Les réverbères : arts vivants

Boîte à souvenirs au TMG

La première fois que j’ai vu La première fois…, c’était un dimanche matin, et l’émerveillement était au rendez-vous. Un joli spectacle, qui s’adresse aux enfants dès 5 ans comme aux adultes que nous sommes devenu-es, à voir jusqu’au 19 octobre. 

« La première fois que j’ai ouvert les yeux, je les ai immédiatement refermés ». Avant les premiers mots du spectacle, on aperçoit, sur l’arche blanche qui trône au milieu de la scène, une étrange projection. Ce qui semble être un verre est entouré d’eau, bientôt coloré en bleu par les mains d’une femme. On imagine que ce sont celles de Camille Figuereo, la comédienne qui porte La première fois… Œil ou passage, on ne sait encore trop de quoi il s’agit : premier regard sur le monde, furtif, bien vite abandonné, comme l’entrée dans ce monde qui nous est narrée. Quoiqu’il en soit, on assistera à une suite de premières fois, de l’enfance à l’âge adulte, en passant par l’adolescence. S’inspirant de l’album de Vincent Cuvellier, La première fois que je suis née, le spectacle repris au Théâtre des Marionnettes, après sa création en 2024, raconte le cycle de la vie, avec toutes nos premières fois : premiers pas, premier bisou, première dispute, premiers émois… On y découvre les émerveillements, les joies, les déceptions. Car ce parcours, c’est aussi l’apprentissage de nos émotions. Et forcément, on se retrouve toutes et tous dans ce qui nous est raconté. 

La première fois que j’ai vu un spectacle comme celui-ci 

Dans La première fois…, on y retrouve du théâtre d’objets et du théâtre de papier, avec une grande dimension corporelle, le tout sublimé par la musique jouée en live. Tout ou presque se joue d’abord sur la 2D : les personnages dont il est question sont montrés sous forme de portraits en noir et blanc, avec l’ingénieuse idée de pouvoir modifier leurs expressions faciales. On retrouve la narratrice bébé, petite fille, adolescente, adulte ; ainsi que tout son entourage : papa, maman, les copains et copines… La dimension corporelle tient à l’utilisation du buste, des jambes, mais aussi des mains de la comédienne, pour figurer les corps des différents personnages. Mention spéciale à la main qui illustre les premiers pas, maladroits, de la petite fille.  

 

Le théâtre d’objets se dévoile ensuite lorsque Camille Figuereo sort de différentes boîtes la voiture rouge de l’enfance, une paire de ciseaux, sa première guitare, un vélo, une brique… et beaucoup de bisous ! Car, dans La première fois…, il est question d’énormément d’amour. Certains objets et autres photos restent longtemps accroché-es sur l’arche blanche, comme pour dire que les souvenirs demeurent, dans un coin de notre tête, même si on n’y pense pas constamment. Les premières fois marquantes qui jalonnent et influent notre vie ne sont jamais bien loin. On notera aussi de belles trouvailles visuelles, notamment lorsqu’il faut exprimer l’adolescence et les inconvenances qui viennent avec, sans le dire, mais en l’illustrant magnifiquement. Sans oublier les projections, en ombre, sur l’arche blanche, comme quand un empilement d’objets devient un magnifique héron. Un oiseau marquant pour la narratrice, et qui l’accompagnera longtemps. 

La première fois que le musicien a tant d’importance 

Sur scène, Camille Figuereo n’est pas seule. Si elle narre et joue à la première personne, montrant l’évolution temporelle du personnage, elle est aussi fidèlement accompagnée par Julien Israelian. Le musicien nous emmène dans un univers sonore avec des évocations très enfantines, dans l’utilisation de sifflets et autres trouvailles qu’on vous laissera découvrir. Faisant partie intégrante du spectacle, cette composition musicale apporte un véritable complément aux mots et aux aspects visuels. Et ce n’est pas tout, car Julien interprète aussi, quand il le faut, papa, la meilleure copine ou d’autres personnage, et notamment une sublime imitation de la chouette. 

Surtout, on retient l’économie de mots de La première fois, qui illustre que ceux-ci ne sont pas toujours nécessaires pour que l’on comprenne tout. Le texte ressemble presque à une liste, de celles de ceux que certains courants littéraires prônaient comme exercice de style. Cette écriture nous ramène à quelque chose d’enfantin, avec la répétition de la même structure constamment. Camille Figuereo et Julien Israelian donnent vie à ces mots, ainsi que le bon ton, pour rendre le tout plus vivant et plus réel. La musique et la voix s’associent pour appuyer la dimension évocatrice de cette œuvre. L’économie de mots fait que chacun-e peut convoquer son propre imaginaire, ses propres souvenirs. On apprécie alors la dimension universelle, dans les souvenirs que tout le monde partage, et personnelle, chacun-e se les appropriant à sa manière. Les enfants découvrent ce qu’ils n’ont pas encore vécu, alors que nous replongeons dans nos plus anciennes expériences, comme pour nous laisser porter par cette jolie histoire. Une histoire qui pourrait d’ailleurs s’allonger à l’envi. 

Fabien Imhof 

Infos pratiques : 

La première fois…, d’après l’album de Vincent Cuvellier, adapté par Isabelle Matter, du 4 au 19 octobre 2025 au Théâtre des Marionnettes de Genève. 

Mise en scène : Isabelle Matter, assistée de Hélène Hudovernik 

Avec Camille Figuereo et Julien Israelian 

https://www.marionnettes.ch/spectacle/la-premiere-fois-0 

Photos : ©Carole Parodi 

Fabien Imhof

Co-fondateur de la Pépinière, il s’occupe principalement du pôle Réverbères. Spectateur et lecteur passionné, il vous fera voyager à travers les spectacles et mises en scène des théâtres de la région, et vous fera découvrir différentes œuvres cinématographiques et autres pépites littéraires.

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