Les réverbères : arts vivants

Émotions présentes

Les comédiens déclament, le public, lui, acclame. C’est avec Phèdre, de Jean Racine que les Amis musiquethéâtre ont ébloui classes et amoureux de classique du 1er au 20 octobre 2024. Une tragédie pas si antique, qui touche à la nature humaine et bouleverse celles et ceux qui en sont témoins.

Que dire de Phèdre qui ne soit déjà connu. Phèdre, donc, femme Thésée, qui se meurt d’amour pour son beau-fils Hyppolite et qui se meurt de ne pas pouvoir le dire. Elle va par trois fois l’admettre, d’abord devant sa servante, puis devant Hyppolite lui-même et enfin devant Thésée. Sa parole va déclencher une série d’évènements tragiques la menant à sa mort. Celle que l’auteur qualifie de « ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente. » (Jean Racine, préface de Phèdre) n’a aucune morale, aucune leçon à nous apprendre seulement des sentiments à transmettre et des émotions à nous faire vivre.

Ici point de dorure, ni de parure, seulement des vers déclamés avec justesse. C’est la première chose qui frappe : la sobriété du décor, un escalier, un pilier et c’est tout. Pareil pour les accessoires, une épée, rien d’autre quant aux costumes, des vêtements simples. A l’exception de Phèdre, qui se change à chaque acte, perdant des couches de vêtements comme des couches de secrets gardé dans les trois premiers actes puis revêtant des couches de mensonge dans les 2 actes suivants. Une simplicité qui permet de faire du texte et du jeu des comédiens le centre de la pièce ce qui permet de sublimer le texte et le talent de déclamation des comédien-ne-s.  

Celles et ceux qui écoutent, qu’iels soient spectateur·ice·s ou comédien·ne·s en scène sont quasiment immobiles, comme pour mieux écouter, mieux vivre les émois des autres. Un jeu magnifique, empli d’émotions qui happe celles et ceux qui regardent dans la tragédie vécue par les personnages. D’abord Phèdre, qui ne sait plus si elle doit parler ou se taire et qui se perd dans sa vérité et ses mensonges, nous rappelant nos propres débats éthiques intérieures. Puis Hyppolite, qui se bat contre ses sentiments amoureux et se tait pour ne pas désavouer sa belle-mère nous rappelant nos propres loyauté et résistances face à nos sentiments. Enfin, j’espère pour vous que vous n’avez jamais connu les émois d’Aricie, veuve avant même d’être mariée ou de Thésée condamnant son fils sur un mensonge. Mais au final, quel que soit le personnage qui parle on tremble, rit, pleure, souffre avec eux et repars le cœur vibrant d’avoir tant vécu.

En conclusion, Phèdre, bien que maintes fois déclamée au fil des siècle et des salles de théâtre reste pertinente aujourd’hui non seulement dans les émotions qu’elle véhicule mais aussi, et surtout, dans le plaisir que l’on peut avoir, à écouter de temps à autre de la belle littérature d’antan en alexandrin.

Lisa Rigotti

Infos pratiques :

Phèdre, de Jean Racine, du 1er au 20 octobre 2024 aux Amis musiquethéâtre.

Mise en scène : Françoise Courvoisier et José Lillo

Avec Françoise Courvoisier, Linna Ibrahim, José Lillo, Sophie Lukasik, Patricia Mollet-Mercier, Nicolas Rossier, Juliana Samarine et Claude Vuillemin

https://lesamismusiquetheatre.ch/phedre/

Photos : © Anouk Schneider

Lisa Rigotti

Rédactrice occasionnelle, sa formation de travail social l’incite à accueillir l’humain sous toutes ses facettes dans le réel ou l’imaginaire. Elle aime les couleurs mais surtout le rose, les jeux vidéo, et dormir. Jamais seule au théâtre, écrire c’est un prétexte pour débriefer et partager avec les autres.

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