Contre-Enquête : La justice d’un père
Alors qu’on a jusque-là plutôt l’habitude de le voir dans des rôles comiques, Jean Dujardin endosse, en 2007, le rôle d’un capitaine de police frappé par le meurtre de sa petite fille. Une performance magistrale pour un film au scénario haletant.
Richard Malinowski (Jean Dujardin) est capitaine au sein de la brigade criminelle. Il mène une vie tranquille avec sa femme Claire (Agnès Blanchot) et sa fille Emilie (Alexandra Goncalvez), 7 ans. Jusqu’au jour où, alors qu’il s’est absenté pour le travail, la petite est retrouvée dans les bois, violée et assassinée. La vie du couple bascule. L’enquête est rapidement menée et un certain Daniel Eckmann (Laurent Lucas) est arrêté et écroué. Clamant son innocence, notamment à travers des lettres qu’il envoie à Richard, il convaincra ce dernier de reprendre le dossier à zéro, afin de vérifier que les conclusions n’aient pas été trop hâtives. C’est cette contre-enquête, en solitaire, qui lui permettra de tenir et de trouver un nouveau sens à sa vie.
Une brillante construction, pour un final haletant
Dans ce film basé sur l’œuvre de Lawrence Block, le réalisateur Franck Mancuso propose un traitement de l’image tout en maîtrise et en subtilité. Le début semble très coloré, alors qu’on assiste à la grande complicité entre Emilie et son père, dans sa chambre rose remplie de princesses. Un véritable conte de fée. Jusqu’à l’effondrement. Alors que Richard sombre petit à petit dans la dépression, les couleurs deviennent ternes. La focalisation se fait sur le policier, sur la manière dont il voit désormais le monde : froid et sans vie. Ce procédé permet au téléspectateur d’entrer dans l’état d’esprit de cet homme détruit et de mieux comprendre son état dépressif.
Mais ne croyez pas que le traitement de l’image s’arrête là. Contre-enquête est un film fait d’oppositions. L’histoire ne ce concentre ainsi pas uniquement sur Richard : elle met aussi en scène Daniel Eckmann, dans sa prison ressemblant à une tour d’ivoire. Dans sa cellule, toujours vêtu de bleu, le présumé assassin d’Emilie paraît intouchable. Les scènes qui le concernent sont ainsi empreintes d’une lumière artificielle presque éblouissante, qui contraste avec l’univers sombre de Malinowski. Leurs deux univers évoluent au fil de l’enquête, pour se rapprocher de plus en plus, jusqu’à ce que leurs chemins se croisent après la libération d’Eckmann. Quant à savoir ce qu’il adviendra ensuite, je vous laisse regarder le film pour le découvrir…
Deux opposés
Je l’évoquais précédemment, ce qui frappe dans Contre-enquête, c’est sa construction toute en opposition. Principalement centrée autour de Richard Malinowski, le père désespéré, et de Daniel Eckmann, le présumé assassin de la fille, elle permet surtout à ses deux interprètes de proposer une brillante performance d’acteur. D’un côté, Richard est submergé par ses émotions, à fleur de peau, lui qui doit surmonter la pire épreuve pour un père. À l’opposé, Eckmann est froid. Il semble ne dégager aucune émotion, sa voix est toujours parfaitement posée, presque monocorde, persuadé de son innocence – ou de sa toute puissance dans l’art de la manipulation ? D’où l’impression que la prison ressemble à une tour d’ivoire.
Si l’on peut lire tout ce qui se passe à l’intérieur de Malinowski en observant ses attitudes et son visage, il n’en est rien pour Eckmann. Ce dernier se montre extrêmement charismatique, déchaînant les passions – il entretient par exemple une correspondance amoureuse avec l’une de ses fans. Les grands criminels ont toujours attisé certaines passions… Ainsi, alors que l’enquêteur se montre parfois brouillon, se rattachant à l’une ou l’autre piste sans donner l’impression de savoir où il va, Eckmann s’avère être un grand calculateur, qui a tout prévu, même pour sa sortie. Difficile ici d’en dire plus sans dévoiler la suite du film. Il me faut toutefois souligner que les apparences sont souvent trompeuses…
Un thriller haletant
La performance des deux acteurs et l’opposition constante entre leurs deux univers ne seraient rien si elles ne se mettaient pas au service d’un scénario particulièrement bien ficelé. La tension est ainsi au rendez-vous tout au long de Contre-enquête et on ne parvient pas à éprouver une quelconque sympathie pour Daniel Eckmann, même lorsque tout concorde pour prouver son innocence. Derrière notre écran, on a envie de dire à Richard qu’il est en train de commettre une erreur, comme un pressentiment qu’on aurait, avant de savoir comment tout cela va finir. Franck Mancuso parvient ainsi à jouer sans cesse sur les limites : celle entre vérité et mensonge d’abord, qui deviennent de plus en plus floues au fil de l’enquête. Ce sont aussi les limites de ce qu’un être humain peut supporter : Richard a déjà tout perdu, cette contre-enquête est tout ce qui le raccroche désormais à la vie, et on le sent au bord de la rupture à tout moment. Enfin, c’est la limite de la personnalité d’Eckmann, qui joue un double-jeu entre sincérité et manipulation. Jusqu’à quel point ?
Vous l’aurez compris, Contre-enquête est un de mes coups de cœur, que je ne peux que recommander. Tout contribue à en faire un excellent film : la performance des acteurs, le scénario, la construction des images et le suspense toujours présent. S’il faut avoir le cœur bien accroché pour suivre les rebondissements et autres horreurs que cette Contre-enquête apportera, il n’en demeure pas moins un film sous-coté et bien souvent trop méconnu. Une belle découverte, dure, mais qui marque !
Fabien Imhof
Référence :
Contre-enquête, de Franck Mancuso (2007), avec Jean Dujardin, Laurent Lucas, Agnès Blanchot, Aurélien Recoing, Jacques Frantz, Jean-Pierre Cassel, Jean-François Garreaud…
Photos :
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