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Dans l’Atelier lecture virale d’Olivier May… – 2ème partie

La période pandémique est, décidément, très fertile pour les créateurs – quels qu’ils soient. Contraints de repenser leurs pratiques et de les adapter aux supports numériques, les auteurs font preuve d’une vitalité fascinante.

Aujourd’hui, c’est Olivier May, auteur « jeunesse » amateur de haïkus et de belles histoires, qui nous fait entrer dans son univers. À ces côtés, nous poussons la porte d’une chaîne Youtube un peu particulière, malicieusement intitulée Atelier lecture virale. Entre lecture, découverte et écriture, Olivier May n’a pas froid aux yeux et sort ses petits lecteurs-spectateurs de leur zone de confort… Voici la suite de l’entretien qu’il nous a accordé.

La Pépinière : Olivier May, vous avez une manière très poétique et très touchante de décrire votre travail et les liens que celui-ci suscite. Les liens – parlons-en, justement. En cette période de pandémie, difficile d’être en contact avec vos lecteurs ! Comment avez-vous adapté votre activité ?

Olivier May : Personnellement, le confinement n’a guère changé mon travail premier d’écriture, qui est solitaire. Un écrivain travaille tout le temps. En promenade avec mon chien en forêt, des idées de synopsis me viennent. En visitant un musée, en randonnée, en découvrant une vallée sauvage, en rencontrant un loup dans la montagne, en observant une personne, une scène, en captant un dialogue, dans une conversation, en m’endormant, tout est potentiellement matière à imaginaire.

Quant au travail éditorial, très important, seul gage de qualité et de rigueur, il continue par des allers-retours quotidiens avec mes éditrices, illustratrices et correctrices. Je mets ces mots au féminin, parce que cela correspond à une réalité dont je ne saurais me plaindre, pour une fois que les femmes sont largement majoritaires ! Tout ce travail est la marque de l’édition professionnelle qui la distingue  de l’autoédition, et j’y suis très attaché, car un livre est aussi une œuvre collective, bonifiée par cette pluralité des regards.

La Pépinière : Voilà pour le travail quotidien… mais quid des rencontres avec vos lecteurs ? Difficile, en cette période !

Olivier May : La cerise sur le gâteau de l’auteur « jeunesse », ce sont les tournées dans les classes, les dédicaces, les salons, les festivals. Et ce printemps, tout a été annulé ! C’est en recevant des messages et des témoignages de jeunes lectrices et lecteurs que m’est venue l’idée des Ateliers lecture virale. J’ai très vite opté pour une chaîne Youtube par commodité, un simple lien suffisant à diffuser mes vidéos, les rendant accessibles aux enfants confinés qui ont du temps pour m’écouter.

La Pépinière : Vous avez donc très bien « retourné votre veste », pour ainsi dire ! Sur votre chaîne, vous proposez notamment à vos lecteurs d’écrire des haïkus… pourquoi ce choix ? Pourquoi cette forme ?

Olivier May : Depuis que j’ai découvert l’art du haïku, et que j’en lis et écris, c’est tout naturellement que je les ai intégrés à mes animations en classe ou en salon du livre. La plupart des enfants aiment dessiner et écrire, si on les y encourage. Le haïku est pour moi une porte vers la création. Le cadre de trois vers en dix-sept syllabes 5/7/5 avec la césure et l’allusion à une saison[1] que je fixe par convention dans ma présentation est d’une simplicité et d’une évidence telle qu’il semble d’emblée abordable, sans les obstacles de la rime et de la versification occidentale. Le rythme, l’évocation, la césure s’y substituent. C’est donc par un petit tutorial que je commence mon premier atelier sur Youtube. Ensuite, au fil de mes lectures en ligne, les enfants s’inspirent de l’univers de mes textes pour créer leurs haïkus.

J’ai ainsi eu le plaisir de recevoir les haïkus d’une classe valaisanne que je devais rencontrer. Leur institutrice m’a envoyé la production de plusieurs enfants. Si certains ont illustré l’histoire de tigre de ma lecture, d’autres se sont lancés dans une poésie du quotidien.

La Pépinière : Un moyen de continuer à créer, à la fois ensemble et à distance, donc ?

Olivier May : C’est exactement à ça que je voulais aboutir. Par le truchement de mes lectures, après avoir donné le cadre et l’outil, stimuler l’imaginaire et réenchanter ce quotidien confiné. La pratique de l’écriture du haïku, tout en sachant qu’une perle de beauté pure ne sort que de temps en temps – et le plus souvent sans crier gare – de sa plume, que l’on soit auteur ou simple amateur, est un plaisir à la portée de chacun. C’est une respiration bienvenue. Surtout que cette pandémie a déjà ses images d’étouffement, que le terme anxiogène de « confinement » ne fait sans doute qu’accentuer. Écrire un haïku, capter l’instant, respirer l’émotion, c’est déjà s’échapper, s’oxygéner, se régénérer, non ?

La Pépinière : Olivier May, merci beaucoup pour cet entretien ! Nous nous réjouissons de découvrir les prochains numéros de l’Atelier lecture virale !

Propos recueillis par Magali Bossi

Photo : ©EliasSch

Retrouvez la première partie de l’entretien ici !

Infos pratiques :

Les Ateliers lecture virale sont à découvrir ici !

[1] Ndlr : en japonais, respectivement le kireji (« mot de coupe ») et le kigo (« mot de saison »).

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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