Les réverbères : arts vivants

Bienvenue dans les Hautes Zerbes

À la Maison Saint-Gervais, Georgia Rushton et Jérémie Nicolet nous invitent à retourner dans l’énergie de l’enfance, avec cette insouciance et cette innocence qui la caractérisent. Un spectacle tout en douceur, en sensations, en chansons et en humour, à voir jusqu’au 13 octobre.

En entrant dans la salle du sous-sol de Saint-Gervais, on entend une voix qui résonne. C’est celle de Jérémie Nicolet, un radiocassette avec micro pour enfants à la main. Il accueille le public, nous salue, aide chacun·e à se placer, se balade dans les rangs, rigole. L’atmosphère est amicale, presque familiale, et on se sent immédiatement à l’aise. Hautes Zerbes est un spectacle difficile à résumer, car aucune histoire construite, ni aucun véritable fil rouge ne le dirige. En préambule, on nous dit qu’il y aura des chansons, des personnages… Au fur et à mesure, on se rend compte qu’il y a aussi beaucoup d’humour, aux côtés de cette musique omniprésente, et des sensations avant tout. Les différentes scènes qui sont jouées semblent provenir d’un mot, d’un souvenir, d’une émotion ressentie sur le moment, avec cette impression que rien n’est véritablement calculé. On peut évoquer la chanson du robot, les conseils de « la boss » (ou est-ce  « la bosse » ? On ne sait trop, mais les deux lui vont bien), un casting pour un film de pirates, un hommage à une grand-mère et ses cèdres adorés, la métaphore du clown avec les doigts en ballons… Hautes Zerbes ressemble ainsi à une forme de retour en enfance, une invitation à la déconnexion de la réalité, une forme de lâcher-prise pour retrouver ses sensations.

« Ça, c’est très Hautes Zerbes »

Mais Hautes Zerbes, c’est quoi alors, si ce n’est pas vraiment une pièce de théâtre ? Ce sont avant tout des sensations et un état d’esprit. La création du spectacle vient d’un long processus de recherche, soutenu par le projet ParMobile – Cie l’Alakran, comme nous l’évoquions dans notre précédent article. Sur scène, cet état d’esprit se transcrit d’abord par la complicité évidente entre Georgia et Jérémie. On perçoit cette bienveillance constante, cette écoute entre les deux, mais aussi cet humour, cette façon de se comprendre sans forcément que les mots n’interviennent. L’un·e suit l’autre dans son idée, dans son délire, sans se poser de questions, et surtout sans juger. On sent qu’iels s’amusent, prennent un plaisir permanent, et cela se transmet au public. Ainsi, l’énergie circule constamment, de la scène aux gradins et vice-versa. On se nourrit mutuellement.

Avec cette dimension de partage et d’échange, Jérémie et Georgia nous invitent à entrer dans leur univers. Dans les Hautes Zerbes, il n’y a plus de prise de tête. On se sent alors un peu comme des enfants qui gambadent, découvrent la nature, inventent des jeux, avec un imaginaire presque infini. Sur la scène, quand iels ont envie de faire quelque chose, iels y vont, sans se retenir. Attention, tout est tout de même réfléchi, on ne fait pas n’importe quoi non plus ! Derrière chaque moment, chaque scène, il y a du fond, quelque chose est raconté, même si parfois l’apparence est légère et simplement divertissante. Nul besoin de chercher un propos philosophique profond. Le maître-mot est « sensation », car c’est avant tout avec les tripes qu’on reçoit ce spectacle, avant que cela ne nous monte au cerveau.

Un spectacle de valeur(s)

Le décor nous rappelle celui des Teletubbies, ou nous fait penser à l’esthétique du clip de Tout le bonheur du monde de Sinsemilia. On retrouve des éléments faits en mousse, en carton-pâte, avec cette impression que rien n’est vraiment réel – ou au contraire surréaliste – mais aussi un peu incomplet, avec beaucoup d’espace laissé entre les différents éléments. On se dit alors que c’est comme un petit cocon confortable, dans lequel on se sent bien. Car c’est peut-être cela, aussi, que nous racontent Georgia et Jérémie : une invitation à simplement vivre le moment présent, en profiter, se relâcher, se laisser aller, sans penser à tout ce qu’il y a autour. Hautes Zerbes, c’est aussi la possibilité de s’exprimer librement, de dire ce qu’on a à dire. En témoigne cette scène où les deux comédien·ne·s enchaînent les coups de gueule, puis les coups de bol, avant de partir sur un nombre incalculable de jeux de mots hilarants.

Hautes Zerbes, c’est donc aussi un format d’expression libre, où les chansons créées pour l’occasion permettent les transitions, les liens, mais aussi des coupures. On y rit beaucoup, grâce aux personnages hauts en couleurs : on pense à la boss(e) (on ne sait toujours pas, car ce personnage sort d’une bosse, mais pourrait bien être la cheffe, elle qui a une solution à tout et adore aider les gens), mais aussi à Jacqueline,  cette actrice australienne venue passer un casting pour jouer le chef des pirates, sans aucun filtre semble-t-il. À la sortie du spectacle, on est plein de sensations, comme si on nous avait transmis, malgré nous, des valeurs, simples, mais tellement indispensables à notre quotidien. Comme une dose de bonheur et de légèreté qu’on nous aurait administré, le temps d’une soirée.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Hautes Zerbes, de Georgia Rushton et Jérémie Nicolet, soutenus par le Projet ParMobile – Cie l’Alakran, du 3 au 13 octobre 2024 à la Maison Saint-Gervais

Mise en scène : Georgia Rushton et Jérémie Nicolet

Avec Georgia Rushton et Jérémie Nicolet

https://saintgervais.ch/spectacle/hautes-zerbes/

Photos : ©Dorothée Thébert

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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