Les réverbères : arts vivants

Comme une odeur…

Baudelaire, à l’occasion du bicentenaire de sa naissance – un instant fort et poétique, un spectacle qui était à voir du 28 au 31 octobre au Théâtre des Grottes.

À l’origine des spectacles d’Alexandre Païta, il y a une image, des visages. Souvent le sien expressif et fort. Il y a aussi ceux des autres qui partagent la scène avec lui comme son prochain spectacle prévu pour mars 2022 : Elektra. Les toujours très esthétiques affiches de ses spectacles le montrent : il y a comme une odeur de puissance qui se dégage, on sent chez ce metteur en scène et comédien l’intensité dramatique. Dans le grand corps des styles de théâtre, Alexandre Païta défend le sien : le texte est tout.

Sur la scène s’impose la laque noire d’un piano à queue. L’effet intime est à l’image de la musique de chambre. Une image qui semble en conflit avec le dandy à la vie dissolue qu’était Baudelaire, ce qui confirme que les révolutions (politiques, esthétiques ou littéraires) débutent dans la rue et se terminent dans les salons.

Enivrez-vous ! déclame Thibaud de Montenach en baladin des faubourg Le poète nous invite à quitter le fardeau du temps par l’ivresse salvatrice du vin, de la poésie ou de la vertu. Le public suit l’injonction pour un plus que fort moment de poésie. À l’image de l’ivresse à bouteilles multiples, Alexandre Païta a construit son spectacle en ajoutant aux textes, de la musique et de la chorégraphie : l’ensemble est dense et séduisant.

Appuyé sur sa canne au pommeau d’argent, l’homme arrive à l’image de Léo Ferré avec cette sorte de noirceur lumineuse. Sa voix modelée par son accent argentin est accompagnée par Melissa Cascarino, danseuse et chorégraphe qui enveloppe les textes par son corps, comme un lierre qui circonvient un tronc. Elégante, puissante et simple comme l’Oiseau dans l’espace de Brancusi, elle glisse s’élance sous une Gnossienne de Satie ou un prélude de Chopin.

Sûre de ses effets et de son style, la voix d’Alexandre Païta s’impose et par là même accorde à Charles Baudelaire la grâce de ses beaux vers comme il le disait de son œuvre, afin, toujours selon le poète, que ses écrits « prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes. »

Accompagné au piano par Annalisa Stagliano, on retrouve ici des textes qui ont bercé les études de milliers de collégiens (Le Spleen, l‘Albatros, L’Homme et la mer) et puis chacun a pu réentendre des vers qui lui sont proches par son amour du poète, par ses lectures propres, enfin il en a découvert peut-être d’autres. C’est la force des spectacles jubilaires.

Il y avait comme une odeur de nostalgie et de découverte dans ce très beau et esthétique spectacle.

Jacques Sallin

Infos pratiques :

Baudelaire – le bicentenaire de sa naissance d’Alexandre Païta, du 28 au 31 octobre 2021 au Théâtre des Grottes.

Mise en scène : Alexandre Païta

Avec Alexandre Païta, Melissa Cascarino, Annalisa Stagliano, Thibaud de Montenach

Photos : © Geoffroy Baud

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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