. Que dire après ça ? La performance s’offrait à la fois comme une quête intime, dérangeante mais nécessaire (une sorte de chier ou ne pas chier ?), et un dialogue avec le public, pris comme une entité à part entière qu’Isabelle tutoie, apostrophe, interroge, fait rire et malmène tout en l’engueulant. En mélangeant dadaïsme (avec des boucles rythmiques de texte qui tournent en boucle sur les syllabes déstructurées de CA-CA), nonsense à l’anglaise (caractérisée par son recours à l’absurde et à l’excentricité) et la performance pure (l’histoire, sans queue ni tête, s’articule autour de la constatation initiale sans apporter de réel développement ou solution), Faut pas cacher la merde au chat est, en apparence, un condensé douteux qui alterne anecdotes personnelles, moments improvisés et expérimentations douteuses.

Et pourtant. Isabelle Vesseron pose des questions qui, à mon avis, se trouvent au centre de la relation que tisse le théâtre entre acteur et spectateur. Quelle finalité se trouve au cœur de cette relation ? Raconter, secouer, déranger, faire rire, transmettre, révéler, interroger ? Où s’arrête la limite entre la scène, la fiction, le personnage joué et la salle, la réalité, l’acteur ? Isabelle, en poussant son public dans ses retranchements, en le mettant mal à l’aise, en l’invectivant, en le séduisant, en lui donnant des ordres, pose également la question de l’obéissance – un peu à la manière d’une expérience de Milgram : qu’est-on prêt à accepter de la part d’une actrice qui, depuis l’espace privilégié des planches, représente une certaine autorité ? La laissera-t-on aller au bout de ses divagations scatologiques, sous prétexte d’art ? Hurler sur une spectatrice prise à partie sans aménité et qui, visiblement, n’est pas complice de la mise en scène et s’avère très mal à l’aise ? Se lèvera-t-on pour questionner la pertinence de la performance, le format inhabituel nous autorisant – peut-être – à prendre une part plus active au spectacle ? Pas vraiment.

Si Faut pas cacher la merde au chat a suscité la sortie prématurée de plusieurs spectateurs, ce qui peut s’interpréter comme une forme de refus de la proposition et de l’autorité du pacte fictionnel qu’elle présuppose (le spectateur accepte que ce qui se déroule sur scène soit une fiction et y souscrit), force est de constater que la majorité du public est restée sagement en place – jusqu’à la clôture d’une non-histoire qui se délite lentement. Pour quoi ? À quelle fin ? Peut-être pour se questionner un peu plus. Sur son rapport aux autres, à soi et sur la lente métabolisation qui, au final, touche intimement les êtres vivants.

Magali Bossi

Es-tu à toi ou à moi ?

 L’installation est discrète. Et pourtant, elle marque. Elle est comme la bouchée aux crevettes avant le grand plat, une forme d’apéro pour les pensées avant la pièce Be Arielle F. jouée au Grütli – Centre pour la production et la diffusion des arts vivants du 13 au 15 et du 17 au 19 janvier.

 Une fois le casque de réalité virtuelle bien confortablement installé sur les ailes du nez, nous pouvions guetter, espionner ou simplement contempler. D’abord le corps d’une jeune femme, couplée de la tête de Simon Senn. S. Senn, rappelons-le rapidement, est celui qui a acheté la numérisation d’un corps parmi d’autres pour une poignée de dollars. Ceci, on vous l’expliquait : les informations défilaient au rythme des explications du jeune esthète, de façon simultanée, et pour cela, il vous suffisait de procéder à un mouvement bien bateau de la tête de gauche à droite, un peu comme au tennis – hé oui, il est désormais si facile d’obtenir plusieurs réalités !

Les adeptes ne seront que peu étonnés mais pour les autres, le procédé de V.R. (Virtual Reality) est sidérant. L’on devine, parfois en oubliant même la discussion entre Simon et sa proie virtuelle, le visage de cette dernière. Et il est comme tendu, peu rassuré de n’avoir pu anticiper les dérapages de sa vente sur internet. Simon Senn se projette dans le corps d’Elle, remplace certains membres et c’est à se demander si le corps est encore la possession d’une seule personne ou s’il peut se prêter si facilement. À débattre, après la pièce dès la mi-janvier. Ce n’était qu’une bande-annonce.

Laure-Elie Hoegen   

Infos pratiques :

GO GO GO !, du 9 au 11 janvier, au Théâtre du Grütli.

Photos : ©Cie Maria Menestrel (banner), ©Cie Simon Senn (inner)

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